mardi 6 décembre 2016

Chris Hedges : C’est avec une violence et une sauvagerie encore plus grandes que vous n’imaginez que Trump écrasera toute contestation

Chris Hedges : C'est avec une violence et une sauvagerie encore plus grandes que vous n'imaginez que Trump écrasera toute contestation

Source : The Real News Network, le 10/11/2016

D’après le journaliste lauréat du prix Pulitzer, les outils de répression propres à l’État qui vont finir entre les mains de l’administration Trump ont été élaborés à la fois par les Républicains et par les Démocrates.

PERIES : Chris Hedges nous rejoint à présent pour parler de tout cela. Chris est un journaliste qui a reçu le prix Pulizer. Il contribue activement à Truthdig et à Alternet. Il a dirigé la section Moyen-Orient au sein du New York Times. Il a également réalisé de nombreux reportages depuis le Moyen-Orient. Chris, c’est un plaisir de vous avoir de nouveau parmi nous.

CHRIS HEDGES : Merci.

PERIES : Chris, que pensez-vous de ce que nous venons de diffuser à propos de Newt Gingrich et qu’est-ce que cela laisse augurer pour nous en termes de mise en œuvre du NDAA (National Defense Authorization Act) dans notre pays?

HEGES: Eh bien, l’article 1021 du NDAA, qui a été signé par Obama à la mi 2011, permet tout simplement au gouvernement de mener des actions extrêmement floues sur le sol américain et à l’encontre de citoyens américains pour peu que, je cite : « ces personnes offrent un soutien substantiel », quoi que cela veuille bien dire, à al-Qaïda, aux Talibans, ou quoi que ce soit d’autre d’appelé forces associées ou un terme nébuleux de ce genre. Le principe de cette procédure officielle leur permet de les conserver emprisonnés indéfiniment dans des centres de détention militaires, y compris dans ceux que nous possédons à l’étranger, tel Guantanamo ou ailleurs.

Cet article a été revoté chaque année. Je suis allé au Southern Disrict Court de New York (Tribunal du district sud de New York) et j’ai intenté une procédure contre Obama. Nous avons gagné. Nous sommes allés en cour d’appel où le droit d’agir en justice m’a été refusé, en clair, on m’a refusé le droit d’intenter un procès. Nous avons fait une pétition à la Cour suprême pour leur demander une audience et on nous a aussi refusé le droit d’intenter un procès. Tout ceci est donc sanctuarisé. Pendant ces deux ans de bataille judicaire, les avocats Carl Mayer et Bruce Afran ont approché les responsables qui gravitent autour de Nancy Pelosi [chef de la minorité démocrate à la Chambre des représentants, NdT] et leur ont dit, parce que l’article doit être voté chaque année, que tout ce qu’ils avaient à faire, c’était d’indiquer que cet article n’était pas applicable aux citoyens étatsuniens et alors nous laisserions tomber. Bien sûr, ils n’en ont rien fait parce que cet article s’applique effectivement aux citoyens étatsuniens. Il a été rédigé pour museler les citoyens étatsuniens en cas d’agitation. Il a annulé le Posse Comitatus Act de 1878 qui interdit à l’armée d’agir comme force de police à l’intérieur du pays.

Pourquoi ? Parce que le changement climatique, le démantèlement économique, les élites au pouvoir, tous sentent bien qu’une agitation de grande ampleur est fort possible, et ils ont envie d’utiliser l’armée pour écraser les fauteurs de trouble. En promulguant cette loi, Obama a déclaré qu’il ne s’en servirait pas, qu’il ne lui donnait pas de pouvoir légal, qu’elle n’avait pas d’importance légale, et qu’il pourrait l’employer s’il le voulait Toutefois, dans une déclaration, il a dit que non, il ne s’en servirait pas. Nous avons vu la majeure partie de nos droits constitutionnels, y compris notre droit au respect de la vie privée, annulée par un décret judiciaire. Le caractère illimité des donations aux campagnes électorales du monde des affaires devient, grâce à Citizens United, le droit de signer une pétition adressée au gouvernement, une forme de liberté d’expression. Voilà qui marque la fin des notions traditionnelles de droits constitutionnels, de l’habeas corpus, d’une procédure judiciaire régulière, voilà tout ce qui nous a été enlevé avec l’article 1021.

Et cet arsenal judiciaire est couplé avec l’appareil de sécurité et de surveillance le plus sophistiqué de l’histoire. Et quand ceci est dans les mains de personnages comme Donald Trump, Rudy Giuliani, John Bulton et les autres… Et vu ce à quoi je m’attends, il va y avoir une réaction sismique à l’incompétence et à l’incapacité de la présidence Trump de répondre aux problèmes les plus urgents auxquels sont confrontés la majorité des Américains. Ils utiliseront tous les outils à leur disposition. Et ce sont les Partis démocrate et républicain qui leur ont donné ces outils. C’est quelque chose dont tous ceux d’entre nous, avec Ralph Nader peut-être à l’avant-poste, qui avons combattu l’érosion judiciaire de nos libertés civiques, avons averti depuis un moment, et maintenant, c’est là.

PERIES : On peut, bien sûr, protester contre Trump, mais il y a beaucoup de gens dehors là pour qui la seule façon de protester vraiment contre Trump est de le faire dans la rue, et nous avons vu beaucoup de manifestations hier soir. Comme vous êtes l’auteur d’un livre très célèbre « Jours de destruction, jours de révolte », que doivent faire les militants et ceux qui résistent à Trump à propos de ce genre de situations que nous avons évoqué ?

HEDGES : Ouais, le seul outil qui nous reste, c’est la désobéissance civile. Mais on ne va pas prétendre que la démocratie est morte le 8 novembre. Il y a un moment déjà que nous ne vivons plus en démocratie. Il ne reste pas d’institutions qui puissent légitimement passer pour démocratiques, elles sont essentiellement contrôlées par le monde des affaires, de la finance, les médias, les universitaires, l’establishment politique. Alors la désobéissance civile, comme on l’a vu avant. Mais la différence, c’est que l’État, sous une administration Trump, va réagir encore plus violemment, et on pourrait même dire plus sauvagement. À mon avis, vous avez eu un aperçu de tout ça dans le clip de Newt Gingrich. Tous ceux qui ne seront pas d’accord seront considérés comme des traîtres, peut-être des terroristes. Ils seront certainement diabolisés par l’administration Trump dans des médias soumis. Alors, je pense, oui que c’est la réaction. Malheureusement, c’était la réponse et en réponse, nous aurions dû quitter la politique classique depuis longtemps, alors nous n’aurions pas fini comme maintenant sous la coupe d’une administration qui va dépasser la Russie en ce qui concerne les restrictions légales des droits constitutionnels.

Source : The Real News Network, le 10/11/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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