vendredi 8 juillet 2016

Protégeons les lanceurs d’alerte, vite !

Protégeons les lanceurs d'alerte, vite !

La bonne nouvelle du jour, c'est qu'ils ont commencé à mettre des banquiers en prison dans le cadre de l'escroquerie sur le Libor... Manque plus que les hommes politiques maintenant.... LOL !

« Il faut poursuivre les criminels qui font de l’évasion fiscale, pas les lanceurs d’alerte » dénonce Jeppe Kofod,
député social-démocrate danois. Photo : Reuters

Scandalisés par les récentes condamnations d’Antoine Deltour et de Raphaël Halet dans le procès du « LuxLeaks », la plupart des députés européens exigent que les lanceurs d’alerte bénéficient le plus rapidement possible d’une protection au niveau européen. La Commission européenne traîne des pieds.

«  Il serait temps de passer aux actes ! » a lancé mercredi soir devant le parlement européen le député Pascal Durand ( Verts/ALE ), résumant le sentiment partagé par une majorité de l’assemblée : la protection des lanceurs d’alerte, tout le monde en parle, mais personne ne fait rien pour. C’est même exactement le contraire qui se produit : dans la réalité, les lanceurs d’alerte sont pourchassés, réduits à une vie de paria (Julian Assange, Edward Snowden, pour ne citer que les plus célèbres) ou condamnés par la justice, comme cela vient de se passer en plein cœur de l’Europe pour Antoine Deltour et Raphaël Halet. Leur tort, on le rappelle : avoir osé révélé le contenu de centaines d’accord fiscaux très avantageux, conclu entre le fisc luxembourgeois et des cabinets d’audit œuvrant pour le compte de multinationales, que le Grand Duché voulait attirer dans ses frontières.
 
C’était à l’époque où le premier ministre du Luxembourg n’était autre que Jean-Claude Juncker (1995-2013), l’actuel président de la Commission européenne, chargé aujourd’hui à ce titre, de la lutte contre l’évasion fiscale et de la protection des lanceurs d’alerte, en principe. Plusieurs députés, comme Fabio De Masi (GUE / GVN), n’ont pas manqué de faire à nouveau le rapprochement, même si Jean-Claude Juncker, mis en cause dès les révélations du LuxLeaks en novembre 2014, avait réussi à faire admettre qu’il n’était pas au courant de pratiques fiscales frauduleuses qui auraient été dérogatoires aux règles internationales en vigueur. N’empêche. Le terrain sur les questions d’évasion fiscale et de protection des lanceurs d’alerte est encore plus miné en Europe qu’ailleurs, surtout après la condamnation de ceux par qui le scandale du LuxLeaks est arrivé. Et on n’empêchera personne de trouver suspect le peu d’empressement de la Commission européenne dirigée par Jean-Claude Juncker, à décider de mesures énergiques en faveur de la protection des lanceurs d’alerte.

Les lanceurs d'alerte doivent être protégés

Car, à la différence des députés de droite (PPE) particulièrement absents dans le débat, tous les autres parlementaires ont tenu à rappeler l’équation qui doit prévaloir : non seulement, bien sûr, les lanceurs d’alerte ne doivent être ni traqués, ni condamnés par les états, mais ils doivent aussi être fortement protégés, et leur action, garantie par la loi. Pour une simple raison : ils sont eux-mêmes des garants de la démocratie.
 
«  Les lanceurs d’alerte n’ont pas été protégés jusqu’à maintenant  (…) et l’évasion fiscale, on n’en parlerait pas sans eux », a ainsi expliqué le socialiste Sergio Cofferati, tandis que pour la députée espagnole Maïté Pagazaurtundua (ALDE), «  ils semble que les grands criminels ont une longueur d’avance ». Un constat dénoncé par d’autres députés : «  Il faut poursuivre les criminels qui font de l’évasion fiscale, pas les lanceurs d’alerte. Aujourd’hui, ceux qui voudraient fournir des informations ont peur d’être poursuivis » (Jeppe Kofod, social-démocrate danois). «  Nous avons besoin des lanceurs d’alerte parce que ce sont les gardiens de l’intérêt général et de la démocratie », a redit Pascal Durand (Verts/ALE), notant une fois de plus que c’est le contraire qui est en train de se passer : ce sont ceux qui ont permis d’alerter les citoyens via la presse, sur des actes frauduleux, qui se trouvent aujourd’hui sanctionnés.
 
Pour Julia Reda (Verts/ALE), la question ne doit pas se résumer à l’évasion fiscale, il y a beaucoup d’autres domaines dans lesquels il faut encourager les lanceurs d’alerte, à condition qu’on les protège, à révéler des informations : l’environnement, les transports, le marché intérieur, etc. «  Il faut défendre ceux qui défendent l’intérêt général », a également rappelé Virginie Rozière (S et D), rappelant : «  le Parlement européen l’a demandé à de multiples reprises. Il faut un texte horizontal (c’est-à-dire un texte dont un particulier peut se prévaloir vis-à-vis d’un autre particulier NDLR), global, multi-sectoriel. Le statu quo n’est pas acceptable ! »
 
Les timides réponses venues tant de la Commission européenne (Jyrki Katainen, vice-président) que de la présidence slovaque du Conseil (Ivan Korcok) n’ont rien fait pour rassurer les députés.
Soit qu’ils aient fait remarquer que des mesures existaient déjà pour protéger ceux qui révélaient des informations (sous-entendu : pourquoi, dans ces conditions, prendre de nouvelles dispositions ?), soit qu’ils aient manifesté peu d’empressement pour saisir le problème à bras le corps. Ainsi, cette pure langue de bois du commissaire européen Jyrki Katainen : « Nous sommes actuellement en train d’évaluer si plus d’actions au niveau de l’Union européenne pourraient être menées. » (sic). Une formule donnant clairement l’impression qu’avant que quelque chose soit entrepris, on peut attendre. La Commission européenne se montre plus véloce quand il s’agit de signer des accords commerciaux au bénéfice exclusif des grandes firmes internationales, contre les intérêts des citoyens.

« Multinationales : 1 - lanceurs d’alerte : 0 »

Ce manque de volonté de la Commission européenne prend d’autant plus de relief après le vote par le Parlement européen il y a deux mois, de la fameuse directive «  secret des affaires » qui renforce l’arsenal juridique contre ceux qui seraient tentés de faire fuir des informations internes aux entreprises. On voit pourtant, avec la condamnation d’Antoine Deltour et de Raphaël Halet, qu’en matière de moyens répressifs contre les lanceurs d’alerte, l’Europe est déjà assez bien dotée. Un vote intervenu malgré une très forte mobilisation de dizaines d’associations de la société civile à travers l’Europe, d’ONG, de syndicats, de journalistes, d’élus, et malgré une pétition qui avait alors recueilli plus de 500.000 signatures. Seuls les députés Verts et ceux de la Gauche unitaire européenne avaient refusé de voter cette directive, considérant qu’il s’agissait d’une véritable arme de dissuasion dans les mains des entreprises, une arme qui menaçait tous ceux qui seraient tentés de révéler des informations pourtant utiles aux citoyens, et de les publier. Les socialistes avaient alors mêlé leur voix à ceux de la droite pour faire passer le texte, et ce, pourtant, en plein scandale des Panama Papers. On comprend l’empressement  des mêmes socialistes à essayer aujourd’hui de gommer la mauvaise impression que leur vote avait alors produit dans la société civile et auprès des journalistes, en insistant pour que l’Europe renforce, d’un autre côté, les droits des lanceurs d’alerte.
 
Mais le tableau d’affichage reste têtu. On y lit pour l’instant : « multinationales : 1 - lanceurs d’alerte : 0. »
 

Source : L'Humanité.fr

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