lundi 24 septembre 2012

Ayrault défend le TSCG : c'est oui ou la sortie de l' Euro


LE PLAIDOYER D’AYRAULT POUR LE TRAITÉ EUROPÉEN


Jean-Marc Ayrault : « l'Europe est un combat » par Mediapart

Sur MEDIAPART

CAP 2012


23 septembre 2012 | Par Stéphane Alliès et Lénaïg Bredoux et Edwy Plenel


Dans un entretien à Mediapart, Jean-Marc Ayrault s’explique pour la première fois sur le fond du débat européen. Au lendemain du refus des écologistes de voter le traité (TSCG) et à deux semaines du débat parlementaire, le premier ministre affirme que « ce qui a été obtenu est considérable ». « Nous allons jusqu’au bout de la défense de l’euro », dit-il, ajoutant à l’adresse des adversaires du traité : « La conséquence logique de leur démarche serait la sortie de l'euro ». « Le TSCG n’est pas l’alpha et l’oméga de notre politique européenne. C’est la première étape d’une réorientation de l’Europe », insiste M. Ayrault qui détaille « le paquet » qu’il entend présenter au Parlement. Mais, prévient-il, « on ne fera pas une avancée de plus sans démocratie supplémentaire ».

François Hollande a fait sa campagne avec un refrain : « Je ne ferai que ce que je promets, et je tiendrai mes promesses.» Dans cette campagne, il s’était très clairement engagé à renégocier le traité européen élaboré par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Aujourd’hui, vous présentez au Parlement le même traité, à la virgule près. Pourquoi ne pas dire simplement la vérité aux Français, c’est-à-dire que vous n’avez pas pu renégocier ce traité ?

Il y a bien eu négociation. Devant l’Assemblée nationale, le 2 octobre, puis le Sénat, le 9, c’est un paquet que je vais présenter, et non le seul traité soumis à ratification. D’un point de vue juridique, c’est vrai, le traité est le même. Mais est-ce que la donne politique, le contexte et les perspectives que nous pouvons imaginer sont les mêmes ? Non. La réorientation de l’Europe est redevenue possible : les engagements ont donc été tenus.

On peut toujours disserter sur la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine. Mais ce qui a été obtenu est considérable, et c’est le fruit de l’élection présidentielle française. S’il n’y avait pas eu de changement politique en France, rien n’aurait changé en Europe. C’est un fait politique, qui n’était pas acquis d’avance. Les lignes bougent fortement, mais l’Europe est une construction politique complexe, faite de compromis entre des points de vue souvent très éloignés, avec des résistances au changement. Quand François Hollande est allé à Berlin, dès le 15 mai, il n’est pas allé à Canossa ! Il a expliqué avoir un mandat des Français pour travailler à la réorientation de l’Europe.

La discussion s’est poursuivie depuis, dans un conseil informel très difficile, face à des positions très libérales. Mais ensuite les choses ont bougé. Et les 28 et 29 juin, le conseil européen a décidé d’un pacte de croissance et d’emploi, de la mise en place de la taxe sur les transactions financières, réclamée depuis quinze ans par la gauche, et de la supervision bancaire. Et les choses continuent à bouger, comme on l’a vu avec les récentes décisions de la Banque centrale européenne (BCE), qui a enfin décidé d'intervenir sur les marchés.

Sans la présidentielle et une très large majorité obtenue à l’Assemblée nationale, la situation aurait continué à se dégrader. Désormais s’ouvre un nouveau chemin. Pour moi, le mandat donné par les Français a été respecté.



Quelles garanties peut-on avoir que l’évolution promise soit différente de celle de la dernière expérience de la gauche au pouvoir en 1997 ? À l’époque, Lionel Jospin avait fait campagne pour la remise en cause du traité d’Amsterdam, avant de finalement renoncer en promettant que les avancées viendraient après. Or, et alors même que 13 pays sur 15 dans l’Union européenne étaient à l’époque dirigés par les sociaux-démocrates, c’est le traité de Nice qui en est sorti, un texte qui a aggravé le hiatus entre les pouvoirs et les peuples. Pourquoi cela serait-il différent cette fois ?

D’abord parce que les Européens sont face à un choix historique. Les gouvernements et les chefs d’Etat doivent prendre leurs responsabilités. Soit ils sauvent l’euro, soit ils laissent se dérouler le cours des choses, et le risque d'un cataclysme économique et social est immense. Et la France, le président de la République et moi-même, ne prendrons jamais la responsabilité de laisser disparaître l’euro. Je suis convaincu qu’il y a eu énormément de faiblesses politiques et de manque de vision depuis le début de la crise. Quand on pense que la crise grecque dure depuis deux ans et demi, que la Grèce ne représente que 2 % du PIB de la zone euro… Et que les dirigeants européens n'ont pas su prendre à temps leurs responsabilités !

Aujourd’hui, les choses ont aussi bougé sur ce point. Même si la Grèce a des faiblesses, une administration faible, des inégalités sociales qui persistent, un système fiscal injuste et peu fiable, nous allons l’aider à retrouver une économie de production. La Troïka (Union européenne, Fonds monétaire international, Banque centrale européenne – ndlr) a désormais une approche plus pragmatique et réaliste. Quelque chose s’est produit chez les dirigeants européens, y compris en Allemagne : on est en train de prendre conscience des risques majeurs dans lesquels nous serions plongés en cas de sortie de la Grèce de l’euro. Ce serait en tout cas pour les peuples européens une régression économique et sociale considérable. Ce serait peut-être le début de la fin du projet européen.

Je constate d’ailleurs que les principaux dirigeants allemands ont compris qu’un manque de sens des réalités par rapport à la Grèce nous lancerait dans une aventure absolument pas maîtrisable. Beaucoup commencent aussi à dire qu’il est injuste que l’Italie continue d’emprunter à 5/6%, malgré les efforts du gouvernement de Mario Monti. Le rôle de la BCE doit aussi être consolidé.

Je le dis à ceux qui nous reprochent de ne pas avoir obtenu assez, notamment à une partie de la gauche. Qu’ils disent tout haut ce qu’ils pensent tout bas ! Pour l’instant, ils n’osent le dire car ils savent que l’opinion ne les suivrait pas. La conséquence logique de leur démarche c'est la sortie de l'euro! Nous, nous allons jusqu’au bout de la défense de l’euro. Non par dogmatisme mais par sens des réalités.

Beaucoup d’économistes disent que les plans mis en œuvre pour la Grèce ne lui permettront pas de sortir de leur crise. Le remède choisi est extrêmement contesté, et pas seulement par la gauche de la gauche…

La solution ne peut être la sortie de la Grèce de l’euro. On peut déjà lui donner plus de temps pour s’en sortir…

Vous y êtes favorable ?

Oui. À une condition, celle que la Grèce soit sincère dans l'engagement des réformes, notamment fiscale.

Vous pensez qu’elle l’est ?

J’en ai discuté Evangelos Venizelos (l’actuel leader du Pasok, le parti socialiste grec – ndlr) au mois d’août et les Grecs butent pour l’instant sur leur réforme fiscale. Ils n’arrivent pas à faire payer les armateurs et ceux qui ont beaucoup d’argent en Grèce investissent dans l’immobilier, à l’étranger… Tout cela est immoral. La crise grecque est structurelle, mais aussi politique.



« Le TSCG, première étape d'une réorientation de l'Europe »

Pour revenir au pacte de croissance dont vous parliez, les 120 milliards d’euros prévus ne sont-ils pas extrêmement insuffisants pour permettre une véritable relance de l’économie au niveau européen ?


C’est vrai, il faut aller plus loin. C’est pour cela que je répète que le TSCG n’est pas l’alpha et l’omega de notre politique européenne. C’est la première étape d’une réorientation de l’Europe. Cent vingt milliards, ce n’est pas assez, mais c’est mieux que rien. Et avant que nous ne parvenions au pouvoir, ce n’était rien. Certes, ce n’est qu’1 % du PIB de l’Europe, mais c’est aussi environ une année du budget de l’Europe. Concrètement, pour la France, cela signifie plusieurs milliards d’euros d’investissement, qui auront autant d’effets de levier. Cela va permettre de débloquer des projets d’avenir en attente dans les régions françaises. Sans l’élection de François Hollande, il ne se serait rien passé, car beaucoup de pays sont dirigés par des gouvernements conservateurs économiquement. C’est aussi cela l’Europe ! C’est un combat permanent.

L’Europe est un combat, mais les peuples ont le sentiment que ce combat leur échappe. Il est illisible, mené d’en haut, technique… Or l’espoir suscité par la campagne électorale était aussi celui d’une repolitisation de ce débat européen. C’est une habileté tactique d’avoir promis une renégociation, qui est devenue une réorientation, et un pacte de croissance en complément, qui reprend des projets déjà engagés, sans objectifs précis d’emplois et de croissance ? Pourquoi avoir cédé au bout d’un seul sommet ?

Ne faites pas l’impasse sur l’évolution du rôle de la BCE. Jusqu’à l’élection de François Hollande, c’était un sujet tabou. Là, elle s’installe progressivement dans un rôle qu’on souhaitait lui voir jouer. Ensuite, je vous ai dit qu’il fallait aller plus loin et porter d’autres investissements…

Depuis Jacques Delors, on a toujours dit aux peuples qu’on irait plus loin plus tard…

Si les orientations de Jacques Delors avaient été tenues, l’Europe irait beaucoup mieux. Aujourd’hui, il s'agit d'une étape. Quant au traité en tant que tel, lisez-le bien, il parle d’« équilibre structurel » des finances publiques, ce qui signifie que l’on peut aussi tenir compte des situations de crise. Il n’est pas le carcan que l’on décrit !

Concernant les perspectives des finances publiques de la France, nous tiendrons cet objectif de 3 % de deficit, parce que nous voulons maîtriser notre destin et préserver notre souveraineté. Le problème de la France, c’est sa dette. Une dette qui n’est pas saine, une dette de dix ans de droite, une dette qui a augmenté de 600 milliards pendant cinq ans de présidence Sarkozy ! Elle n’a servi qu’à payer les dépenses courantes et boucher les trous, en baissant l’impôt des plus riches ! Elle n’a pas préparé l’avenir, tout en dégradant les services publics.

Ce n’est pas du tout notre approche. Il nous faut reprendre les choses en main. Ce choix va demander des efforts, justes, mais qui ne cassent ni notre économie ni notre modèle social. Ce n’est ni l’Europe ni le traité qui nous l’impose, c'est notre volonté de ne pas nous laisser dicter notre politique par les marchés financiers.

Mais cet objectif de 3 % de déficit est celui fixé par Maastricht et le pacte de stabilité et de croissance… Même si c’est votre choix politique, c’est aussi un retour au respect des traités !

Oui, c'est le respect du traité de Maastricht ratifié par le peuple français. Vous pouvez dire ce que vous voulez, mais il faut aller jusqu’au bout de la démarche, vous aussi à Mediapart, et expliquer que la seule alternative est la sortie de l’euro ! La politique, ce n’est pas décrire le monde idéal, c’est aussi de se confronter au réel. Le réel, c’est la monnaie unique. Alors, est-ce qu’on en sort ? Il n’y a qu’un parti qui le dit, en jouant sur la peur…

Il y a aussi des prix Nobel d’économie, comme Joseph Stiglitz ou Paul Krugman, qui disent qu’il faudrait s’interroger sur la façon dont on a construit un système qui marche sur la tête, et qui estiment que l’autonomie de la BCE et l’absence de tout contrôle s’inscrivent dans une logique favorisant les marchés, plutôt que la logique politique dont vous parlez…

Justement, la réorientation de l'Europe est nécessaire pour relancer la croissance. Les choses bougent sur la BCE, j’en ai parlé, et nous voudrions que cela aille plus loin…

Jusqu’où ?

Jusqu’à jouer un vrai rôle de Banque centrale.

En prêtant directement aux Etats ?

Elle peut le faire de façon différente, pas forcément directe…

Pourquoi pas ?

En tout cas, le débat est rouvert. Mais il y a une contrepartie. Cela ne pourra pas se faire sans une coordination des politiques économiques, ce qui signifie un transfert de responsabilité. Nous n’en sommes pas encore là… Mais, dans ce cadre-là, se posera obligatoirement la question démocratique. On ne pourra pas franchir de nouvelles étapes de la construction européenne sans une nouvelle étape démocratique. Et cette question ne concerne pas uniquement le Parlement européen, elle doit aussi impliquer des représentants des nations.

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Le plaidoyer d’Ayrault pour le traité européen - CAP 2012

1 commentaire:

David CABAS a dit…

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