samedi 19 novembre 2022

Taxons les riches et tout ira mieux

Le Covid-19, le dérèglement climatique, la montée des dictatures et des guerres, les pénuries et l’inflation qui en résulte, tout cela est inintéressant : rétablissons l’ISF, taxons les dividendes et ces problèmes disparaîtront ! Les besoins financiers de l’État ont explosé avec le « quoi qu’il en coûte » et les divers « boucliers » anti-inflation. Les tribunes se multiplient pour réclamer d’augmenter la pression fiscale sur « les riches ». La folie égalitaire est à la mode, se répand sur les réseaux sociaux et même dans des journaux réputés sérieux, tel que Le Monde. Dénoncer les inégalités à grand renfort d’articles choc rapporte des lecteurs et permet de gagner des voix. Mais pas la mienne. Quand on parle de « taxer les riches » ou de « réduire les inégalités », on oublie toujours de parler des conséquences économiques à court et moyen terme : l’égalitarisme généralise la pauvreté alors qu’il proclame la diminuer.  Mais la mode égalitariste est toute-puissante même quand ce sont les pauvres qui y perdent… Commençons par un bref rappel historique expliquant pourquoi l’égalitarisme imprègne si profondément la mentalité française, contrairement aux pays anglo-saxons et aux protestants qui honorent la réussite professionnelle.   Un égalitarisme très français Les racines historiques de l’égalitarisme en France La revendication égalitariste date en France du siècle des Lumières, dont les philosophes réagissaient aux privilèges de la noblesse et du clergé. Ces deux classes sociales étaient divisées : au sommet, on fréquentait la cour royale, inventée par Louis XIV pour maintenir sous sa coupe les nobles qui s’étaient révoltés lors de la Fronde, tandis qu’à la base de la noblesse et du clergé, on était beaucoup plus près du peuple et imprégné par les idées de réforme. D’où la transformation des états généraux convoqués par Louis XVI pour augmenter les impôts, en une Chambre des députés décidant les réformes. La base de la noblesse et du clergé s’est alors alliée au  tiers état, en grande partie composé de bourgeois, et ce sont ces groupes bien au courant des questions de production qui ont répandu l’image d’une noblesse de cour parasite. Remarquons qu’il s’agit d’une caractéristique française, alors qu’en Angleterre les gentlemen farmers n’étaient pas à la cour mais modernisaient leurs exploitations agricoles. Leur utilité sociale était évidente et la pression égalitariste moins forte. Par ailleurs, cette révolution agricole a permis de nourrir les ouvriers de la révolution industrielle, qui démarre justement à ce moment-là dans ce pays. À cela s’est ajouté, lors des troubles de la Révolution française, un courant violemment égalitariste, illustré notamment par Gracchus Babeuf qui milite pour « l’égalité parfaite », notamment par la nationalisation intégrale des activités. De multiples manifestations et écrits rejettent la « révolution bourgeoise », un terme qui sera popularisé plus tard par les marxistes. Il s’adresse aux « sans-culottes », à « la populace » disent ses adversaires. Il finit guillotiné en 1797 après avoir lancé « la conjuration des égaux » et restera une référence de plusieurs courants politiques français. Quelques dizaines d’années plus tard, Karl Marx va lancer le communisme qui vise lui aussi le clergé et les nouveaux nobles, les capitalistes. L’égalitarisme servira d’argument électoral pour des partis communistes ou analogues, alors qu’en URSS et dans les autres pays soviétisés, les anciennes classes sociales favorisées sont remplacées par une nomenklatura comblée d’avantages en nature ainsi que d’occasions de trafics et de corruption. Remarquons que le Parti communiste s’est massivement implanté en France et en Italie mais pas dans les pays protestants, anglo-saxons, germaniques ou scandinaves.   L’égalitarisme c’est quoi ? Wikipédia en donne la définition suivante : « L’égalitarisme est une doctrine politique prônant l’égalité des citoyens en matière politique, économique et/ou sociale, selon les contextes. Dans un sens plus général, l’égalitarisme désigne une école de pensée qui donne la priorité à l’égalité de tous. » J’y suis opposé pour une raison de principe et une raison pratique : la limitation de la liberté et le nivellement par le bas.   Quelques réflexions sur l’égalitarisme L’égalitarisme est non seulement une atteinte à la liberté mais aussi une idée très théorique de la vie, qui imagine le même fleuve tranquille pour des individus pourtant profondément différents. En pratique, on nivelle par le bas car c’est facile : pour les adultes, il suffit d’augmenter les impôts, alors que la redistribution est maladroite et coûteuse. Pour les enfants, il suffit de « simplifier » les programmes scolaires et de distribuer le bac à presque tout le monde. Il ne faut pas s’étonner ensuite des mauvais résultats des élèves français dans le classement international PISA. Une redistribution de l’ensemble de la richesse démotive ceux qui veulent travailler pour améliorer leur sort. Symétriquement, moins un individu génère de richesse, plus il bénéficiera de la redistribution. Cette démotivation d’une partie des meilleurs producteurs et la passivité des moins bons conduisent à l’appauvrissement général et notamment à la fin de la redistribution ! Nous aurons ainsi enfin l’égalité, mais dans la pauvreté. Cela a été réalisé partiellement en URSS : la grande masse s’est retrouvée dans cette situation mais le pays a quand même continué à fonctionner partiellement en distribuant des privilèges importants en argent et en nature à l’élite économique et politique ; par exemple des logements et des voitures de fonction, deux biens qui étaient très rares et motivaient fortement. C’est ainsi que l’égalitarisme généralise la pauvreté alors qu’il proclame la diminuer. Parlons donc un peu moins des inégalités et un peu plus de diminuer la pauvreté, en augmentant par exemple les qualifications. Pour cela, nous avons les modèles suisses et allemands à nos portes. Ce modèle inspire enfin la réforme actuelle de l’apprentissage : pour une fois le problème est pris par le bon bout ! Pour encourager la production de la richesse nationale, dont tous bénéficient directement (profits) ou indirectement (redistribution), la taxation du capital ne doit pas décourager les investisseurs ni les entrepreneurs et doit au contraire s’inscrire dans le contexte européen et mondial. Pourtant, on entend de nouveau s’élever les voix pour demander le rétablissement de l’ISF.   La querelle sur l’ISF rebondit De la création de l’IGF à l’ISF Nous sommes en 1981, Mitterrand a une élection à gagner. Il promet la retraite à 60 ans et une dure taxation des grandes fortunes : c’est l’IGF, l’impôt sur les grandes fortunes. Une fois élu, il applique ces deux bêtises mais doit rétropédaler sur la deuxième devant le massacre des PME et le chômage corrélatif qu’il entraîne. Déjà expert en infox (fake news), il dira « Le chômage, on n’y peut rien, on a tout essayé ». Mais devant la catastrophe, il finit par alléger considérablement l’IGF. Chirac, Premier ministre de cohabitation à partir de 1986, supprime l’ISF et est battu à la présidentielle de 1988 notamment parce qu’il a « favorisé les riches ». Je passe sur les différentes réformes de l’ISF pendant les 30 ans qui suivent, tous les gouvernements étant pris entre l’évidence de la nuisance de cet impôt qui écarte de la France les employeurs, nationaux comme étrangers et la crainte d’être accusés de « favoriser les riches ».   Macron et l’ISF Et voilà qu’arrive 2017. Le candidat Macron est direct : « L’ISF fait fuir des investisseurs français et décourage des étrangers d’investir chez nous, ce qui explique une partie de notre chômage ». Une fois élu, il supprime l’ISF (ou plus exactement le remplace partiellement par un impôt sur l’immobilier, l’IFI), et ça marche : les « exilés fiscaux » reviennent, les étrangers investissent et le chômage diminue jusqu’au début de la pandémie. « Le nombre de demandeurs d’emploi a baissé de 3,3 % en 2019 en France […] Sur le marché du travail, le millésime 2019 aura été l’un des meilleurs de la décennie écoulée », écrivait Le Monde le 27 janvier 2020. Et après la pandémie, la reprise d’activité a été très forte et le nombre de chômeurs sans activité en France a baissé de 12,6 % en 2021, à son plus bas niveau depuis la fin de 2012 (chiffres Pôle emploi). Depuis début 2022, le taux de chômage oscille entre 7,3 % et 7,4 % à un niveau inférieur de 0,9 point à celui d’avant la crise sanitaire (Insee). Est-il besoin de rappeler que la diminution des dépenses de chômage dégage des ressources pour tous les autres postes de dépenses ? Et que chaque personne remise en activité contribue par sa production, ses cotisations sociales et sa consommation à enrichir la nation ? Cela n’empêche pas les égalitaristes de clamer immédiatement que « supprimer l’ISF va augmenter les inégalités », et la campagne pour son rétablissement rebondit : « Macron est le président des riches ».   Suppression de l’ISF : des critiques démagogiques et infondées Il faut rappeler que l’objectif de cette suppression de l’ISF était non seulement de ne pas décourager les étrangers d’investir en France et d’y implanter des cadres supérieurs très bien payés, mais aussi de diminuer l’exil fiscal, les deux privant le trésor français de contribuables intéressants, et faisait courir le risque que ces Français, devenus étrangers, laissent peu à peu tomber leurs entreprises françaises pour en développer d’autres dans leur nouveau pays. Nous avons vu que le premier objectif a été atteint, avec l’amélioration de l’image de la France qui avait la réputation de taxer les entreprenants et le retour des investisseurs étrangers. Le second a été atteint également puisque l’exil fiscal a diminué. Évolution des départs et retours des contribuables assujettis à l’ISF (jusqu’en 2017) puis à l’IFI Les articles dénonçant la suppression de l’ISF oublient également souvent d’énoncer qu’il n’a pas été totalement supprimé puisqu’il reste l’IFI qui taxe les grands propriétaires immobiliers, « parce que l’accroissement de la valeur de leur appartement ne vient pas d’une activité d’entrepreneur. » Bref, sur cette question, on voit fleurir des articles démagogiques non fondés économiquement. Même Le Monde, réputé sérieux, s’y est mis dans la foulée de la tribune régulière de Piketty qui répète sa dénonciation des inégalités sans se pencher sur les conséquences économiques des mesures fiscales qu’il propose. Se souvient-il de l’expérience suédoise, pays libéral économiquement mais à fortes fiscalité et redistribution, qui a été obligé de rétropédaler devant l’émigration des entrepreneurs et des cadres ? En effet, à partir d’un certain niveau d’impôt, la Suède a constaté que ses cadres émigraient, ce qui non seulement diminuait ses recettes fiscales mais surtout freinait l’ensemble de l’économie… avec pour effet de réduire encore plus les impôts perçus in fine.   La querelle sur les dividendes des entreprises Il y a une querelle du même tonneau sur les dividendes reçus par les personnes physiques : surtaxés depuis 2013, ils s’étaient beaucoup réduits. Notre nouveau président ramène en 2017 leur imposition au niveau européen moyen et voilà les dividendes qui reviennent à la normale, donc ré-augmentent en 2018 et 2019. Scandale vite dénoncé par la presse. Sans doute faudrait-il que les riches renoncent à chercher une rémunération pour leurs investissements… mais continuent d’investir quand même ! On oublie qu’après 2013, l’État a été perdant malgré la hausse nominale de la fiscalité, la baisse des dividendes ayant généré moins d’impôt. Au contraire, on constate que la baisse de la taxe sur les dividendes en 2017 a généré beaucoup plus de recettes fiscales du fait de l’élargissement de l’assiette en 2018 et 2019. Cela provient notamment du retour en France des contribuables recevant beaucoup de dividendes et d’une baisse des nouveaux départs de ces contribuables. Ce sont les résultats issus du troisième rapport du Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital, publié en octobre 2021 et réactualisé par France Stratégie en octobre 2022, pour poursuivre l’analyse des réformes engagées notamment au titre de la transformation de l’ISF en IFI et de l’instauration du prélèvement forfaitaire unique et libératoire de 30 % – le PFU – sur les revenus du capital mobilier. On a constaté un changement d’état d’esprit des investisseurs internationaux pour qui la France a perdu sa réputation de taxation des entrepreneurs et de leurs cadres dirigeants. N’oublions pas que ce sont ces derniers qui, concrètement, décident des implantations à l’étranger. Cinq ans après ces réformes, le recul est maintenant suffisant pour confirmer que l’exil fiscal a diminué. Ce sont autant de gros contribuables qui restent en France pour le plus grand bénéfice de Bercy. Et non seulement eux mais aussi les entreprises qu’ils auraient développées à l’étranger s’ils étaient partis. Il faut également rappeler que l’argent des dividendes circule. Une partie va aux fonds de pension et finit dans la poche de modestes retraités, notamment américains et anglais, une autre est replacée par les bénéficiaires privés dans de nouvelles entreprises. C’est un moyen essentiel du renouvellement de notre tissu entrepreneurial.   Trop d’impôt tue l’impôt Mais vous ne lirez rien de tel dans la presse égalitariste, dont le lecteur pense au contraire qu’une hausse du taux de l’impôt augmente les recettes de l’État et que sa baisse les diminue. C’est ignorer les enseignements des courbes de l’économiste Arthur Laffer, suivant lesquelles il n’est pas fiscalement rentable de dépasser un certain taux de prélèvement car une hausse des taux diminue in fine l’assiette fiscale. Pas besoin d’être scientifique pour comprendre qu’il vaut mieux pour l’État toucher 25 % de 1000 euros de dividendes distribués, soit 250 euros de recette fiscale, que de taxer à 33 % des dividendes réduits à 600 euros, soit 200 euros de recette fiscale. C’est l’adage bien connu : « trop d’impôt tue l’impôt. » Et c’est d’autant plus vrai que les acteurs économiques peuvent choisir de s’établir dans des pays à la fiscalité plus douce.   Surtaxer les riches appauvrit tout le monde Or, comme une grande part des dépenses de l’État a un objectif social, diminuer les recettes en augmentant comme en 2013 l’impôt sur les dividendes, c’est appauvrir les pauvres. De la même façon, la suppression de l’ISF a entraîné une baisse des recettes fiscales beaucoup moins importante que prévu et cette petite baisse a été compensée par les impôts sur les activités générées. Au mépris d’un examen sérieux du résultat, la fin partielle de l’ISF et la taxation normale des dividendes sont ainsi présentées comme des scandales. Peu importe que l’emploi et le trésor public y gagnent ! Le titre de l’article du journal Le Monde, mis à jour le 9 octobre, donne le ton : « Après la suppression de l’ISF, les revenus des 0,1 % les plus riches ont explosé en France ». C’est un manque de sérieux flagrant, l’augmentation de leurs revenus provenant de la hausse des dividendes et non de l’absence d’ISF, et n’étant qu’un retour à la normale européenne, comme expliqué plus haut. Enfin, se polariser sur les 0,1 % c’est réduire l’analyse à des cas très particuliers, dont beaucoup sont probablement accidentels. Je veux dire par là qu’ils ne figurent dans cette liste que pour une raison ponctuelle et donc n’en feront pas partie l’année suivante.   « Non seulement ils sont riches, mais en plus ils en profitent » La presse égalitariste fourmille également de ce que j’appelle « des doublons logiques » qui enfoncent des portes ouvertes tout en criant au scandale pour faire vendre. Par exemple, cette presse exploite l’enquête Epicov coordonnée par l’Inserm, rendue publique le 9 octobre 2020 et dont la conclusion est que « le Covid-19 a accru les inégalités ».   Les riches sont mieux logés En effet, premier « doublon », la « découverte » que les riches habitent dans des logements plus grands que les pauvres. C’est présenté comme un scandale et cette enquête souligne que de plus cela les met à l’abri de la promiscuité qui répand le virus chez les moins bien logés. Les logements des « riches » sont déjà taxés via l’impôt sur la fortune immobilière mais visiblement ça ne suffit pas. Qu’inventer pour établir une égalité de confort et de risque face au virus ? Interdire la propriété de logements de plus de 15 m² par personne ?   Les riches bénéficient du télétravail Deuxième « doublon logique », les riches en général ne travaillent pas de leurs mains et peuvent donc télétravailler à partir d’une agréable résidence secondaire ou de tout autre endroit pittoresque. Ils peuvent éviter ainsi des heures de transport quotidien et donc échapper encore plus au virus ! Alors que les pauvres doivent se rendre sur leur lieu de travail pour y être ouvrier, caissière, employé de banque… Il faut donc interdire le télétravail, tant pis si les contaminations augmentent ! Notez au passage que sont oubliés les médecins, notamment hospitaliers, pourtant en première ligne face au virus…   Les riches vivent mieux Indépendamment de la pandémie, j’entends aussi que les riches mangent davantage bio bien que ce soit plus cher, qu’ils peuvent se payer un abonnement à une salle de sport, ou, scandale, à un club de golf ! On ajoute qu’ils peuvent faire des voyages confortables. Interdisons donc le bio, le sport et les voyages dans des hôtels de plus de deux étoiles !   Les riches ont plus d’argent Le Monde enfonce le clou en écrivant : « L’épargne accumulée depuis le confinement est très majoritairement détenue par les Français les plus aisés » (octobre 2020). Quelle surprise ! Quel scandale ! On pourrait continuer longtemps ainsi, résumons par un doublon logique général : « Non seulement ils sont riches, mais, en plus, ils ont de l’argent ! » Les ravages de la jalousie et du populisme sont dévastateurs.
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