Faut-il craindre une guerre avec la Russie à l'horizon 2030 ? Par Fredrik Wesslau et Andrew Wilson
Source : L’Express, Fredrik Wesslau, Andrew Wilson, 23/07/2016 L’objectif de la Russie est de retrouver son statut de grande puissance. Pour ce faire, elle ne cesse d’user de stratégies économiques, militaires et diplomatiques qui font craindre le pire à ses voisins et à l’Union européenne. L’analyse de Fredrik Wesslau et Andrew Wilson du Conseil européen des relations internationales.
D’après l’agence spatiale russe, la Russie colonisera la lune en 2030, les cosmonautes y construiront une base dotée d’une centrale solaire et d’un laboratoire scientifique au-dessus desquels orbitera un satellite. Le président Poutine sera peut-être parti depuis longtemps – ou peut-être sera-t-il toujours président. Il y aura cinq millions de Russes de moins qu’aujourd’hui et la croissance stagnera. Reste la question de la position du pays sur la scène internationale… Dans un rapport publié par le Conseil européen des relations internationales, nous avons examiné la façon dont la Russie et ses voisins de l’Est de l’Union européenne pourraient se développer d’ici 2030. Pour se légitimer, le Kremlin a recourt au conflitDepuis qu’il est devenu président en 2000, le contrat social de Poutine avec les Russes repose sur des améliorations régulières de la qualité de vie. De 1999 à 2013, le salaire moyen est passé de 60 à 940 dollars. Mais ce bilan social pourrait se déliter. Après un rebond les deux prochaines années, l’économie russe stagnera autour de 1% de croissance annuelle. Les sanctions occidentales influenceront cette impasse économique mais de plus gros problèmes impacteront l’économie russe, notamment le déclin démographique, la corruption, la faiblesse de l’État de droit et la mauvaise gestion. D’ici 2030, la Russie aura perdu cinq places et ne devrait plus être que la 15e économie mondiale.
Pour renforcer sa légitimité, le Kremlin se repose sur le nationalisme, l’aventurisme dans ses affaires étrangères et la désignation d’ennemis extérieurs. Il y aura davantage de “petites guerres victorieuses” – dans les pays voisins, dans certains pays du Moyen-Orient, ou encore en Egypte- comme on l’a vu en Crimée et en Syrie. Leur but est de susciter de la légitimité, de détourner l’attention de l’économie et de renforcer le discours selon lequel la Russie est à nouveau une grande puissance.
Une recherche de l’escalade si ce n’est de la guerreDe ses aventures militaires récentes (Syrie, Ukraine et Géorgie), Moscou a appris que la force militaire est un instrument de politique étrangère efficace pour atteindre des objectifs diplomatiques et politiques. La modernisation des forces armées se heurte aux restrictions des ressources, mais confère encore au Kremlin un instrument puissant. Les forces armées russes continueront de cibler principalement l’OTAN et les pays limitrophes. Les régions les plus exposées sont les États baltes, les Balkans occidentaux et l’Asie centrale. La Russie ne cherchera pas de manière proactive à entrer en guerre avec l’Occident, mais voit un intérêt à s’engager avec empressement dans une escalade majeure, jusqu’à manifester sa volonté – réelle ou feinte – d’utiliser des armes nucléaires.
Ses voisins de l’Est et de l’Europe Centrale en ligne de mireLa Russie devrait encore tenter de dominer ses voisins immédiats, notamment l’Ukraine. Des voisins obéissants sont indispensables à la sécurité nationale de la Russie et à ses ambitions de grande puissance. Son but maximaliste est un cercle d’États amis et loyaux s’alignant sur les positions de Moscou. Le but minimaliste est un cercle d’États faibles et dysfonctionnels, gérés par des leaders corrompus, incapables de se réformer ou de rejoindre l’OTAN et l’UE, donc de facto inféodés à Moscou. La Géorgie, l’Ukraine et la Moldavie devraient patauger entre semi-démocratie et réformes partielles. Le postcommunisme est bien plus difficile à réformer que le communisme, dans la mesure où les élites locales et les réseaux de corruption ont acquis les moyens de reproduire leur pouvoir.
Des oligarques et des hommes politiques contrôlent les organes de presse et manipulent la politique. Des systèmes judiciaires pervertis protègent l’élite et minent l’État de droit.
La Biélorussie, l’Azerbaïdjan et l’Arménie demeureront sur le déclin en essayant de trouver un équilibre entre l’UE et la Russie. La Biélorussie et l’Arménie resteront des satellites russes, mais l’amenuisement des ressources en Russie provoqueront une recrudescence de tensions et de menaces de la part de Minsk et même d’Erevan soucieux de s’aligner au contraire avec l’Occident. Les nationalismes biélorusse et arménien, plus nativistes, devraient croître. L’Europe dispose de très peu d’options politiquesL‘influence que l’Europe peut avoir sur le comportement russe a ses limites. Notamment compte tenu du fait que l’assurance de la Russie est de plus en plus animée par le désir du Kremlin de se légitimer face au déclin économique. Cela laisse très peu de bonnes options politiques à l’Europe. Les sanctions économiques sont brutales, ont un coût pour l’Europe et alimentent le story telling du Kremlin. Encourager la dissuasion des pays de l’Est pose un dilemme sécuritaire classique et fait également le jeu du Kremlin. Mais en dépit de leurs inconvénients, ces mesures sont nécessaires face à l’agressivité russe pour protéger les principes sous-jacents à l’ordre sécuritaire de l’Europe.
Le dialogue est vital, mais doit être approprié. Il ne doit pas signifier une acceptation implicite des transgressions de la Russie en Ukraine ou être synonyme de “business as usual”. Si la tendance est aux conflits, alors l’ouverture des canaux de communication avec Moscou sera indispensable pour éviter des calculs fatals. Source : L’Express, Fredrik Wesslau, Andrew Wilson, 23/07/2016 ============================================= Excusez-moi pour la masse de fluo, mais ce n’est pas ma faute… Voici donc le type “d’élites” que produit notre système éducatif – pauvres de nous… |
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