dimanche 18 octobre 2020

Police : peu de moyens et beaucoup de bureaucratie

Par Olivier Maurice. Les policiers figurent depuis de bonnes années dans la cohorte des fonctionnaires en colère. À se demander d’ailleurs s’il existe dans ce pays des fonctionnaires qui soient réellement satisfaits de leur sort. Pas facile d’être policier dans un pays où la jeunesse d’hier s’amusait à croire que « la France est un pays de flics, à tous les coins d’rue y en a cent, pour faire régner l’ordre public, ils assassinent impunément�» et dans lequel l’amalgame « CRSS-SS Â» est quasiment une médaille d’honneur chez certains grands pseudo-défenseurs autodéclarés de la liberté pour qui tout ce qui est mal porte forcement une moustache, des lunettes teintées et un grand imper en cuir noir. Il suffit de voir le nombre de candidats aux dernières élections présidentielles se réclamant héritiers ou ayant été dans leur jeunesse des farouches partisans de la haine anti-flic (ou inversement, de la haine envers la haine anti-flics) pour comprendre les interrogations des policiers à chaque élection ou à chaque remaniement. La haine de la police Quand ce n’est pas de la haine, c’est tout au moins du manque de respect, voire des provocations, des guet-apens, des lynchages, des tentatives de meurtre… Le tout dans la quasi-indifférence des médias, qui si prompts habituellement à utiliser les comparaisons hors d’échelle que leur donnent les divers groupes de pression, sont semblent-ils incapables de se rendre compte que 50 commissariats attaqués depuis le début de l’année, ça fait bien plus d’un par semaine ou que 65 000 violences verbales ou agressions physiques par an envers les forces de l’ordre, cela fait un policier ou gendarme agressé en France toutes les 8 minutes. Il y a en France quasiment autant d’agressions envers les policiers que de vols avec violence, 20 % de plus que d’agressions sexuelles, huit fois plus que de braquages. La police, qui est supposée protéger les citoyens, est devenue une, sinon la cible des violences de notre société. Il est sans doute correct de parler de violence policière, mais alors il faut le faire pour évoquer toute cette violence ayant pris la police pour cible privilégiée. Les échecs à répétition Comme toujours, l’explication est lapidaire et binaire : soit notre société s’ensauvageonne, entendez par là qu’elle dérive doucement vers une guerre tribale de sauvages importés ; soit notre société se fractionne, entendez par là que la lutte des classes, les inégalités, l’injustice sociale, la démission des parents, les pannes de l’ascenseur social, le défaut d’éducation, de responsabilité citoyenne, le rap et le prix des crayons sont responsables du manque de respect face à l’autorité publique. En s’appuyant sur l’une ou l’autre des deux explications, une fois le concours de celui qui a la plus grosse gagné par l’une ou l’autre des parties, l’équipe au pouvoir s’efforce immédiatement de dépenser l’argent des contribuables pour prouver sa théorie. On pourrait à la limite passer sur cette transposition de la méthode scientifique à la vie publique : les banlieues, les migrants, les pauvres, et surtout les policiers servant tour à tour de cobayes ; mais ce serait sans compter sur l’incroyable talent de nos bonimenteurs professionnels à faire passer n’importe quel échec patent pour une réussite révolutionnaire et de faire table rase des expériences des autres une fois au pouvoir et d’y installer les siennes. Le chaos et la désorganisation de la police La police et d’ailleurs avec elle la justice, y perdent surtout un temps incroyable en paperasse, en réorganisation et en démoralisation. Prise en tenaille entre la délinquance qui sent bien la confusion qui règne chez les policiers et une hiérarchie dont l’unique préoccupation est de tenter de faire respecter par ses troupes toute une série d’injonctions contradictoires. Il faut des résultats, mais des résultats dans tout : dans les résolutions de crimes comme dans le nombre d’amendes de stationnement, dans l’arrestation de tueurs en série comme dans celle de petits délinquants. La police ne fait plus respecter l’ordre public, ne protège plus les biens et les personnes : elle tente tant bien que mal d’exécuter une politique décrite par des lois, les décrets et les notes de service. Les moyens et la liberté Au bout d’un certain temps, ce qui arrive toujours quand on charge trop une barque. Et dans ce cas-là, il n’y a que deux types de solutions avouables : soit rejeter la faute sur les autres, les parents, l’école, les nouvelles possibilités offertes par le monde, et en dernier lieu, l’irresponsabilité des citoyens… soit invoquer le manque de moyens. S’il y a une augmentation des crimes et des incivilités, c’est à cause de la société en perte de repères, c’est parce que les citoyens abusent de leur liberté et parce que l’on ne réglemente pas assez. Si la politique mise en Å“uvre pour corriger cela ne marche pas, c’est que l’on n’a pas suffisamment essayé. Si on n’arrive pas à tout faire, ce ne peut être qu’une question de moyens. D’où un cercle vicieux et un enfermement dans la quadrature du cercle : davantage de délinquance, davantage de règles ; davantage de règles, davantage de police ; plus de police, pas assez de moyens ; pas assez de moyens, davantage de délinquance… C’est en général alors que le nouveau ministre fraichement débarqué constate l’ampleur des dégâts et réussit parfois à trouver quelques miettes dans le fond de son budget pour réparer les vitres et faire déboucher les toilettes des commissariats. Une fois le cataplasme posé sur la jambe de bois, celui-ci s’empresse de retourner inventer de nouvelles lois et de nouvelles priorités sans jamais envisager comment elles pourraient interférer avec l’existant. La planification ne marche pas Notez que cette maladie ne frappe pas que la police. Les médecins ont récemment fait entendre leur voix face aux manques de moyens qui seraient nécessaires pour essayer de travailler alors que la population ne comprend pas leurs malheurs et se laisse aller à faire n’importe quoi, comme essayer d’avoir une vie un tant soit peu normale. Même cause, la planification politique et même résultat, l’effondrement. Tout comme les soignants ont été petit à petit transformés en petits soldats d’une politique de santé publique, les policiers ont été transformés en chair à canon d’une politique de sécurité publique qui englobe quasiment tout : de la circulation routière au nombre de personnes assises à la table des restaurants. Cette intrusion de plus en plus profonde dans la vie des individus mobilise de plus en plus de forces de police et les détourne totalement de leur mission originelle. Même si tout le monde comprend qu’un policier qui met une amende à un conducteur ayant oublié son attestation d’assurance à la maison, c’est en fait un policier de moins pour arrêter les délinquants professionnels et les cinglés, tout le monde préfère s’en prendre aux flics : les contribuables à petite mémoire car ils ont effectivement des raisons de penser que leurs impôts pourraient être mieux utilisés et le caïd car il sait qu’il a de bonnes chances d’avoir devant lui un carnet à souches en uniforme. Dans tout les cas, derrière le policier, c’est l’agent de l’État que l’on voit, et pas la personne en charge de vous protéger et de faire régner l’ordre ou de faire appliquer des décisions de justice. La loi et la justice La police est une fonction régalienne. Cela ne signifie pas du tout que le rôle de la police soit de faire respecter la loi. En fait c’est même totalement le contraire : son rôle est d’utiliser la violence afin de réprimer toutes les autres formes de violence, mais de le faire dans le cadre légal, en respectant la loi. C’est une atteinte totale aux droits naturels des citoyens que d’en faire un instrument politique. C’est également un renversement total du principe de droit et de justice. La loi existe pour déterminer de façon claire et objective ce qui est une nuisance et ce qui ne l’est pas, pas pour imposer un quelconque agenda politique. Les policiers ont comme mission de servir les citoyens, pas de répondre aux ordres d’autorités administratives ou politiques qui n’ont d’ailleurs comme autre mission que celle de vérifier qu’ils n’outrepassent pas leurs droits et que les fonds qui leur sont attribués sont bien utilisés, pas de les commander, encore moins de les orienter. Pour une réforme libérale de la police Il est largement temps de changer ce système qui est, comme tant de choses, en train de s’effondrer complètement. Les prochaines élections présidentielles mettront la sécurité au cÅ“ur du débat, et verront sans aucun doute comme d’habitude fleurir toute une surenchère de yaka-fokon à base d’augmentations d’impôts et de lois supplémentaires. Peut-être émergera-t-il un candidat qui saura reprendre tout ou partie de la philosophie libérale qui a permis à tant de pays de développer des conditions de liberté et de sécurité et de ne pas tomber dans l’avertissement de Benjamin Franklin : « Ceux qui peuvent renoncer à la liberté essentielle pour acheter un peu de sécurité temporaire, ne méritent ni la liberté ni la sécurité.» Ces principes sont pourtant simples : * la loi ordonne aux policiers et aux magistrats, pas aux citoyens ; * la police est au service des citoyens, pas d’une faction ou d’un agenda politique ; * nul ne peut être emprisonné, détenu ou condamné à une quelconque peine, même insigne ou financière, sans qu’un juge ne se soit prononcé ; * les citoyens déterminent eux-mêmes quelles forces de police les encadrent. En dehors de cela, la police est libre d’user de tous les moyens qui lui sembleront nécessaires afin de servir et de protéger le plus efficacement possible la population. De toute autre façon, l’inflation sécuritaire incessante conduira à l’effondrement du système. Il n’existe aucune autre option que celle d’une dérive autoritaire, voire dictatoriale, dont il est très improbable que l’État, le délabrement des fonctions régaliennes et la fatigue des policiers puissent assurer la tenue, si tant est que ces derniers veuillent bien se prêter à une telle tentative oppressive. Ces articles pourraient vous intéresser: Ne dites pas « ensauvagement Â», vous passeriez pour un facho… Pourquoi l’enquête « police-population Â» du ministère de l’Intérieur est trompeuse Christophe Castaner lâche la police… et l’État de droit La police peut-elle changer d’éthique ?
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