mardi 15 mars 2016

Le millet serait le chainon manquant de la transition entre les chasseurs-cueilleurs et les fermiers

Le millet serait le chainon manquant de la transition entre les chasseurs-cueilleurs et les fermiers


Une nouvelle étude a montré qu'une céréale, connue de nos jours comme graine pour oiseaux, a été transportée à travers l'Eurasie par les anciens bergers et éleveurs. Ils ont ainsi jeté les bases, en combinaison avec les nouvelles cultures rencontrées, de l'agriculture diversifiée et de l'apparition des sociétés sédentaires.

La domestication des petites graines de céréales du millet dans le nord de la Chine il y a environ 10000 ans a créé la culture parfaite pour combler le fossé entre les cueilleurs-chasseurs nomades et les sociétés agricoles organisées dans l'Eurasie néolithique.

Cela pourrait aussi apporter des solutions à la sécurité alimentaire moderne, d'après cette nouvelle recherche.

Chercheurs sur le site néolithique de Mogou, ouest de la Chine, où les céréales de l'est et de l'ouest se sont rencontrées. Courtesy Martin Jones

Cette céréale oubliée aujourd'hui à l'ouest, si ce n'est pour donner aux oiseaux, était idéale pour les anciens bergers et éleveurs qui l'on transporté à travers l'Eurasie, et mélangé avec d'autres céréales comme le blé et l'orge.

Selon les archéologues, cela a donné naissance aux cultures diversifiées, ouvrant la voie à l'apparition des sociétés urbaines complexes.

Une équipe des Etats-Unis, d'Angleterre et de Chine a suivi la propagation du grain domestiqué depuis le nord de la Chine et la Mongolie Intérieure vers l'Europe à travers le "couloir vallonné" le long des contreforts d'Eurasie.

Le millet privilégie les terrains en pente, ne demande pas beaucoup d'eau et a une courte saison de croissance: il peut être récolté seulement 45 jours après avoir été semé, là où il faut compter 100 jours pour le riz. Cela a permis une forme de culture très mobile.

 Les tribus nomades ont pu combiner la culture du millet avec la chasse et la cueillette alors qu'ils voyageaient à travers le continent entre 2500 et 1600 avant JC.
Le millet a pu être mélangé avec d'autres céréales de ces populations émergentes afin de créer des cultures diversifiées, ce qui a rallongé les saisons de croissance et apporté à nos ancêtres la sécurité alimentaire.

 Agriculteur de millet à Chifeng en Mongolie Intérieure. Martin Jones

Le besoin de mélanger différentes céréales dans différentes lieux, et les ressources en eau nécessaires, dépendaient de contrats sociaux élaborés et de l'apparition de sociétés sédentaires, de communautés stratifiées et probablement de sociétés "urbaines" complexes.

Les chercheurs estiment que l'on doit apprendre de ces anciens fermiers lorsque l'on se penche sur l'alimentation des populations de nos jours, et le millet pourrait avoir un rôle à jouer dans la protection contre les mauvaises récoltes et famines modernes. "Le millet aujourd'hui est en déclin et attire peu l'attention des scientifiques, mais c'était l'une des céréales les plus expansives en termes géographiques. Nous avons pu suivre le millet loin dans l'histoire, depuis ses origines en Chine jusqu'à son expansion à travers l'Europe et l'Inde" dit le professeur Martin Jones du University of Cambridge's Department of Archaeology and Anthropology, "ces découvertes ont transformé notre compréhension de l'agriculture et des sociétés anciennes.  Il avait été supposé que l'agriculture antique s'était concentrée dans les vallées des rivières où l'accès en eau est abondant. Cependant, les restes de millet montrent que les premières cultures se sont plutôt concentrées sur les contreforts, traçant cette première voie vers l'ouest pour ces graines "exotiques" de l'est."

Les chercheurs ont réalisé des datations au radiocarbone et des analyses des isotopes sur des grains de millet carbonisés provenant de sites archéologiques à travers la Chine et la Mongolie Intérieure, ainsi que des analyses génétiques de variétés de millet moderne, pour révéler le processus de domestication qui a eu lieu pendant des milliers d'années dans le nord de la Chine et produit l'ancêtre de tout le millet blanc moderne (j'ai traduit "broomcorn millet" par "millet blanc" mais je n'en suis pas certain) dans le monde.

  Harriet Hunt faisant pousser du millet en branche dans les serres à Colworth Science Park. Courtesy Martin Jones

"Nous voyons que le millet du nord de la Chine se situait dans l'un des plus anciens centre de domestication de céréale, se produisant sur la même échelle de temps que la domestication du riz dans le sud de la Chine et du blé et de l'orge dans l'est de la Chine" explique Jones. "La domestication est extrêmement importante dans le développement de l'agriculture antique; les hommes ont sélectionné des plantes avec des grains qui ne tombent pas naturellement et qui peuvent être récoltés; ainsi sur plusieurs milliers d'années cela a créé des plantes dépendantes des fermiers pour leur reproduction" ajoute-t-il, "cela veut dire aussi que la constitution génétique de ces cultures a changé en réponse aux changements dans leur environnement; dans le cas du millet, nous pouvons voir que certains gènes ont été "éteints" lorsqu'ils furent emmené par les fermiers loin de leur lieu d'origine."

Alors que le réseau de fermiers, bergers et éleveurs s'intensifiait le long du couloir eurasien, ils ont partagé les céréales et les techniques de culture avec d'autres fermiers, et c'est là, explique Jones, qu'a émergé l'idée de cultures diversifiées. "Les premiers fermiers pionniers voulaient cultiver en amont afin d'avoir plus de contrôle sur leur ressources en eau et être moins dépendants des variations climatiques saisonnières ou des potentiels voisins en amont." ajoute-t-il. "Mais lorsque les céréales "exotiques" sont apparues en plus de celles de la région, alors on a commencé à avoir différentes céréales poussant dans différentes zones et à différentes périodes de l'année. C'est un énorme avantage en termes de consolidation des communautés contre de possibles mauvaises récoltes, et cela a permis d'étendre la saison de croissance pour produire pus de nourriture voire des surplus."

Cependant, cela a aussi introduit un besoin plus pressant de coopération, et les débuts des sociétés stratifiées. Avec des gens faisant pousser des céréales en amont et d'autres cultivant en aval, on a besoin d'un système de gestion de l'eau, et cela n'est pas possible, tout autant que la rotation saisonnière des céréales, sans un contrat social élaboré.

Vers la fin du second et premier millénaire avant JC, de grandes implantations humaines, soutenues par l'agriculture diversifiée, ont commencé à se développer. Les plus anciens exemples de texte, comme les tablettes d'argile sumériennes de Mésopotamie, et les os d'oracle de Chine, font allusion à l'agriculture diversifiée et aux rotations saisonnières.

  Martin Jones avec du millet dans le nord de la Chine. Courtesy Martin Jones

 Mais la signification du millet n'est pas une simple transformation de notre compréhension de notre passé préhistorique.
Jones estime que le millet, ainsi que d'autres céréales à petites graines, pourraient avoir un rôle à jouer pour assurer la sécurité alimentaire dans le futur. "L'objectif lorsque l'on se penche sur la sécurité alimentaire aujourd'hui sont les cultures à haut rendement comme le riz, le maïs et le blé qui fournissent 50% de la chaine alimentaire humaine. Cependant, ce ne sont que 3 types de céréales sur plus de 50 existantes, dont la majorité sont des céréales à petites graines ou "millets". Il pourrait être temps de se demander si les millets peuvent avoir un rôle à jouer comme réponse diversifiée à l'échec des cultures et à la famine" estime Jones, "nous avons besoin d'en savoir plus sur le millet et sur la façon dont il peut faire partie de la solution concernant la sécurité alimentaire globale; nous avons encore beaucoup à apprendre de nos prédécesseurs du néolithique".


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1 commentaire:

Africareporters a dit…

Voici un petit extrait de ma thèse sur l'impact psychologique et philosophique du Monothéisme sur notre Civilisation de 10 000 ans. Thierry-Pierre Favreau.

Afin de faire face aux disettes saisonnières, l’homme s’est mis à rechercher des solutions et à sélectionner les meilleurs plants, qui offraient le plus de grains et se mit à tenter de trouver des solutions pour préserver ses provisions.
On va s’apercevoir très vite que l’agriculture va devenir exceptionnelle et se développer bien au-delà du croissant fertile.
Vers -7800 ans avant notre ère, en Anatolie, une nombreuse population commença à s’installer et construisît une ville de 7000 âmes environ, en développant l’agriculture.
C’est à cette période que les défricheurs de forêts apparurent, pour permettre la construction des habitations et la culture de certaines céréales.
D’ailleurs l’espérance de vie pour les hommes est de 34 ans et de 29 ans pour les femmes. Il s’avère qu’à cause de la proximité des habitations et des populations qui vivent les unes sur les autres, l’homme se transmet des maladies telles la grippe et la tuberculose, qui commencent à faire leur apparition, tout comme les premières caries dentaires dues au changement de régime alimentaire plus sucré des céréales et du miel.
C’est aussi à cette période que de nouvelles fonctions apparaissent dans la société, telles celles de marchands, de prêtres et d’artisans. L’on perçoit également les premiers signes de richesse et de convoitise, par l’édification d’habitations de plus en plus imposantes et la création de murailles, de l’émergence de petits seigneurs et également de principautés.
Quelques sociétés émergent dans ces zones et l’on retrouve de rares traces d’une population, qui s’est adaptée et qui commençait à prendre le pas, peu à peu, sur son environnement. Il faut dire que la température remonte au-dessus de zéro en été, ce qui permet à la population de cultiver les graines, que l’on sait pouvoir consommer sans-danger, celles que l’on a pu digérer, ou pu à travers des phases de transformation, apprendre à cuisiner.
Il semble par la suite qu’une autre éclipse de notre développement va se produire, jusqu’en environ -6800 ans avant notre ère, où des traces de villes vont à nouveau apparaître et se développer doucement, jusqu’à devenir des centres urbains importants, où un quart des habitations sont vouées au culte de la déesse Mère et Nourricière, mais qui est aussi Chasseresse et peut-être même un peu carnassière.
Seins sculptés en plâtre et au milieu, la mâchoire animale d’un prédateur (celle du Loup). Les implantations humaines semblent reprendre sans-interruption de -6800 à -5600 ans avant notre ère. (...)
Les cultures de base semblentavoir été l'orge et le blé des montagnes. Les pois et les lentilles se sont vu tour à tour imposés par la suite. Au fil des siècles de nouvelles cultures apparaissent qui apportent une diversité dans les apports nutritionnels: Des légumes divers, des pistaches, des amandes, des pommes, des cerises.
On voit aussi l'apparition de la bière, grâce à la fermentation de l'orge à partir de -6400 ans avant notre ère, puis commence à apparaître la culture de la vigne et la production du vin -5800.

Les premières invasions commencent : L'apocalypse à la fin du XXIIIe ou au début du XXIIe millénaire avant notre ère, dans le chapitre un roi de combat : Sargon, roi de Kish (Sumer -2350 /-2279), Invasion des Guti (-2220 /-2120) à la mort de son fils Naram-sin -2220.

Nous avons donc 5 500 ans de différence entre les débuts des premières semailles et celles des premières invasions.

Merci de votre attention.