Brexit : shame on you, Boris ! Par Le Monde
Source : Le Monde, 01.07.2016 Editorial du « Monde ». Le 23 juin, une majorité de Britanniques – 52 % – a rendu un verdict clair et net : le Royaume-Uni doit sortir de l'Union européenne(UE). On peut le regretter. On peut penser que la campagne en faveur du Brexit restera comme un sommet dans les annales du mensonge en politique. Mais on ne peut pas en contester le résultat : « out », en bon anglais, ça veut bien dire« dehors ». Pas si simple, pourtant, quand la vie politique nationale est devenue une sorte de comédie à l'italienne, transposition contemporaine du Comme il vous plaira shakespearien et de sa célèbre réplique : « Le monde entier est un théâtre. » Ces 52 % n'auraient sans doute pas été atteints si la campagne n'avait été animée par un des plus brillants bateleurs de la classe politique, l'ex-maire de Londres Boris Johnson. Député conservateur, esprit vif, familier des affaires européennes, libéral en économie comme en politique, proche socialement de David Cameron, le premier ministre, M. Johnson a été le leader des partisans du Brexit. Il a mené cette campagne de concert avec Michael Gove, ministre de la justice et idéologue du Brexit. Mais « Boris » ne s'attendait sans doute pas à gagner. Un « brexiter » mouL'initiative du référendum revient au premier ministre et chef du Parti conservateur (tory), David Cameron. Au lieu de combattre franchement les fantasmes de la fraction europhobe de sa majorité, M. Cameron a cherché à l'apaiser en organisant ce scrutin. Il s'attendait à gagner, lui, sans trop d'efforts. Las, il a mené une mauvaise campagne en faveur du maintien de son pays dans l'UE et il a perdu. Loin d'avoir unifié son parti, il l'a divisé. Il ne voulait pas quitter l'Europe, il y est contraint. Il en a tiré les conséquences : il a démissionné. En bonne logique démocratique, conformément aux vœux de la majorité du 23 juin, le prochain chef des tories doit appartenir au camp des « brexiters », puisqu'il lui reviendra de mettre en œuvre le choix du peuple britannique. Logiquement, donc, M. Johnson était l'un des favoris, sinon le favori, dans la course à la direction du parti et à Downing Street. Seulement voilà, au pied du mur, jeudi 30 juin, dans un climat de grand tumulte politique et économique, il a calé et retiré sa candidature. Il a été trahi par son frère en Brexit, M. Gove, qui a décidé de se présenter lui-même et de chiper à l'ex-maire de Londres une partie du soutien politique dont il avait besoin. M. Gove accuse M. Johnson d'être un « brexiter » mou. Il est vrai que Boris Johnson, dans un tardif accès de franchise, a reconnu, dès le 27 juin, qu'il serait impossible de tenir les promesses de la campagne. Il a semblé disposé à des concessions – notamment sur l'immigration, thème central des « brexiters » – pour que le pays reste dans le marché unique et continue à être étroitement associé à l'UE. Un peu comme s'il avait enfin pris la mesure de l'énormité du Brexit et de ses conséquences. Ce n'est pas glorieux. M. Johnson a 52 ans, pas 13. Il a joué un rôle éminent dans la percée du Brexit, qui est une affaire des plus sérieuses. Comme le dit le Guardian, « Boris » a semé la pagaille et ne veut pas s'en occuper. Shame on you, Boris ! L'épisode va favoriser la candidature de la ministre de l'intérieur, Theresa May. Eurosceptique mais opposée au Brexit, elle pourrait avoir à le mettre en pratique. On pardonnera aux électeurs si leur confiance dans le système politique ressort affaiblie de ce mélodrame des bords de la Tamise. Source : Le Monde, 01.07.2016 |
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