dimanche 27 décembre 2020

Néolibéralisme, le libéralisme autoritaire ?

Par Vilfredo Burgess. Le terme de «�libéralisme autoritaire Â» n’est pas neuf1, mais jouit d’une nouvelle actualité avec la parution d’un ouvrage traduit et présenté par Grégoire Chamayou aux éditions Zones intitulé Du libéralisme autoritaire, qui met face à face les textes de deux juristes de la République de Weimar, Carl Schmitt et Hermann Heller. Grégoire Chamayou considère que ces deux auteurs que tout oppose, l’un fasciste, l’autre antifasciste, l’un catholique et raciste, l’autre juif et antiraciste, pourraient éclairer la genèse du néolibéralisme, qu’il nomme « libéralisme autoritaire ». Un terme qui peut sembler oxymorique, car on s’est habitué, peut-être à tort, à identifier le libéralisme avec une réduction de la taille et du domaine d’intervention de l’État. Grégoire Chamayou souligne pourtant que cette réduction de la taille de l’État n’est pas incompatible avec une société répressive, qui dépolitise la société (par exemple en luttant contre les mouvements de grève et les syndicats) pour repolitiser l’État, réduit à ses fonctions régaliennes, et il croit en voir le modèle dans l’œuvre de Carl Schmitt, un modèle que personne, sauf la Nouvelle Droite et l’ultra-gauche, ne voudrait assumer. Pourtant, il nous paraît que ce rapprochement fait état d’une mécompréhension des conceptions divergentes de l’État dans la philosophie et plus encore dans le cadre de pensée intellectuel du néolibéralisme. Un terme vague, mais dont on croit comprendre qu’il se réfère au renouveau libéral qui a traversé les années 1970 et 1980 dans le contexte de l’ère Reagan-Thatcher, que l’on entend également parfois désignée sous le nom de « révolution conservatrice Â», ce qui ne fait qu’ajouter au flou conceptuel qui entoure la caractérisation politique de cette période récente en la rapprochant de l’autre période désignée généralement sous ce nom, à savoir les mouvements intellectuels de droite réactionnaire sous la république de Weimar (Oswald Spengler, Arthur Moeller van den Bruck, Ludwig Klages, Ernst Jünger et Carl Schmitt). Rappelons brièvement qui est Carl Schmitt. Nous renvoyons le lecteur à l’édition française de La Notion de politique, son ouvrage séminal, et à la préface qu’en a fait Julien Freund, pour une présentation plus exhaustive2. Carl Schmitt est, comme le rappelle du reste Grégoire Chamayou, un des plus importants juristes allemands du XXe siècle. Il est impliqué dans des débats politiques autour de la question de la sécularisation : en 1921, il défend dans Théologie politique que les concepts politiques sont tous des concepts théologiques sécularisés, et revendique une conception décisionniste de la souveraineté (« Est souverain celui qui décide en situation exceptionnelle. Â») qui le sépare nettement de la tradition libérale qu’il n’aura de cesse d’attaquer. Le politique (défini comme une « substance » qui innerve l’ « instance » de l’État) prend racine dans une situation extrême de conflit entre des « amis » et des « ennemis » qui a une valeur existentielle et qui prend forme dans la guerre. L’État libéral, note Schmitt, est un État pour lequel plus personne n’est prêt à mourir. Inspiré par l’anarcho-syndicaliste admirateur du léninisme Georges Sorel et ses Réflexions sur la violence, il voit dans ce phénomène la disparition du « mythe » de l’État3 dans une conception libérale, dépassionnée de l’État, envahi, selon lui, par d’autres dimensions secondaires (à commencer par l’économie). Ce désengagement de l’État de sa fonction mythique et existentielle se traduit par l’invasion de la morale dans la politique, par « la » politique en tant que pratique parlementaire, par opposition à la substance « du » politique. Cette perte du politique s’identifie pour Schmitt à la transformation du droit à la lumière des guerres du XXe siècle, la moralisation de la guerre par le pacte Briand-Kellogg et l’invention du concept de « crime contre l’humanité » après la Seconde Guerre mondiale, qu’il vilipende dans Le Nomos de la Terre comme des tentatives antipolitiques : il ne peut y avoir d’ennemi de l’humanité car l’humanité n’est pas un concept politique (elle ne saurait avoir d’ennemis hors d’elle-même). Les droits de l’Homme et le « droit-de-l’hommisme » sont la quintessence de cette tendance. Grégoire Chamayou reconnaît que l’État libéral fait une distinction entre État et société alors que l’« État total » prôné par Schmitt repose sur la fusion des deux. L’« État total » s’oppose radicalement à l’État de droit, qui considère des individus là où l’État total ne voit que des groupes, des unités organiques, le Volk. L’État de droit fonctionne à partir de règles abstraites. Il est fondé sur un type de pensée juridique articulé à la conception décisionniste schmittienne, et qu’il appelle la « pensée de l’ordre concret », dénoncée par Hayek comme une forme de constructivisme irrationnel dans Droit, législation et liberté4. L’État de droit, en résumé, garantit la séparation et la protection des attributions respectives des domaines de l’État et de la société civile. Cette distinction maintenue suppose aussi qu’on sépare ce qui est légal (et relève du droit positif) de ce qui est légitime (qui relève du droit naturel), selon un rapport des gouvernants au gouverné qui est régi par le consentement et plonge ses racines dans l’œuvre de Locke plutôt que de Hobbes. Hobbes est le modèle de Schmitt. Il lui a consacré un ouvrage en 1938, car il admire dans l’œuvre du philosophe anglais la résolution de cette dichotomie dans le décisionnisme dont fait preuve le souverain dans le Léviathan : aucune loi ne peut être injuste, tout ce qu’exprime le Léviathan fait droit. Cela ne revient pourtant pas à dire que Hobbes renie toute place au droit naturel : il maintient l’existence d’un droit de résistance individuelle, et l’analyse offerte entre autres par Yves Charles Zarka du processus de représentation dans Hobbes, où le souverain incarne la volonté du corps politique qui l’institue par le contrat comme un acteur dit un texte dont il n’est pas l’auteur, relativise grandement la lecture schmittienne. Mais Schmitt, qui n’est pas homme à s’embarrasser des subtilités du système de Hobbes, ayant érigé l’universalisme, le normativisme et le libéralisme en « fourberies de l’esprit juif »5, est tout à fait prêt à oblitérer tous les aspects individuels et libéraux de l’œuvre de Hobbes, certes contradictoire et parfois mal comprise ou lue sans attention, et toute possibilité de désobéissance civile, de résistance à l’oppression, qui sont des caractéristiques propres à l’État de droit, des mécanismes propres à le sauver de ses propres dérives6. Quand on a lu les auteurs libéraux et qu’on en vient à la critique violente (et parfois mensongère, au sujet de Hobbes) qu’en fait Schmitt, on ne comprend donc vraiment pas comment celui-ci peut avoir inspiré les penseurs du néolibéralisme. Dans Le Libéralisme conservateur. Trois essais sur Schmitt, Hayek et Hegel (éd. Kimé, 1993), Renato Cristi avait déjà fait un rapprochement qui va peut-être nous permettre d’y voir plus clair. Il y fournit une curieuse interprétation de Hayek : dans la mesure où les lois doivent être « abstraites et générales Â», elles ne sont pas incompatibles avec la coercition, pourvu que les individus soient informés des lois en vigueur. Dans l’abstraction de la norme peuvent se nicher toutes les inégalités (on voit venir les inégalités économiques) concrètes : elles ne touchent pas au droit. C’est assez cocasse de lire une telle critique de l’abstraction de la philosophie de Hayek comme la porte ouverte à toutes les fenêtres coercitives, car c’est exactement celle que fournit Rothbard dans L’Éthique de la liberté7. C’est pourtant mal comprendre l’œuvre de Hayek, qui entend abstraction comme la propriété émergente d’un processus évolutionniste de complexification de la société, dans laquelle la dispersion de l’information rend tout interventionnisme direct inefficace et illégitime. Inefficace parce que l’information est trop dispersée pour être centralisée, illégitime parce que la majorité ne peut donner son consentement, faire consensus, que sur des règles très abstraites et générales et non sur des commandements particuliers (on retrouve presque là, de façon très ironique, un argument de Rousseau). Faire de Hayek un défenseur des travaux publics et de la réduction de la société en esclavage sous couvert de règles abstraites est donc un contresens que les libertariens comme Rothbard et Hoppe sont les premiers à faire, mais qu’on n’attendait certes pas de la gauche, plus habituée à dénoncer le gouffre entre la garantie des libertés formelles (abstraites) et réelles, les premières permettant d’éviter de garantir les secondes, d’où la compatibilité possible entre un État libéral en principe et un État autoritaire dans les faits. Le tour de passe-passe est élégant mais il n’est pas fidèle aux textes et à la pensée des auteurs contre lesquels il est dirigé. C’est précisément la tentative d’imposer une égalité concrète qui serait autoritaire et coercitive8. Dans son ouvrage, Renato Cristi rapproche Schmitt et Hayek dans leur dénonciation du positivisme juridique. Selon lui, la cible principale de Schmitt n’est pas le libéralisme, mais la démocratie, et les critiques libérales de la démocratie formulée par Hayek ne serait que le miroir, et non le contraire, de la critique schmittienne. Nul doute que Grégoire Chamayou a mis ses pieds dans les chaussons d’une telle analyse. Le problème de la démocratie, selon Schmitt, est d’avoir politisé la société, d’avoir dépris l’État de son monopole de la politique, concentrée dans le domaine régalien. Ce n’est pas du tout la critique de Hayek. En passant, il est comique de vouloir faire de Hayek un partisan d’un État strictement régalien et autoritaire à la Schmitt alors que le mérite des critiques libertariennes est au moins de nous avoir pourvus d’une liste de tous les domaines non-régaliens dans lesquels Hayek croyait que l’intervention de l’État était légitime. La critique que Hayek fait de la démocratie, telle qu’elle est exprimée dans son Å“uvre la plus achevée, Droit, législation et liberté, est que « le pouvoir illimité est la conséquence fatale de la forme établie de démocratie Â» (Hayek 2007 : 620), qui résulte d’une forme de démocratie où règne la dictature des partis et où la politique devient un marché de droits-créances toujours plus invasifs pour l’individu, dans la mesure où chaque parti courtise minorité après minorité pour constituer son électorat et les arrose d’argent public une fois parvenu au pouvoir, au mépris des diverses procédures de limitations du pouvoir qui entravent cette course socialisante, laquelle bafoue l’intérêt public en faveur de son électorat, créant une « incitation Â» à la déresponsabilisation et à l’interventionnisme. L’analyse, grandement influencée par sa formation d’économiste, que Hayek fait de l’État, est plus voisine de l’école du Public Choice qui propose d’analyser l’État comme un acteur économique ayant ses préférences et ses « incitations » (nous traduisons le terme du vocabulaire économique incentive) comme un consommateur, et des ouvrages de James M. Buchanan, que de l’analyse irrationnelle, « mythique », « existentielle » de Schmitt. Dans son esprit comme dans sa lettre. L’irrespect de la suprématie du droit et de la limitation du pouvoir gouvernemental (la tradition de la rule of law) ont donc mené à une « démocratie totalitaire Â» (terme que l’on retrouve également sous la plume de Bertrand de Jouvenel), une forme de « dictature plébiscitaire Â» que Hayek dénonce comme une tyrannie des minorités alors que c’est cette dissolution de l’équilibre des pouvoirs parlementaires qu’appellent de leurs vÅ“ux Schmitt et ses thuriféraires de droite et de gauche. Quitte à trouver à Schmitt un autre ennemi que le libéralisme, il s’agit moins de la démocratie que du parlementarisme. Les universitaires, chercheurs, théoriciens qui cherchent à plaquer Schmitt sur Hayek commettent une confusion sur le sens de « démocratie Â», car ce qui est dénoncé dans la « démocratie Â» par les libéraux n’est pas le cache-sexe d’une défense de l’autoritarisme : au contraire, c’est bien parce que la démocratie se pervertit dans une forme de dictature de la masse que les libéraux la regardent avec une suspicion justifiée. La démocratie est moins considérée comme un processus de représentation que comme une procédure de sélection non-violente des gouvernants : Hayek n’a pas inventé cette idée, il la reprend à ses compatriotes Mises et Popper9, respectivement dans L’Action humaine et La Société ouverte et ses ennemis. Hayek souligne que ce danger de la démocratie était assurément bien compris des pères fondateurs américains et des auteurs des Cato’s Letters, qui ne sauraient être ni affiliés aux « néolibéraux Â» ni à une quelconque forme d’autoritarisme sans tomber dans le ridicule argumentatif complet. Cette crainte des pères fondateurs a encore récemment été analysée par Randall Holcombe dans Liberty in Peril et c’est un contresens sur le libéralisme, sur la démocratie et sur ce que Arendt appelle l’« esprit des lois américain » que d’y voir le cheval de Troie de l’autoritarisme. Il s’agit au contraire de protéger l’individu de la volonté générale, de lui faire sa place dans la vie de la société, au lieu de le dissoudre dans des collectifs. Nous serions donc bien surpris de voir comment l’individualisme de Hayek peut se réconcilier avec le holisme schmittien. On ne pourrait pas mieux dire que Hayek lui-même : « Ce n’est pas la démocratie, ni le gouvernement représentatif proprement dits, qui sont nécessairement corrompus ; ils sont rendus tels par l’institution que nous avons choisie, d’une ‘législature’ unique et omnipotente. » (Hayek 2007 : 636). La critique de Renato Cristi s’appliquerait sans doute mieux à certains conservateurs comme Erik von Kuehnelt-Leddihn et son Liberty or Equality. The Challenge of Our Time (The Caxton Printers, 1952) et peut-être à la dérive droitière de Hans-Hermann Hoppe (From Aristocracy to Monarchy to Democracy, Mises Institute, 2014) mais certainement pas à Hayek, qui a toujours, et à raison, renié cette étiquette. Peut-être serait-il, dans le même esprit, grand temps de rappeler la parenté bien plus grande de Pinochet, et même de Thatcher, avec le conservatisme, qu’avec le libéralisme, afin de mettre un terme à cette confusion. Renato Cristi (1993 : 73) critique la critique hayékienne de Schmitt, qui rapproche la « pensée de l’ordre concret Â» du positivisme juridique, alors que c’est ce positivisme que Schmitt critique. Il y voit un contresens. Pourtant, Hayek voit très bien dans Schmitt un travers commun à la « pensée de l’ordre concret Â» et au normativisme positiviste qu’il critique, à savoir la tentation identique d’imposer le primat du droit positif. Et il faut bien reconnaître que ce qui rapproche Kelsen et Schmitt est leur rejet, certes antithétique, du droit naturel. La critique de Hayek est donc parfaitement fondée, et prend place dans une critique plus large des perversions de la raison qui sort de son ordre en voulant prescrire ses lois à une société qu’elle ne peut comprendre (au sens étymologique) et qui mène, ultimement, à une forme d’irrationalisme parfaitement incarné par le « mysticisme Â» schmittien et son culte de l’Etat. Et nous citons encore cet auteur que personne ne semble lire correctement : « C’est ainsi que le constructivisme rationaliste, en cherchant à tout soumettre au contrôle de la raison, en donnant la préférence au concret et en refusant de se plier à la discipline des règles abstraites, se trouve marcher main dans la main avec l’irrationalisme. Â» (Hayek 2007 : 117-118). Voilà Schmitt et Kelsen contestés dans une seule phrase très claire. Dire ensuite, comme le fait Renato Cristi, que Hayek et Schmitt partagent une vision dépolitisée de la société, jouer sur des nuances de la pensée de Schmitt qui aurait cessé d’être décisionniste en 1933 (le moment où il publie un article intitulé « Le Fûhrer protège le droit Â», drôle de façon de s’éloigner du décisionnisme), consiste donc à sortir les textes de leur contexte et à lancer la signification des mots si haut dans les airs qu’on ne voit même plus de quoi on parle. Prétendre par exemple que Schmitt et Hayek partagent une vision purement négative du rôle de l’État est faux. Faux pour Hayek qui n’est pas un libertarien (contrairement à la vision biaisée que les intellectuels français en ont qui consiste à voir dans tout anticommuniste un libertarien et à mélanger dans cette appellation minarchistes et anarcho-capitalistes sous le terme fourre-tout et péjoratif « ultralibéral »), faux pour Schmitt, dont les passages les plus enflammés célèbrent l’État fort qui a le pouvoir de faire mourir pour lui les jeunes hommes dans la guerre, ce qui, on nous l’accordera, ne cadre pas parfaitement avec l’image d’un État n’intervenant pas dans la vie des individus. On veut faire de Schmitt un défenseur du pouvoir qui « laisse vivre Â» (selon la distinction de Foucault) des monarques, contre le pouvoir « biopolitique Â» qui s’immisce dans la vie sociale, méconnaissant la cohérence profonde de son engagement philosophique conservateur (et absolument pas libéral) et de son engagement politique nazi. Quant à savoir s’il s’agit de dénazifier Schmitt ou de nazifier Hayek, cela n’est pas très clair. Les élucubrations de Grégoire Chamayou prolongent, avec beaucoup moins de brio, les mêmes confusions et les mêmes sophismes. On continue allègrement de mélanger la critique hayékienne à la critique schmittienne de la démocratie et de faire innocemment comme si le terme de « politique Â» avait le même sens chez les deux auteurs. Mais l’objectif est plus clair : en ralliant Schmitt et Hayek sous la bannière des opposants à l’État-providence, remplacé par un « État total » super-régalien, Grégoire Chamayou transforme ses adversaires en nazis. L’argumentation qui consiste à dire qu’un État trop étendu fonctionne mal, ce qui n’est pas plus schmittien ou novateur que « l’eau mouille », est immédiatement nazifié, de même qu’il devient suspect d’écouter Rammstein le jour où l’on apprend qu’un criminel célèbre adorait ses chansons. C’est le procédé classique de la reductio ad hitlerum, saupoudré de respectabilité intellectuelle par des intellectuels toujours si rétifs au libéralisme qu’ils n’ont même pas la décence de lire et de citer les auteurs qu’ils critiquent (en l’occurrence Hayek, car les atomes crochus de l’ultra-gauche avec Schmitt sont plus qu’évidents). C’est pourtant un fait économique et historique qu’un État trop étendu fonctionne mal et détruit la société qu’il régit. Son extension10 croît en proportion de son inefficacité à intervenir partout, l’élévation du fardeau fiscal augmente la pression sur la classe productive, fait obstacle à la production de richesses, diminue en retour le revenu fiscal de l’État (selon l’effet Laffer que les lecteurs du contributeur Philippe Lacoude connaissent bien11) et incite à une production déchaînée de lois et de règlements pour donner une illusion de contrôle et de puissance (toute ressemblance avec une situation et des événements actuels est pure coïncidence). Les divergences économiques entre Hayek et Schmitt crèvent les yeux : le libéralisme nazi est un contresens complet, il s’agit d’un capitalisme d’État que défend Schmitt (et que Hayek, dans La Route de la servitude, renvoie justement dos à dos avec le capitalisme d’État soviétique), un monopole de la production laissé aux industriels. Autant dire que Mussolini était libéral parce que les squadristes brisaient les grèves, exactement comme Margaret Thatcher, n’est-il pas vrai ? Comme le dit l’universitaire Eddy Malou, « mais oui, c’est clair Â». Et comme ajoutait Georg Wilhelm Friedrich Hegel, « je vous l’avais bien dit Â». Le texte de Grégoire Chamayou est d’autant plus troublant qu’il retranscrit fidèlement l’antilibéralisme de Schmitt, écrivant par exemple avec justesse au sujet de la critique schmittienne de la démocratie : « Mais que reste-t-il alors au concept d’une démocratie authentique, non adultérée par le libéralisme ? Eh bien la dictature, avec Mussolini pour modèle. Â» Et il cite Schmitt écrivant que renoncer aux élections n’est pas anti-démocratique mais antilibéral, ce qui est en opposition complète avec la définition hayékienne de la démocratie comme mode de sélection pacifique des gouvernants. Grégoire Chamayou continue en montrant comment Schmitt refuse la tradition du « laissez-faire Â» en économie (l’économie doit aussi être soumise à la décision souveraine). On ne peut s’empêcher d’opiner du chef en lisant cette paraphrase, mais qu’est-ce que ça peut bien avoir à faire avec Hayek ? Grégoire Chamayou effectue un lien entre cette remise en cause du libéralisme classique et les racines de l’ordolibéralisme allemand. Pour ne rien arranger à la macédoine conceptuelle, il les appelle néolibéraux  allemands. Ça commence à devenir n’importe quoi. Puis son analyse de la crise de 1929 nous précipite dans le décor : ainsi donc les néolibéraux allemands des années 1930 ont analysé la crise de 1929 comme l’effet d’une intervention de l’État dans l’économie. Ils ne sont pas les seuls, a-t-on envie d’ajouter : c’est en fait l’analyse fournie par tous les économistes libéraux de la planète, qu’ils soient allemands ou américains, des années 1930 à aujourd’hui, et qui plus est, cette analyse s’applique tout aussi bien à la crise de 2008. Grégoire Chamayou écrit que cette analyse revient à parler d’une cause non-économique de la crise économique, comme si l’État n’était pas une entité économique, comme si les monopoles étaient des aliens dans la théorie économique. Et..
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