vendredi 4 septembre 2020

La nouvelle cocaïne du capitalisme: l’écologisme

YSENGRIMUS — Réflexion, pas trop écolo quand même, sur Daniel Cohn-Bendit comme indicateur sociologique et historique… Voici donc que Daniel Cohn-Bendit a pris sa retraite du parlement européen, il y a un petit moment, à 69 ans. Et ainsi les lois de fer de l’histoire seront toujours les lois de fer de l’histoire. En 1920, Lénine écrit un ouvrage intitulé La maladie infantile du communisme: le gauchisme. Il y analyse l’antiparlementarisme de la gauche européenne de l’entre-deux-guerres en expliquant que les partis communistes pro-bolchevistes doivent fermement se positionner entre une ligne doctrinaire trop rigide et un «gauchisme» révolté, trublion et, finalement, trop mou, friable et inutile. Lénine fait comprendre à son lecteur attentif que c’est la rébellion «populaire» et «syndicaliste» qui, de fait, maintient la mouvement des forces sociales progressistes solidement enfermé à la gauche de l’hémicycle parlementaire bourgeois, ce qui perpétue la charpente mentale de ce dernier et paralyse toute possibilité de révolution effective. Être «à la gauche» d’un dispositif politique, c’est se maintenir en son cadre et cela ne le révolutionne pas. Ironisant sur ce titre de Lénine, Daniel Cohn-Bendit écrit, en 1968, un ouvrage intitulé Le gauchisme: remède à la maladie sénile du communisme. Le jeune tribun populaire de Mai 68 cultive alors une analyse inverse de celle de Lénine. Devenus les doctrinaires rigides et hippopotamesques que Lénine avait jadis dénoncés sur sa droite, les «séniles» eurocommunistes, plus précisément ceux du Parti Communiste Français, dirigés, à partir de 1972, par l’insupportable George Marchais (1920-1997), paralysent tous les mouvements trublions, révoltés et réformistes de la gauche libertaire et/ou anarchisante de 1968-1973. La réplique que servit alors Cohn-Bendit à l’eurocommunisme se résume en une phrase remède, un cri primal panacée, jamais écrit, mais souvent prononcé par lui lors des tonitruants débats de Mai: Ta gueule, crétin de stal! Daniel Cohn-Bendit, et la sensibilité libertaire qu’il représente encore, darde, sans complexe et avec la vivace fermeté du cabot assumé, tout communisme institutionnel (incluant naturellement le soviétique, celui des autres pays de l’est du temps, et de la Chine, et du Vietnam, et du PCF, et du PCI et etc…) en le condamnant et le stigmatisant d’une impitoyable monosyllabe: stal (pour stalinien). Incarnant et valorisant haut et fort ce gauchisme tant décrié par Lénine, Daniel Cohn-Bendit combat ouvertement et farouchement le communisme depuis sa toute prime jeunesse politique. (Et, si tu es contre nous, tu es contre la jeunesse, un vieux stal). On analyse classiquement (et un peu superficiellement) Dany le Rouge (en référence exclusive à la couleur… de ses cheveux), cette importante figure historique française, comme un vireur de veste opportuniste, suiviste et un peu incohérent (Dany le Rouge devenu Dany le rose pâle ou l’orange ou le Vert ou même le kaki, lors de son appui à la guerre en Bosnie et comme promoteur tapageur d’un intervention européenne au Mali, etc). Depuis son autre ouvrage symptomatique Nous l’avons tant aimée, la révolution (1992), il aurait changé son fusil d’épaule, retourné sa veste et, tel Jerry Rubin et tant d’autres de la génération des babyboomers, il renierait ses idéaux d’autrefois et se redéfinirait sur le tas et sur le tard. Cette analyse est inexacte en ce sens que ce n’est pas du tout à un changement d’opinion subjectif mais bien à un mouvement sociologique objectif qu’on assiste ici, en Dany et de par Dany. En toute systématicité, Daniel Cohn-Bendit a TOUJOURS combattu le communisme avec acharnement et a cru, dès l’époque de Mai, sans malice ni calcul alors, à la possibilité effective d’une mise en place d’un gauchisme non-communiste. La tourte s’est peut être faisandée dans l’assiette, mais elle ne s’est pas retournée… Cohn-Bendit a cheminé sur son rail en conformité avec ses axiomes de départ. Ce faisant, sa trajectoire politique s’est déployée, avec une implacable cohérence, comme la confirmation de l’analyse, faite jadis par Lénine, du sort socio-historique (et parlementaire) du gauchisme. Cohn-Bendit n’est, en fait, jamais sorti de l’hémicycle… Il y est resté cerné, s’y est hyperspécialisé, et y a circulé, rouage flottant vif et matois, comme un gros rat dans quelque vaste et labyrinthique cage. Mais, systématique toujours, dans sont rejet des dispositif nationaleux frileux traditionnels, son hémicycle s’élève, lévite, flotte, se sanctifie. Ce n’est pas un parlement étroitement national mais le parlement européen, qu’il habite et hante comme le plus crédible des bi-patrides. Cohn-Bendit est donc, tout naturellement, toujours installé dans l’espace supérieur, avancé, progressiste, éclairé, qui est celui d’une saine cause à défendre, à vendre: l’Europe (Et, si tu es contre nous, tu es contre l’Europe, un euro-sceptique). Il est important, capital même, de ne surtout pas analyser Daniel Cohn-Bendit comme un renégat, un tourneur de veste, un vire capot, comme on dit au Québec. Ce serait lui imputer un éclectisme de vision qu’il n’a pas, occulter une sourde sincérité qu’il a, et minimiser son importance comme indicateur sociologique. Bille de Ouija historique, c’est en toute systématicité intellectuelle et sociale que Cohn-Bendit suit sa courbe évolutive, son arabesque déterminative, et roule tout doucement vers l’autre bord de l’hémicycle. Il vit, incarne et maximalise la logique d’évolution naturelle des gauchismes. À ce moment-ci de son parcours, Dany est désormais le centre-droite vendable. Sa trajectoire «�libertaire Â» et anti-communiste se poursuit logiquement, comme mécaniquement. Les slogans, la faconde, la bonhomie de Mai continuent de se mettre en scène en lui, toujours sans risque révolutionnaire réel. Ses ardeurs de jadis l’animent toujours, pour la galerie mais aussi pour le coeur, et il continue de donner à ses toutes cryptiques questionculaes de président de groupe euro-parlementaire, l’ampleur tonitruante des grandes causes. La différence d’avec l’époque de Mai, c’est que maintenant, il devient graduellement le BHL de l’euro-parlementarisme et, ce faisant, il se crispe plus souvent, s’énerve, panique, calcule, compose. Quand les régimes de l’est, déjà bien putréfiés en dedans, jetèrent bas leurs ultimes obligations socialistes et basculèrent bel et bien, eux, fleur au fusil, dans l’explicite des vireurs de vestes virulents, décryptocapitalisés, les chutes du mur, «révolution» de velours, «révolution» orange et autres fleurirent et Cohn-Bendit fit modestement sa part, devant le gros comédon «stal» de cette société dans la société que fut si longtemps le mouvement communiste français institutionnel… Maintenant, évidemment, le Dany actuel doit vivre avec cela et c’est moins facile et jubilatoire à porter qu’en un certain novembre 1989 (chute du mur de Berlin)… Pendant ce temps, justement, se mettent graduellement en place les changements «générationnels» que Cohn-Bendit rend perceptibles et ce, à travers et par delà le brouillard des modes politiciennes et des scandales de salissages mesquins à l’américaine. Cohn-Bendit percole lumineusement, comme le durable phare sociologique qu’il est, fut et reste, depuis quarante ans. Le mouvement vert miroite et se reflète en lui. Les ententes écolo-capitalistes s’esquissent déjà solidement… Tant et tant qu’on pourrait en écrire un nouveau, de pamphlet lénino-cohn-benditien. Il s’intitulerait: La maladie dépressive de l’écologisme: le capitalisme. L’écologisme, c’est de plus en plus patent, n’est plus un monopole à gauche. Alors là, il s’en faut de beaucoup. Dany n’en est pas le champion pour rien… C’est désormais un mouvement adaptatif, à cause circonscrite. Il est solidement installé dans le tiraillement bien tempéré de la hautement compétitive dynamique de promotion cyclique, qui n’est rien d’autre que celle d’un type spécifique de publicité culpabilisatrice. L’écologisme, aujourd’hui mainstream jusqu’au trognon, fonde le fameux paradoxe des éoliennes qui veut que, désormais, le projet de société fondamental, crucial, cardinal consiste à aspirer à remplacer les fournaises au mazout surannées et salissantes de nos grosses cabanes de petits bourgeois par des fournaises alimentées par des éoliennes propres mais panoramiquement laides et susceptibles de causer des malaises électrostatiques encore mal élucidés. La pulsion politique écolo est déjà bien fragilisée, fragmentée et poussive (s’il reste des «verts» anticapitalistes, pas de problème. Dany les déboulonnera en douce. Ta gueule, crétin d’anticapitaliste. Si tu es contre nous, tu es un pollueur, ou mieux, encore plus simple, un minable…). Le mouvement écologiste est atteint d’une maladie dépressive qui le ronge et le dégauchise inexorablement: le capitalisme aux abois, en mal de pérennité et de recyclage (de soi). Qu’on soit fourgueur de la crasse des sables bitumineux ou de l’inquiétante houille blanche d’Éole, il va sans dire qu’on vend son jus en faisant son beurre et qu’on enrichit des groupes privés en baratinant les masses sur les vertus quasi-mystiques et bien auto-sanctifiantes d’une alternative énergétique ou d’une autre. L’axiome marchand ne bouge pas d’un pouce, sous la chambranlante charpente du derrick écolo. L’écologisme n’est pas un anticapitalisme. Ce n’est même pas un programme social effectif, malgré le lot clinquant de ses généralités autoproclamées et les divers grigris de ses affectations doctrinales sur le sociétal, l’immigration, l’impôt, etc… La dépression capitaliste pend donc inexorablement au cou du mouvement écologiste comme une meule fatale tirant ce dernier directement au fond du cloaque fétide. Puis, pour le coup, l’antifataliste et anticonformiste Dany ne se laissant pas bastonner comme ça sans réagir, et l’encrier des Danaïdes ne se vidant jamais vraiment, on pourrait y aller encore d’une quatrième brochure, promotionnelle et crypto-électorale celle là. Converse logique de la précédente, elle s’intitulerait: La nouvelle cocaïne du capitalisme: l’écologisme. C’est bel et bien que le capitalisme en faillite, qui ne cessera vraiment jamais de vouloir nous vendre ce que nous avons envie d’acheter et absolument rien d’autre, gagnera (peut-être…) momentanément une seconde vigueur artificielle, boostée, tétanisé, stimulée par l’écologisme. La nouvelle cocaïne du capitalisme: l’écologisme. C’est une brochure que la grande bourgeoisie industrielle lirait d’ailleurs avec attention. Elle la lit déjà fort scrupuleusement, en fait. Entre Gavroche et Vaclav Havel, Daniel Cohn-Bendit, est un anti-communiste non-primaire, un pro-américain non-atlantiste, un crypto-libéral non-passéiste, que la droite s’amuse de plus en plus à taper sur les cuisse, comme on le ferait avec un solide copain un peu foufou du bon vieux temps, dans le bac à sable de toutes nos collusions. Il est, de facto, un compagnon de route fondamentalement néo-réac, doucement monté en graine et de moins en moins discret. Roublard, charmant, direct, novateur dans les formes communicatives sinon dans le fond programmatique, Dany, et ceux qu’il fait toujours un peu rêver, perpétuent, chantent et re-jouent la chute du mur de Berlin et les différentes «révolutions» oranges et de velours de notre temps. Sa tonitruante virulence anti-chinoise n’est rien d’autre que la version de son Ta gueule, crétin de stal! (Si tu es contre nous, c’est que tu lorgnes vers les immense Marchés chinois en négligeant l’Homme chinois) pour un siècle nouveau, en toute cohérence et systématicité, dans la tradition pure et directe du si superficiel, si auto-sanctifiant et si chaleureux gauchisme non-révolutionnaire de Mai.
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