Vous feriez mieux de recalculer le montant de votre retraite...
La Cour des comptes relève un taux d'erreurs de 21 % dans certaines caisses de retraite. L'économiste Jacques Bichot tire la sonnette d'alarme.
Imaginez qu'un centre des impôts roule dans la farine un contribuable sur cinq. Ce serait l'émeute. En revanche, les retraités ne descendent pas dans la rue quand leur caisse d'assurance retraite se trompe, car ils ne s'en rendent pas compte. « Même au moment où ils font la demande de liquidation au régime général, la complication des modalités de calcul les met de facto dans l'obligation de faire une confiance aveugle à ce qui sortira des ordinateurs de la caisse », constate le professeur Jacques Bichot dans La Retraite en liberté (*). Docteur en mathématiques et en économie, cet ancien professeur est considéré comme l'un des meilleurs spécialistes du financement des retraites en France.
Malgré son titre un peu badin, l'ouvrage est une attaque au vitriol contre notre système des retraites par répartition, dont les pratiques sont parfois comparables aux pyramides d'argent inventées par Bernard Madoff, cet escroc financier américain qui payait les intérêts en se servant de nouveaux dépôts d'argent. Ainsi, la Cour des comptes a refusé à deux reprises par le passé de certifier les comptes de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS). Quand elle accepte de les certifier, elle émet de nombreuses réserves en raison de « la fréquence et [de] l'incidence financière des erreurs qui affectent les prestations légales ». Si toutes les caisses de retraite ne se trompent pas une fois sur cinq, le taux d'erreurs tourne tout de même en moyenne au-dessus de 7 %.
« Ça ne coûte rien puisque c'est l'État qui paye »
Pour obtenir ensuite réparation, il convient de s'armer de beaucoup de patience. Marie-Laure Dufrêche, déléguée générale de l'association Sauvegarde retraites, cite le cas d'un malheureux contraint d'écrire 45 lettres recommandées avant qu'une caisse de retraite ne daigne lui répondre. Ou de cette Parisienne systématiquement orientée vers une caisse de Bretagne alors qu'elle n'a jamais mis les pieds dans cette ville du Finistère. Des dysfonctionnements volontaires ? Jacques Bichot ne va pas jusque-là. En revanche, il dénonce l'existence de 36 régimes de retraite en France, alors que la Suède n'en compte qu'un seul. Résultat, des assurés sociaux qui ont changé de métier se retrouvent dans trois, quatre ou cinq régimes différents, ce qui provoque une multitude d'erreurs. À ces complications s'ajoutent les surcoûts de dépenses de gestion des 36 régimes, estimés entre 2 et 3 milliards d'euros par an.
Alors que, selon le Code de la sécurité sociale, « les assurés bénéficient d'un traitement équitable au regard de la durée de la retraite comme du montant de leur pension, quels que soient leur sexe, leurs activités et leurs parcours professionnels passés », les fonctionnaires, contrairement aux salariés du secteur privé, voient leur taux de cotisation vieillesse payé par le Trésor public à 74,28 %. Et pour les militaires à… 126,07 %. En fait, ce sont des subventions déguisées. C'est l'État qui paye. « Et, comme l'État, au lieu de faire des économies, fait des trous, des dettes, on paye en s'endettant toujours un peu plus », déplore Jacques Bichot, qui garde en mémoire une réflexion de François Hollande : « Ça ne coûte rien puisque c'est l'État qui paye. »
Des pensions en chute libre
« Nos caisses de retraite distribuent allégrement des droits à pension à leurs cotisants (…), quitte à s'apercevoir quelques décennies plus tard qu'elles ne peuvent pas honorer leurs engagements. Le législateur doit en conséquence dévaluer périodiquement la monnaie de singe ainsi imprudemment émise par ces caisses », écrit le Pr Bichot. D'où les réformes de 1993, 2003, 2010, 2014, que l'économiste baptise ironiquement des « promenades en calèche » en raison de leur inefficacité. Jacques Bichot, qui a écrit avec Alain Madelin Quand les autruches prendront leur retraite, souligne que, selon le Conseil d'orientation des retraites (COR), la pension moyenne des retraités français, qui est actuellement de 52 % du revenu d'activité, va chuter dans les prochaines années à 45 %, voire à 35 % !
Pour mémoire, dans le régime par répartition, les cotisations vieillesse que nous versons en 2017 servent à payer les pensions de 2017. En revanche, les cotisations que nous toucherons en 2030 ou 2040 vont dépendre des naissances et des salaires de nos enfants. Or le taux de natalité, qui était de 3 à la sortie de la guerre en 1945, est descendu à un peu moins de 2 aujourd'hui. Et il ne cesse de s'effriter. Résultat, le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités a chuté de 2,12 en 2000 à 1,7 en 2010. Il sera demain à 1,45, voire à 1,35. Mais, braves gens, vous ne vous apercevez encore de rien, car, « pour rendre les comptes publics incompréhensibles, les finances de l'État et de la sécurité sociale sont systématiquement mélangées grâce à un système très compliqué de vases communicants », rappelle Jacques Bichot.
(*) Le Cherche Midi, sortie le 19 janvier 2017.
Source : Le Point.fr
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