jeudi 19 janvier 2017

Démissions groupées aux urgences de Dreux : « On refuse le travail à la chaîne »

Démissions groupées aux urgences de Dreux : « On refuse le travail à la chaîne »

"L'an dernier, trois médecins ont quitté le service, sans être remplacés." (Photo d'illustration : service des urgences du
CHU de Nice) MAXPPP/PHOTOPQR/NICE MATIN

Onze médecins urgentistes du centre hospitalier Victor-Jousselin de Dreux viennent d'annoncer collectivement leur démission pour protester contre leurs conditions de travail. Eddie Nicolas est l'un d'entre eux. Il raconte.

Comme dans de nombreux services d'urgence, nous sommes beaucoup sollicités au centre hospitalier Victor-Jousselin de Dreux. Il y a un véritable manque de médecins généralistes - surtout dans cette ville peu attirante pour les médecins qui préfèrent exercer à Paris où à Chartres. Dans le même temps, le nombre de consultations ne fait que croître. A cela s'ajoute une diminution du nombre de lits disponibles. Avec plus d'entrées, mais moins d'aval, ça ne peut évidemment pas fonctionner convenablement. 

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Nous sommes la porte d'entrée principale des patients de l'hôpital. Pourtant, peu de dispositions sont prises pour que le service tourne correctement. Le temps de travail des infirmières, récemment réformé, a aggravé la situation : il y a désormais trois transmissions [des informations concernant les patients] par jour, contre deux autrefois, ce qui nous fait perdre encore plus de temps. Heureusement, les malades sont plutôt patients étant donné le temps qu'ils passent avant d'être pris en charge - jusqu'à dix heures à Dreux.  

Des patients laissés 15 ou 20 heures sur des brancards

On nous demande de faire du travail à la chaîne. Je ne veux pas que mon emploi ressemble aux Temps modernes. Il faut se donner du temps dans la médecine, ainsi que les moyens de pratiquer dans de bonnes conditions.  

Laisser un patient quinze ou vingt heures sur un brancard avant d'avoir un lit, ce n'est pas normal. Les examiner dans le couloir parce qu'il n'y a pas suffisamment de box, ce n'est pas normal. Envoyer des hommes en maternité - comme j'ai pu récemment le voir - parce que l'on manque de suivi, ce n'est pas normal non plus.  

Parfois, nous manquons même de brancards : lorsque les ambulances arrivent, nous devons courir dans tous les sens pour trouver un moyen de déplacer le patient. Nous perdons en qualité de soin avec cette organisation et les premières personnes à en pâtir sont les patients. 

Tous les soignants des urgences en burn-out

Les soignants sont également victimes de ce système. Nous essayons de faire de notre mieux, mais le fait de ne pas pouvoir exercer convenablement pèse sur notre motivation. L'an dernier, trois médecins ont quitté le service, sans être remplacés. Du côté des infirmières, il ne reste que des jeunes diplômées, les plus anciennes sont parties. Selon une psychologue venue prendre la température du service, nous sommes tous en burn-out aux urgences. 

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Pour que les responsables de l'établissement prennent conscience de la situation, nous sommes onze médecins des urgences à avoir déposé notre démission [effective à partir du 1er octobre 2017]. Nous demandons que la circulaire sur le temps de travail des services d'urgence soit respectée afin de disposer de temps administratif, ainsi qu'une réorganisation du service. Sans cela, les urgences de Dreux risquent de disparaître. 

 

Source : L'Express.fr

Informations complémentaires :

 

 

 

 

URL: https://www.crashdebug.fr/actualites-france/13051-demissions-groupees-aux-urgences-de-dreux-on-refuse-le-travail-a-la-chaine

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