Les Français, enfants gâtés de l’Europe ?
Waren Buffett il y a quelques jours, les patrons allemands aujourd’hui, des journalistes anglo-saxons demain, tout ça ressemble étrangement à une désignation du doigt de l’élève qui glande dans son coin sans s’être fait repérer pour l’instant, alors que ses voisins ont déjà pris des heures de colle.Le prof (les marchés) avait d’autres chats à fouetter, mais il va bientôt avoir du temps à nous consacrer, je crains.
Même si tout ça ressemble à une curée fomentée par des spéculateurs sans foi ni loi (voir le superbe reportage sur Goldman Sachs d’hier sur Arte), spéculateurs qu’on ne semble pas vouloir éradiquer au vu de leur ramifications mafieuses dans tous les Etats et Banques centrales, je reprendrai la conclusion d’un économiste grec dans ce même reportage (il parlait du camouflage de la dette grecque lors du passage à l’Euro) : je n’en veux pas au renard (Goldman Sachs), mais au paysan (gouvernement grec) qui a ouvert la porte du poulailler.
Ben oui, la génération précédente et ses dirigeants a financé son train de vie sur le dos des générations suivantes, plutôt qu’en bossant plus et en limitant de la sorte la dette contractée (je n’ai rien contre un peu de dette, bien entendu, tout est de rester raisonnable). On va payer ce péché au prix cher. "On", les baby boomers qui en ont largement profité (ils devront financer leurs enfants et petits-enfants), et surtout nous, pauvres couillons de travailleurs. Je ne parle même pas de nos enfants qui auront une planète pourrie.
Nouveau pavé de «The Economist » contre les enfants gâtés français
Nouveau pavé de «The Economist» contre les enfants gâtés français Sophie Pedder, la responsable du bureau parisien de ce que le «Nouvel Observateur» qualifie de «Pravda du capital», lance un nouveau pavé contre l’immobilisme gouvernemental: «Le Déni français». Compte rendu signé Emmanuel Garessus
Le magazine The Economist avait dénoncé une campagne présidentielle marquée par «la rêverie et l’esquive» face aux deux problèmes français, la dette et le manque de compétitivité. Le nouveau gouvernement socialiste est en place, mais Sophie Pedder, la responsable du bureau parisien de ce que Le Nouvel Observateur qualifie de «Pravda du capital», lance un nouveau pavé contre l’immobilisme gouvernemental: Le Déni français *, une démonstration des limites d’un modèle de croissance «porté par la consommation, alimentée par les transferts publics payés à crédit».
Tout lecteur qui s’intéresse aux faits et aux comparaisons de modèles économiques devrait se précipiter sur ce livre. En l’occurrence, la France est surtout évaluée à l’aune de l’Allemagne et de la Suède. Car pour Sophie Pedder, «la France s’offre un modèle suédois avec des finances publiques plus proches de celles de l’Espagne».
La France pour sa part n’a rien entrepris de très sérieux sur ses dépenses publiques. Elles représentent 56% du PIB en France, contre 52% en Suède et 46% en Allemagne. La France n’est pourtant que 56e au classement de l’efficacité des dépenses publiques, selon le WEF (2011). Deux exemples? En moyenne, les chantiers culturels dépassent leur budget de 25% et les retards sont supérieurs à 30 mois. Un autre exemple d’inefficacité: les deux lignes RER A et B sont gérées par deux organismes (SNCF et RATP), ce qui nécessite deux conducteurs par rame. Chaque conducteur s’occupe d’une partie de la ligne…
L’Allemagne avait dynamisé le marché du travail avec Gerhard Schröder, en abaissant de 32 à 12 mois (deux fois moins qu’en France) la période maximale d’indemnisation du chômage. Ces indemnités représentent 67% du salaire avec un plafond limité à 5600 euros brut, contre un maximum de 75% du salaire brut en France, avec un plafond à 12 124 euros. En Allemagne, après un an, les chômeurs passent à l’allocation Hartz IV et 374 euros. Le chômeur français s’en sort mieux, selon la Cour des comptes, 1300 «aides» supplémentaires, de la couverture maladie universelle, à l’exonération de la redevance TV en passant par la prime de Noël.
Les Français sont «les derniers enfants gâtés d’Europe», selon la journaliste. Au pays où le «Droit à la paresse» est un best-seller, les Français travaillent en moyenne 225 heures de moins par an que les Allemands, soit l’équivalent de six semaines. La protection sociale représente 30% du PIB (27% en Suède), quatre fois plus que l’éducation.
A chaque étape de sa vie, l’Etat français est plus généreux. Le séjour en maternité est de 4,3 jours en France, deux jours en Suède. Dans une crèche municipale, le coût n’est alors que de 183 euros par mois après déductions et allocations (1,1 euro par heure).
Les Français quittent la vie active avant les autres. Le taux d’emploi des 60-64 ans n’est que de 18% en France, 41% en Allemagne et 61% en Suède. Ils passent cinq années de plus à la retraite que les Allemands et touchent des allocations considérablement plus élevées.
Pourtant, 66% d’entre eux souhaitent que le travail «prenne une place moins forte» dans leur vie (36% en Allemagne et 25% en Italie). Pour reprendre l’auteure, en France, «le travail est plus qu’un inconvénient: c’est l’ennemi». Les congés sont nombreux. Dans la fonction publique, les Français sont en arrêt maladie 18,6 jours par an et 54% des absences surviennent le lundi. «Plus d’un arrêt sur deux est injustifié», selon Mediverif, un spécialiste du contrôle des absences.
Sans surprise, le PIB allemand est supérieur de 38% au PIB français. La France s’évertue à envisager une sortie heureuse en relevant l’impôt sur le revenu, notamment des riches. Mais est-ce la bonne solution? Le produit de cet impôt correspond à la charge d’intérêt de la dette, soit 6% des recettes fiscales. Les principales sources de recettes sont plutôt à chercher au sein de la TVA (27%) et des cotisations sociales (47%). Mieux vaudrait se résoudre à une baisse des dépenses publiques.
La France pourrait sortir d’un modèle social-démocrate. Mais 41% des Français sont d’avis que le système capitaliste est totalement défaillant (9% en Allemagne). Il est pourtant urgent que l’Etat responsabilise les acteurs économiques. L’auteure se demande si les Français ne méritent pas mieux que d’être infantilisés et présentés comme des victimes par la classe politique.
* «Le Déni français – Les derniers enfants gâtés de l’Europe», Sophie Pedder, JC Lattès, 192 p.
Par Emmanuel Garessus/Le Temps Sept12
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