samedi 10 juin 2017

L’État accorde un sursis au plus grand projet de biomasse en France, à Gardanne

L'État accorde un sursis au plus grand projet de biomasse en France, à Gardanne

Le tribunal administratif de Marseille avait, jeudi 8 juin, estimé insuffisante l’étude d’impact du projet et annulé son autorisation d’exploitation.

Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) est la troisième région forestière avec 1,5 million d’hectares de forêt,
soit 9 % de la surface boisée du pays. GUILLAUME SOUVANT / AFP

Le préfet des Bouches-du-Rhône, Stéphane Bouillon, a signé, vendredi 9 juin, un arrêté permettant « à titre provisoire » la poursuite de l’exploitation de la centrale de Gardanne. Ce sursis accordé par l’État est justifié par le fait que la centrale biomasse « contribue de manière significative au renforcement de la qualité d’accès à l’énergie en Provence-Alpes-Côte d’Azur » et « fait partie des unités de production d’électricité dont le concours est indispensable, en particulier en cas de vague de froid et de risque majeur de coupure d’alimentation électrique ».

La veille, la société Uniper France Power (ex-E. ON, le grand groupe énergétique allemand) avait connu un énorme revers. Le tribunal administratif de Marseille avait en effet annulé, jeudi, l’autorisation d’exploitation accordée par l’État, en 2012, à la plus grande centrale biomasse de France, à Gardanne. Son propriétaire, Uniper, a, selon les juges, procédé à une étude d’impact insuffisante en n’analysant pas « les effets négatifs indirects et permanents du projet sur les espaces forestiers de la zone d’approvisionnement » de la centrale, située dans un rayon de 400 km.

En phase de tests finaux, la tranche 4 de l’ancienne centrale à charbon de Gardanne, reconvertie à la biomasse au prix d’un investissement de 256 millions d’euros, nécessitera, à l’horizon 2024, plus de 850.000 tonnes de bois par an dont 445.000 tonnes de bois forestier local, le reste provenant des déchets verts et autres bois de recyclage. Les juges observent qu’une telle consommation estimée à 37 % de la ressource forestière disponible dans un rayon de 250 km méritait une analyse des incidences prévisibles sur l’environnement ainsi qu’une information complète des populations concernées.

Lire aussi :  Du charbon à la biomasse, la conversion contestée de la centrale de Gardanne

« On est ravi par ce jugement », déclare Frédéric Jacquemart, vice-président de Cèze et Ganière, une association écologiste d’Ardèche, vent debout contre la centrale de Gardanne, « ce véritable aspirateur de forêts qui convoite les châtaigneraies des Cévennes ». Les opposants au projet dénoncent, non pas la biomasse mais son gigantisme. Parmi les demandeurs à l’annulation de l’arrêté d’exploitation figurent une dizaine d’associations de défense de l’environnement, mais aussi le parc naturel régional du Lubéron et celui du Verdon ainsi que deux communautés de communes des Alpes-de-Haute-Provence qui redoutent la déforestation de leurs paysages.

L’État a toujours soutenu le projet

Député et maire de Forcalquier, aujourd’hui porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner justifiait, en mars 2016, ce recours devant le tribunal administratif par la démesure de la centrale : « De tels volumes, ce n’est pas tenable pour une gestion raisonnée de la forêt. Je suis pour la biomasse, pas pour de tels monstres qu’il va falloir alimenter la gueule ouverte. »

L’État a toujours apporté son soutien à ce projet-clé de sa politique de transition énergétique visant à porter d’ici à 2020 la part des énergies renouvelables à 23 %. D’une puissance de 150 mégawatts électriques (MWe), la centrale de Gardanne devrait couvrir 3 % de la consommation électrique régionale.

L’État s’est engagé à racheter pendant vingt ans l’électricité produite par Uniper, soit 70 millions d’euros par an. Le ministère de l’environnement a la possibilité de faire appel de ce jugement qui barre la route à l’exploitation de la centrale. Ce dossier que d’aucuns qualifient de « fausse bonne idée écologique » devrait donc compter parmi les premiers travaux pratiques du ministre Nicolas Hulot. Une nouvelle étude d’impact élargie pourrait conduire à un nouvel arrêté d’exploitation.

L’avocat d’Uniper, maître Frédéric Defradas, estime que « c’est comme si, pour la construction d’une autoroute, l’étude d’impact devait analyser les conditions d’exploitation des carrières. C’est aller trop loin ». Menaçant de supprimer les subventions allouées aux deux parcs naturels régionaux comptant parmi les requérants, Renaud Muselier, président (LR) du Conseil régional « s’indigne » de la décision du tribunal. « L’écologie, écrit-il dans un communiqué, doit être mise au service de l’économie pour faire de la croissance verte un atout. »

En réponse au choix offert par l’État de cesser ses activités ou de lancer une nouvelle étude d’impact élargie à toute sa zone d’approvisionnement, Uniper France a fait savoir, vendredi dans un communiqué, qu’elle entendait poursuivre provisoirement l’exploitation de la biomasse. La société dispose de neuf mois pour déposer une nouvelle demande d’autorisation d’exploitation. Elle fera appel d’un jugement qualifié de « très pénalisant pour un acteur résolument engagé dans la transition énergétique ». Selon son président, Luc Poyer : « Même s’il s’agit d’un coup dur pour les énergies vertes dans ce pays, nous restons convaincus du bien-fondé de ce projet. »

Source  : Le Monde.fr via Odilion

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