samedi 30 mai 2015

Daesh Triomphe En Irak : La Presse S'Interroge


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"II va falloir changer de stratégie face à Daech"


"Mieux vaut parler clair, se désole un diplomate. Les conquêtes djihadistes nous obligent à revoir notre copie."

WASHINGTON, à l'Otan et à Paris, politiques et militaires se-ront condamnés à réfléchir durant l'été. " Cette guerre contre l'Etat islamique est vraiment mal partie », selon la subite inspiration d'un conseiller du ministre Le Drian. Mais on ignore naturellement dans quel sens la stratégie alliée pourra être " revue et corrigée », comme l'espère un officier désabusé. 

Voilà plus d'un mois, pourtant, l'optimisme régnait au Pentagone, et le général Paul Funk, chargé de reformer l'armée irakienne, ne manquait jamais d'en faire état. Le 9 avril à Bagdad, il avait proclamé: " L'ennemi est sur les genoux (. .. ).
Nous l'attaquerons partout dans le pays, et les forces irakiennes ont entrepris de l'en déloger. » Un peu vite dit, car, en trois jours, les chefs djihadistes ont tenu à lui ouvrir les yeux. Le 17 mai, ils plantaient leurs drapeaux à Ramadi, la troisième ville d'Irak, et s'emparaient d'un bel arsenal d'origine américaine: plusieurs dizaines de chars lourds, dont 35 Abrams. Enfin, le 20 mai, en Syrie, c'était au tour de Palmyre de connaître le même sort.

Comme en écho, les confrères se sont aussitôt mobilisés. Exemples, en quatre jours. Le 20 mai, éditorial du « Figaro » :
" Cette guerre peut être perdue si l'on n'engage pas les moyens nécessaires pour la gagner (. .. ), avec une présence au sol renforcée, Etats-Unis en tête. ». 
A France Inter, un chroniqueur laissait, lui, entendre que seul l'Iran pourrait avoir raison des djihadistes. Le 21 mai, un éditorial du
« Point" concluait: " Il faut savoir changer d'ennemi. Bachar ne peut plus être considéré comme l'ennemi public numéro un, alors qu'il est un moindre mal et que les Russes l'ont tout de suite compris. » Le 24 mai, enfin, « Le Journal du dimanche" critiquait la " stratégie poursuivie par la coalition ".


Guerres sans fin?


Fin provisoire des alarmes et rectifications médiatiques ? Rien de certain : le patron du Pentagone, Ashton Carter, a confiriné, le 25 mai, que les militaires irakiens n'aimaient pas se battre et préfé-raient décamper. Cette déclaration a obtenu un tel succès, à Bagdad, que Joe Biden, vice-président US, a dû aussitôt téléphoner au Premier ministre irakien pour lui dire toute l'estime qu'il portait à son armée ... 

Les avertissements sur les risques militaires encourus par les Etats-Unis n'ont pourtant pas manqué. Le 8 mars, Martin Dempsey, chef d'état-major américain, affirmait que balancer« un tapis de bombes sur l'Irak n'était pas la solution '. Mais sans convaincre le « New York Times ", ni « Le Figaro" (qui titrait, le 24 mars, sur " l'échec américain au Moyen-Orient»), ni « Le Monde" (" Faillite américano-saoudienne au Yémen », le 8 avril). 

Echec, encore, en Syrie, où l'opposition dite modérée s'est récemment associée au Front Al-Nosra, filiale d'Al-Qaida. Une mention spéciale, enfin, pour le Yémen, que les Saoudiens considèrent comme leur « arrière-cour", et qu'ils bombardent afin, jurent-ils, d'éviter que les Iraniens n'y étendent leur influence. Sponsorisée par les Etats-Unis, c'est de nouveau une guerre qui s'ajoute à la guerre, sans la moindre perspective de solution politique.

Or Al-Qaida en péninsule Arabique (AQPA) trouve aussi le Yémen à son goût, avec l'idée d'y développer une zone refuge. Et voilà qui a beaucoup surpris certains experts français du renseignement: l'aviation saoudienne a bombardé tous les aéroports du pays, sauf un. Celui d'Al-Mu-kalla, chef-lieu du Hadramaout, une province bordée par l'océan Indien, conquise en partie par les héritiers de Ben Laden. Et des avions-cargos, sans immatriculation apparente, continuent de se poser sur cet aéroport si aimablement épargné. Au nom, peut-être, de l'aide que peuvent apporter les gentils sunnites d'Al-Qaida au combat contre les méchants chiites iraniens.

Le Canard enchainé - 2015.05.27 - Il va falloir changer de stratégie face à Daech.pdf - Fichier partagé depuis Box

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