L'exploitation des gaz de schiste dans nos frontières entraînerait inévitablement une augmentation substantielle des émissions de gaz à effet de serre
Un comble quand on sait que le Parti socialiste avait naguère critiqué le manque de fermeté de l’ex-majorité sur ce dossier…
En matière énergétique, les années se suivent et ne se ressemblent pas pour le Parti socialiste. À moins qu’il y ait un gouffre entre être dans l’opposition et être aux commandes d’un vaisseau France aujourd’hui très mal en point.
Souvenez-vous : l’an passé, l’Hexagone devenait le premier pays à interdire la fracturation hydraulique, méthode d’extraction à l’origine de dommages écologiques considérables de l’autre côté de l’Atlantique. Une disposition majeure, historique même, mais qui ne satisfit ni le PS, ni EELV (Europe Écologie-Les Verts), ni les associations de protection de l’environnement, lesquels estimaient de concert qu’il fallait cadenasser. Verrouiller la porte à double tour à l’exploration et fatalement à l’exploitation des gaz de schiste. Trop dangereux pour l’environnement, trop dangereux pour l’Homme à leurs yeux.
Il est cependant à croire que selon les circonstances, les dirigeants finissent par s’accorder par-delà les idéologies. Realpolitik quand tu nous tiens…
Dans une situation économique plus que difficile, la France se doit de dégager des fonds au plus vite pour relancer la croissance. De là à envisager la réouverture du dossier de la prospection des hydrocarbures de roche-mère sur le territoire national, quitte à faire grimper en flèche les émissions de gaz à effet de serre, à dénaturer des paysages et à s’attirer les foudres d’EELV, sans parler de celles des élus concernés – qui ont montré que, quel que soit leur bord, ils ne se présenteraient pas en victimes expiatoires -, il y a un grand pas que le gouvernement pourrait franchir. Comme si, dans pareil contexte financier, les enjeux liés au développement durable devenaient accessoires.
En la circonstance, comme en ce qui concerne l’exploration d’hydrocarbures au large des côtes guyanaises, une entreprise périlleuse pilotée par le groupe pétrolier anglo-néerlandais Shell, qui a obtenu de solides garanties (et peut-être la tête de l’ancienne ministre de l’Écologie Nicole Bricq), le Premier ministre Jean-Marc Ayrault et le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg parlent d’une seule voix. À leurs yeux, le dossier n’est pas clos.
Quid de la lutte contre le réchauffement climatique ?
Le locataire de Matignon, pourtant l’un des plus acerbes à l’Assemblée Nationale au moment de l’adoption de la loi Jacob, qu’il trouvait alors insuffisante, l’a redit hier sur le plateau de BFM TV. « Pour l’instant […], le système de fracturation hydraulique, qui a des effets dévastateurs, c’est interdit », a-t-il rappelé, mais « le débat n’est pas tranché ».
Et M. Ayrault d’évoquer la possibilité d’un recours à d’hypothétiques technologies alternatives permettant d’extraire les hydrocarbures du sous-sol sans altérer l’environnement. Des technologies qui n’existent pas encore, mais auxquelles Paris ne s’opposerait donc pas. À la différence d’EELV, qui sur ce sujet plaide pour le principe de précaution et qui, après le refus du PS de fermer d’autres centrales nucléaires que celle de Fessenheim (Haut-Rhin) durant le quinquennat et de renoncer au programme EPR, est en train d’avaler une autre grosse couleuvre.
« Le 14 septembre va s’ouvrir une conférence gouvernementale et tout sera mis sur la table […] Il faut qu’on mette sur la table les différentes solutions qui pourraient exister […] et qui ne seraient pas polluantes », a poursuivi le Premier ministre. Une conférence auxquelles les ONG de défense de la nature prendront part et qui pourrait donner lieu à de vifs échanges.
En attendant, l’ancienne ministre de l’Écologie Nathalie Kosciusko-Morizet n’a pas laissé passer l’occasion d’égratigner M. Ayrault. Sur son compte Twitter, elle a notamment posté : « J’ai un nouveau slogan pour (les socialistes) : “Gaz de schiste : la duplicité, c’est maintenant, l’écologie, c’est pour quand ?” ». L’ex-porte-parole de campagne de Nicolas Sarkozy a également ironisé sur le mutisme des responsables d’EELV, qui « débattent du sens philosophique de leur participation au gouvernement » à l’occasion des Universités d’été du parti, à Poitiers (Charente).
François Hollande, lui, a reçu la semaine dernière au fort de Brégançon (Var) une délégation de citoyens hostiles à l’exploitation des gaz de schiste dans nos frontières. Les a-t-il rassurés ? Une chose est sûre : la transition énergétique chère au président de la République, mais aussi la lutte contre le réchauffement climatique, toutes deux indispensables, seront sérieusement écornées si la France devait finir par s’ouvrir aux hydrocarbures de roche-mère.
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