jeudi 17 mars 2016

De l'ADN ancien étudié pour éclaircir le mystère du Machu Picchu

De l'ADN ancien étudié pour éclaircir le mystère du Machu Picchu

Perché sur la crête d'une montagne des Andes péruviennes à plus de 2400m de haut, le Machu Picchu est une merveille visuelle et un chef-d'œuvre technique. "C'est à couper le souffle" rapporte Brenda Bradley, professeur agrégé en anthropologie à Georges Washington University.

Machu Picchu se situe dans les Andes au Pérou. Il a été construit au 15ème siècle et abandonné plus tard. (Photo credit: Sophie Muir)

Les incas ont bâti ce site du 15ème siècle sans mortier, assemblant les blocs de pierre si étroitement que l'on ne peut faire insérer une feuille de papier entre eux.

La conception du site comprend des terrasses de culture pour augmenter l'espace de plantation et protéger des inondations.

Mais, en dépit du fait que c'est l'un des plus importants sites archéologiques au monde, les origines de Machu Picchu demeurent un mystère.

Les incas n'ont laissé aucune données sur la raison pour laquelle ils ont bâti le site où sur la façon dont ils l'ont utilisé avant de l'abandonner au début du 16ème siècle.

"Il y a un vieux débat concernant la fonction du Machu Picchu, car le site est unique et très inhabituel pour un site inca" rapporte le Dr Bradley, "c'est trop grand pour être une implantation locale. Et c'est trop petit et pas la bonne structure pour être un centre administratif de l'Empire Maya".

Aussi, le Dr Bradley et une équipe de recherche vont analyser pour la première fois les génomes de restes squelettiques de plus de 170 individus enterrés sur le site. Parmi les autres membres de l'équipe, il y a Lars Fehren-Schmitz de l'Université de Californie à Santa Cruz, Richard Burger et Lucy Salazar de l'Université de Yale.

En séquençant l'ancien ADN des squelettes, les chercheurs espèrent mieux comprendre le rôle fonctionnel de Machu Picchu et ses résidents, ainsi que les modèles de la diversité, de la migration et de la diaspora du travail dans l'Empire Inca (le plus grand dans l'Amérique précolombienne).

L'explorateur de Yale, Hiram Bingham, avait lancé une étude sur "la cité perdue des incas" au cours de l'été 1911. Son travail comprenait les fouilles du Machu Picchu et la collecte d'ossements humains et autres objets, comme les céramiques et les bijoux, pour les ramener aux Etats-Unis.

Les artéfacts sont restés au Musée Peabody de Yale jusqu'en 2012, lorsque, après des années de négociation, les ossements et reliques furent rendues au Pérou.

Le Centre International Pérou-Université de Yale pour l'Etude de Machu Picchu et de la Culture Inca abrite dorénavant ces ossements et reliques. Le musée, à Cusco, est à environ 70km de Machu Picchu et expose plus de 360 objets provenant des fouilles originales du Dr Bingham.

Avant de retourner les squelettes dans leur pays d'origine, le Dr Bradley et ses collègues se sont hâtés de recueillir les échantillons d'ADN des anciens ossements. Ensuite, les chercheurs utiliseront des méthodes de pointe pour séquencer l'ADN nucléaire, mitochondrial et le chromosome Y dans les échantillons.

Le Dr Fehren-Schmitz mènera les analyse préliminaires, et le Dr Bradley tentera de reproduire les résultats dans son laboratoire. "Avec de l'ancien ADN humain, il faut toujours faire attention à la contamination" ajoute Bradley, "si l'on reproduit l'expérience dans un laboratoire différent avec des chercheurs différents, et que l'on trouve le même résultat," alors c'est parfait.

Les chercheurs compareront alors les résultats de l'analyse génétique avec d'anciennes données de Machu Picchu afin d'apporter une meilleure compréhension du site.

L'hypothèse qui prévaut parmi les chercheurs est que le Machu Picchu était une sorte de "retraite royale", où ce serait rendu l'empereur inca Pachacuti et où il aurait tenu des réunions diplomatiques.

L'archéologue indique que les gens qui résidaient sur le site étaient des artisans spécialisés provenant de différentes régions de l'empire. "Ce devait être des gens très qualifiés venant de loin pour jouer des rôles spécifiques. C'est ce que nous estimons" ajoute le Dr Bradley, "nous allons pouvoir maintenant regarder l'ADN pour voir si cela est vrai".

"Les analyses génétiques permettront de tester cette hypothèse en montrant les relations entre ces gens, s'ils étaient de la même lignée ancestrale et s'ils venaient des mêmes lieux" rapporte le Dr Fehren-Schmitz qui a analysé les génomes de nombreuses populations différentes en Amérique du Sud.

Ces informations permettront aussi d'aider à placer le site de Machu Picchu dans le contexte plus large de l'Empire Inca. "Je suis intéressé par les processus locaux et sur la façon dont augmente la diversité génétique avec la complexité et le changement social" ajoute-t-il, "l'une des choses qui rend Machu Picchu si intéressant est l'idée que les gens qui y sont enterrés ne reflètent pas la population locale".

Pour les chercheurs, la richesse des données génomiques qu'ils prévoient de collecter devrait aussi apporter une vision intéressante sur la façon dont le colonialisme a affecté les gens vivant dans les Andes. En effet, les squelettes de Machu Picchu représentent une population d'avant la conquête espagnole qu'ils pourront comparer aux gênes d'ADN post-coloniaux. "Le colonialisme a introduit la maladie et a probablement anéanti beaucoup de diversité génétique" dit le Dr Bradley, "c'est là une opportunité de pouvoir observer la diversité génétique avant que cela ne soit arrivé".


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