[10/2016] Les djihadistes d'Alep ne sont pas de gentils rebelles, par Jack Dion
Source : Marianne, Jack Dion, 15-10-2016
Il est important de se préserver des raccourcis lorsqu’on évoque la situation à Alep. Il n’y pas les bons d’un côté et les méchants de l’autre.
A lire et à écouter ce qui se dit à propos d’Alep, la situation dans la deuxième ville syrienne est très simple : d’un côté, des «rebelles» ; de l’autre, Bachar al-Assad et ses alliés russes. Bref, les bons contre les méchants, comme dans un western. Les «rebelles» font penser à Robin des bois contre les seigneurs, au Gavroche de Victor Hugo, à Che Guevara dans les forêts de Bolivie, à Soljenitsyne défiant le stalinisme, ou à Rosa Parks refusant de laisser dans un bus son siège à un homme blanc dans l’Amérique ségrégationniste. Par définition, ce sont des héros défendant une cause juste.
Qu’en est-il des «rebelles» d’Alep ? Certes, il y a encore parmi eux des représentants de l’Armée syrienne libre (ASL), constituée au lendemain de la version syrienne du printemps arabe, en 2011. A l’époque, tout le monde croyait (et espérait) voir Bachar al-Assad tomber comme un fruit mûr, à l’image de Ben Ali en Tunisie ou de Hosni Moubarak en Egypte. Au sein de l’ASL, on trouve pour l’essentiel des hommes et des femmes qui ont payé pour découvrir la face cachée du régime honni de Damas alors même que son dignitaire était reçu en grande pompe dans les capitales occidentales, y compris à Paris sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
Le problème, c’est qu’à Alep comme ailleurs les djihadistes de toutes obédiences ont réalisé une OPA sur les combattants anti-Assad. Qu’il s’agisse de l’ex Front al-Nosra, filiale d’Al-Qaida, qui s’est refait une virginité en renaissant sous le nom de Front Fatah al-Cham sans changer ni d’objectifs ni de stratégie, ou du groupe salafiste Ahrar al-Cham, armé et financé par l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie, les adeptes du totalitarisme islamiste font la loi, en concurrence tactique avec Daech et ses rêves de califat. Face aux égorgeurs de la charia, les démocrates syriens de la première heure ne pèsent plus grand-chose.
Source : Marianne, Jack Dion, 15-10-2016
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