mardi 4 décembre 2012

L'Union Europe et haines favorise le séparatisme

Catalans, Ecossais, Flamands… L'Europe de l'Ouest succombe à son tour aux sirènes du séparatisme. Pour l'essayiste bulgare Ivaïlo Ditchev, les nouveaux nationalistes se retranchent tels les seigneurs féodaux derrière leur bien-être économique, sous couvert de défendre leur identité. 

 LE QUOTIDIEN QUI MARK 

Pour comprendre les mouvements séparatistes européens de ces 20 dernières années, je propose de nous livrer à la simulation suivante.
On lance l'idée d'une autonomie substantielle de Sofia, la capitale bulgare, avec pour objectif ultime son détachement du territoire national. Pour ce faire, nous mobilisons une cohorte d'historiens médiatiques pour prouver – par exemple –  les racines celtes de la ville tombée sous la coupe d'envahisseurs du Nord, responsables du massacre de milliers de chrétiens paisibles et innocents. L'Histoire est vaste, les sujets ne manquent pas !
L'indépendance de Sofia du reste du pays, économiquement bien moins développé, entraine automatiquement une hausse de la prospérité de ses habitants – de 37 % de la moyenne européenne leurs revenus atteignent les 70 % et, avec l'exclusion habile des quartiers roms de la ville, même les 100 %. Il ne nous reste plus qu'à proclamer notre capitale "le Luxembourg des Balkans". Facile !
Il en sera de même si la ville de Munich entreprend elle aussi un jour de se libérer du "joug" allemand ; idem pour Londres. Dans ce cas les revenus de leurs habitants atteindront des chiffres astronomiques : de 300 % de la moyenne UE pour les uns, jusqu'à 600 % pour les seconds !

Une soif d'indépendance intéressée

Qu'est-ce qui peut empêcher les riches de se libérer du poids de leurs concitoyens plus pauvres ? Rappelons-nous qu'à la chute de l'Empire ottoman, les Balkans se sont enfoncés dans une crise longue de plusieurs dizaines d'années. Tout au long du XIXème siècle, par exemple, l'économie grecque était sous perfusion des grandes banques internationales – exactement comme aujourd'hui. Des ruines de l'empire austro-hongrois est né un petit pays agraire, provincial et folklorique – l'Autriche. Du temps de leur splendeur, ces entités possédaient de vastes territoires contrôlées par l'Etat central – une source de matières premières et de main d'œuvre à qui l'industrie vendait en retour ses produits.
Un échange qui demandait une bonne dose de solidarité : les riches consacraient une partie de leurs revenus pour instruire ses futurs employés, construire des routes, défendre les frontières du pays. Tout cela n'est plus de mise aujourd'hui : si Sofia déclare son indépendance, elle n'aura pas ce genre de préoccupations. L'économie est désormais globale et la sécurité est assurée par l'Alliance atlantique. Plutôt que d'acheter ses tomates à Plovdiv (sud), la ville pourra le faire à Izmir (en Turquie) ; plutôt que d'embaucher des conducteurs de trams à Vidin (nord), elle pourra employer des Indiens de New Delhi.
La construction identitaire, même fantasmagorique, a son importance –  certes. Mais elle est surtout un moyen dans la lutte pour le pouvoir et les ressources économiques. A la différence de Sofia, la Catalogne possède réellement une histoire millénaire, une culture et même une langue qui lui est propre. Mais l'argument le plus sérieux des indépendantistes reste le fait que cette région est sensiblement plus riche que le reste de l'Espagne : les séparatistes gagnent la sympathie des électeurs grâce à leur refus de payer pour les autres.
En comparaison, les indépendantistes basques, qui n'hésitent pas à employer la force et la terreur, semblent bien plus déterminés dans leur lutte contre Madrid. Mais leur indépendance me semble bien plus éloignée que celle de leurs compatriotes catalans pour la simple raison qu'ils sont bien plus pauvres. Le topo est à peu près le même en Ecosse qui se prépare d'ici deux ans à organiser un référendum sur l'indépendance. Là aussi, nous avons une vieille histoire, des différences culturelles et les dégâts de l'impérialisme britannique – bref tout l'arsenal identitaire nécessaire à appuyer ce mouvement de séparation.
Mais est-ce que cette soif d'indépendance serait la même si on n'avait pas trouvé en Mer du Nord des gisements de pétrole capables de faire de l'Ecosse une deuxième Norvège – un pays qui, par ailleurs, refuse obstinément d'adhérer à l'UE ? En comparaison, le nationalisme irlandais est plus ancien, sanglant même. Mais la majorité des Irlandais du Nord s'est régulièrement prononcée contre leur indépendance.

Une logique néolibérale destructrice

Les Flamands de Belgique demandent également leur indépendance à cause de l'appauvrissement de leurs compatriotes wallons dans les années 1970. Peut-être la seule chose – à part le roi, la bière et le foot – qui fait que ce sympathique petit pays existe encore est la ville de Bruxelles, que les deux entités n'arrivent pas à se partager. Sinon, le processus de désintégration est bien avancé et la plupart des Belges que je connais se sont faits à l'idée de voir un de ces jours leur pays disparaître. 


Le nationalisme corse, beaucoup plus bruyant, a en revanche beaucoup moins de chances d'aboutir, car il est peu probable que la population de l'Ile de beauté (où l'on incendie tous les étés des villas d’"intrus français") renonce aux généreuses subventions et autres avantages prodigués par la métropole.
Comment se fait-il que l'Europe de l'Ouest succombe à son tour aux séparatismes et à la désintégration à l'œuvre à l'Est du continent ? Est-ce qu'il faut en chercher la raison dans la politique irresponsable des régionalismes prônée par l'UE ? Cette politique avait pour but d'affaiblir les Etats nationaux au profit de Bruxelles. L'idée a échoué car les Etats ont bien été affaiblis, mais Bruxelles l'a été encore davantage.
Selon moi, la raison principale de la désintégration des territoires nationaux est la logique néolibérale pour qui le profit économique immédiat reste le critère unique et universel. Et c'est ainsi qu'un pays, une région ou même une ville se prennent pour des entreprises et agissent de manière égoïste sur le marché global. L'aspect visible de ce processus est le durcissement du discours identitaire qui devient plus agressif, voire fascizoïde. Des Britanniques de plus en plus anti-européens, des Allemands qui ne veulent pas payer pour les frasques des Grecs…
 

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