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Les observateurs se sont interrogés sur ces propos : M. Mitterrand divaguait-il, ou s’agissait-il de la vérité nue d’un homme ne se sentant plus lié par sa fonction présidentielle, l’éclair de lucidité d’un individu qui n’a de comptes à rendre à personne ? Pour quiconque a vécu en Russie et s’est imprégné des problématiques de cette partie du monde, à la fois européenne et extra-occidentale, la déclaration de l’ancien président a tout d’une évidence : cette guerre invisible fait désormais rage à l’est.
Cette tension, idéologique et militaire que les Etats-Unis ont apporté dans leurs valises à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Un système qui englobe ce que les Russes appellent l’« Occident »: une somme de nations fondues au sein d’un même paradigme économico-politique. Depuis plusieurs années, le leitmotiv des relations entre la Russie et l’Occident, c’est ce rapport de force constant qui sous-tend les relations dans tous les domaines, rythmé par les efforts américains visant à faire plier Moscou à l’aide de « condamnations » et de sanctions diverses.
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Culturellement, la Russie est un Etat attaché à un ensemble de valeurs ancestral qui n’aura bientôt plus cours en occident, schisme notamment cristallisé par l’interdiction de la « gay parade ». Politiquement, la Russie n’est pas un Etat démocratique au sens occidental, tout en ayant réussi à surmonter l’expérience totalitaire. C’est un régime hybride qui s’attire régulièrement les foudres de l’ouest.
Le commentateur de la Russie se trouve dans une situation délicate: doit-il se poser en vecteur de l’idéologie occidentale, raillant et condamnant systématiquement ce pays ? Doit-il au contraire faire preuve de compréhension envers la Russie et son évolution historique? Jusqu’où faut-il critiquer le système mis en place par les Américains, qui libérèrent tout de même l’Europe au prix du sang versé ? Cette libération justifiait-elle l’impérialisme sur lequel elle a débouché?
Force est de constater que malgré la fin de la guerre froide, les tensions sont toujours palpables. Avec toutes ses contradictions, la Russie incarne une tendance forte : la volonté de vivre en marge du carcan occidental, tout en partageant avec l’ouest un socle de valeurs communes. Une soif d’exister à sa façon, sans pour autant se cacher derrière un rideau de fer.
Cette posture historique complexe, instable, n’a pas fini d’alimenter la guerre silencieuse opposant la Russie et l’Amérique.