vendredi 18 novembre 2016

[France à fric] Guinée / François de Combret / Corruption à 11 M $ ? – un autre scandale présumé qui passe inaperçu

[France à fric] Guinée / François de Combret / Corruption à 11 M $ ? – un autre scandale présumé qui passe inaperçu

Je note qu’un scandale qui éclabousse (encore) la France et dont on parle beaucoup dans plusieurs pays étrangers (Australie, Guinée…) passe totalement sous les écrans radars de notre presse.

Elle éclabousse une huile énarchique française, ancien Secrétaire Général Adjoint de l’Élysée sous Giscard – excusez du peu. Je signale bien que les accusations et interrogations sont à prendre au conditionnel, M. Combret n’ayant ni été condamné ni même poursuivi. Il est donc totalement présumé innocent. Il a refusé tout commentaire. Je me contente de reprendre des extraits des grands journaux financiers mondiaux qui s’interrogent sur ce grand serviteur de l’État de lui-même…

L’affaire est intéressante car elle met en lumière des réseaux de la Françafrique, de nos grands énarques, et des pratiques du marché minier…

Qui est François Polge de Combret ?

Major de sa promotion au concours d’entrée à l’ENA (1963), François Polge de Combret devient en 1967 magistrat à la Cour des comptes, dont il est conseiller référendaire honoraire.

En 1971, il est appelé comme conseiller au Cabinet de Valéry Giscard d’Estaing, Ministre de l’Économie et des Finances, qu’il suit à la Présidence de la République en 1974.

Il demeure auprès du Président pendant toute la durée du septennat, d’abord en tant que conseiller pour les affaires économiques et industrielles puis en tant que Secrétaire Général Adjoint de l’Élysée.

Après l’élection présidentielle de 1981, François de Combret est recruté par la banque Lazard. Il passe trois années à New York (1982-1985), au cours desquelles il rencontre Bernard Arnault, futur président de LVMH, qu’il introduit auprès de Lazard pour la prise de contrôle du groupe Boussac. Il est ensuite nommé associé-gérant de Lazard à Paris, fonctions qu’il exercera pendant plus de 20 ans (1985-2005).

Au cours de cette période, il est chargé notamment de conseiller France Télécom, Renault et Aérospatiale pour leur privatisation, et il participe à de nombreuses opérations de fusions-acquisitions telles que la création de EADS et de Safran, l’alliance Renault-Nissan ou l’acquisition de YSL par PPR.

En 2005, lors de la vente et de la mise en bourse de Lazard, François de Combret quitte Lazard pour UBS (2006-2009), puis pour Crédit Agricole Corporate and Investment Bank (2010-2011) ,avant de créer la société de conseil financier FC Finance dont il est “managing director”.

Depuis 2011, il exerce, avec Tony Blair et George Soros, les fonctions de conseiller personnel du Président de la République de Guinée, Alpha Condé, dont il était condisciple à Sciences-Po.

François de Combret est ou a été administrateur notamment de Sanofi, Aérospatiale, Sagem, Renault, Bouygues Telecom, Nexans, Safran. (Source : Wikipédia)

[Financial Times] Rio Tinto face à une nouvelle controverse sur un paiement minier de 10,5 millions de dollars

Des avocats ont trouvé des e-mails concernant les honoraires d’un consultant sur un projet d’extraction en Guinée il y a plus d’un an.

Par Tom Burgis et Neil Hume à Londres, Financial Times, 16/11/2016

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Les avocats de Rio Tinto ont découvert il y a plus d’un an des e-mails internes à propos du versement douteux de 10,5 millions de dollars à un consultant, mais la société minière n’a alerté les autorités judiciaires et les investisseurs sur le sujet qu’il y a une semaine.

Le groupe anglo-australien a déclaré le 9 novembre qu’il avait informé les autorités après avoir découvert des e-mails datant de 2011 concernant un versement au consultant qui a aidé à neutraliser une menace aux droits de Rio Tinto sur le projet gigantesque d’extraction de minerai de fer à Simandou en Guinée.

Dans les e-mails auxquels a eu accès le Financial Times, Alan Davies, directeur chargé de Simandou discute avec Tom Albanese, alors directeur général, et Sam Walsh, alors chef du minerai de fer, du versement de 10,5 millions de dollars d’honoraires à François Polge de Combret, un ancien banquier d’affaires français et ancien camarade de classe du président guinéen.

À la suite d’une enquête interne commencée en août, Rio Tinto a déclaré la semaine dernière qu’il avait informé les autorités judiciaires du Royaume-Uni, des États-Unis et d’Australie. L’entreprise s’expose à des années d’examen et au risque de lourdes sanctions s’il est conclu qu’elle a enfreint les lois anti-corruption.

Rio Tinto a suspendu M. Davies, le seul des trois directeurs de la conversation par e-mail à être toujours dans l’entreprise. Il n’a pas répondu à nos demandes de commentaire.

Rio Tinto a déclaré la semaine dernière qu’il avait découvert les e-mails en août après qu’ils ont été postés anonymement en ligne.

Mais deux personnes connaissant le sujet ont expliqué au Financial Times que les e-mails ont été découverts l’an dernier par des avocats travaillant pour la compagnie sur un litige concernant le projet de Simandou.

Le cabinet juridique, Quinn Emanuel, a refusé de commenter. Il rendait compte au département de Debra Valentine, la directrice en charge des questions juridiques et réglementaires.

Mme Valentine devait prendre sa retraite en mai prochain mais elle a démissionné prématurément suite aux révélations de la semaine dernière. Elle n’a pas pu être jointe pour commenter.

Le conflit au sujet de Simandou remonte à 2008, lorsque le dictateur guinéen du jour a retiré ses droits à Rio Tinto sur la moitié nord du projet d’exploitation et les a transférés à BSG Resources, le bras minier du conglomérat familial de Beny Steinmetz, le magnat israélien du diamant. BSGR a ensuite signé un partenariat de 2,5 milliards de dollars avec le brésilien Vale.

En 2011, Rio Tinto a sécurisé ses droits sur la moitié restante de Simandou grâce à un versement de 700 millions de dollars au nouveau président Alpha Condé – une transaction que M. Combret a aidé à faciliter, selon les e-mails. L’ancien banquier de Lazard a refusé tout commentaire.

En 2014, une enquête lancée par le gouvernement de Condé a conclu que BSGR avait acquis ses droits sur la moitié de Simandou à travers un système de corruption. Le gouvernement a annulé ces droits et ne les a pas à nouveau délivrés.

Rio Tinto a réagi en avril 2014 en saisissant la justice de New York pour racket, à laquelle il a affirmé que BSGR, M. Steinmetz, Vale et d’autres s’étaient entendus pour voler ses droits sur Simandou.

L’affaire a été rejetée sur un point technique en novembre 2015, mais pas avant l’instruction in futurum, processus où les plaignants et les défendeurs échangent des documents avant un procès.

Un dossier déposé en octobre 2014 au tribunal par les avocats de Vale spécifiait les informations qu’il voulait que Rio Tinto transmette. Une rubrique exigeait « tous les documents concernant ou constituant des communications entre Rio Tinto et toute autre tierce partie en rapport avec les droits sur les blocs 1 et 2 de Simandou. »

Cela faisait référence à la moitié du gisement qui avait été prise à Rio Tinto et donnée à BSGR.

Les e-mails de 2011 qui ont déclenché l’enquête interne de Rio Tinto en août semblent être pleinement concernés par la demande de divulgation de Vale.

Par exemple, M. Davies écrit dans l’un de ses e-mails que, grâce aux efforts de Combret, « il y a désormais aussi une lueur qui nous permet d’espérer prendre une position utile en rapport avec les [blocs] 1 et 2 ».

Des personnes connaissant le dossier ont affirmé que les avocats de Rio Tinto étaient tombés sur les e-mails en compilant des documents à divulguer lors du processus d’instruction.

Il n’apparaît pas clairement, après que Quinn Emanuel a trouvé les e-mails, si les services de Mme Valentine ont pris ou pas des mesures ou s’ils ont contacté M. Walsh qui a succédé en 2013 à M. Albanese comme directeur général.

M. Walsh, qui a renoncé à ses fonctions de directeur général de Rio Tinto en juillet, a refusé tout commentaire, tout comme M. Albanese.

Suite aux révélations de Rio Tinto la semaine dernière, le gouvernement guinéen a affirmé qu’il « n’avait pas connaissance, à l’époque en 2011, du fait que M. Polge de Combret avait la capacité d’agi pour le compte de Rio Tinto ».

Il a ajouté qu’il n’a « reçu aucune allégation de corruption » mais qu’il « suivrait de près l’évolution des procédures d’auto-vérification initiées par Rio Tinto et conduirait toutes les enquêtes qui seraient nécessaires pour assister les autorités compétentes dans leur mission ».

Jean-Sébastien Jacques, actuel directeur général de Rio Tinto, a déclaré cette semaine à ses collaborateurs que l’entreprise ne prenait pas « à la légère » une décision de contacter les régulateurs à propos du versement de 10,5 millions de dollars à M. Combret. Il a ajouté que l’entreprise prenait la situation « très au sérieux ».

BSGR a toujours soutenu qu’elle n’avait rien fait de mal en Guinée et qu’elle avait été victime d’un coup monté par le gouvernement et ses alliés pour confisquer ses droits illégalement.

Le groupe a saisi les récentes allégations de corruption contre le gouvernement de Condé dans une action distincte en justice, ainsi que les divulgations de Rio Tinto la semaine dernière pour faire valoir son innocence.

Source : Financial Times, 16/11/2016

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Découvrez l’homme mystérieux qui a transformé le rêve africain de Rio Tinto en cauchemar

Lors de la réunion du conseil d’administration de Rio Tinto ce lundi, le principal point de discussion devrait être l’enquête de Rio Tinto. 

Par James Chessell, Matthew Stevens, Peter Ker, The Australian Financial Review Magazine, 11/11/2016

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Si vous voulez faire des affaires en Guinée en Afrique de l’Ouest, vous avez de fortes chances de croiser François de Combret.

Dans le cas de Beny Steinmetz, le milliardaire israélien de haut vol qui a fait fortune en vendant des diamants entre autres à Tiffany & Co., c’est arrivé en mars et avril 2013, au cours de l’un de ses nombreux séjours dans le petit État d’Afrique de l’Ouest.

Steinmetz avait besoin qu’on l’aide avec le président guinéen Alpha Condé, qui menaçait de révoquer ses droits sur la moitié nord de Simandou, l’un des plus importants gisements inexploités de minerai de fer au monde, au sud-est du pays. Le magnat des affaires avait obtenu les droits cinq ans auparavant dans des circonstances sensationnelles lorsque le prédécesseur de Condé avait dépouillé le géant minier Rio Tinto de ses licences exclusives d’exploration parce qu’il développait la mine « trop lentement », et les a données pour rien à Beny Steinmez Group Resources. Deux ans plus tard, après n’avoir investi que 160 millions de dollars dans une étude de faisabilité de l’exploitation, Steinmetz a vendu 51 % de ses droits au leader du minerai de fer, le brésilien Vale, pour 2,5 milliards de dollars.

La transaction a sidéré l’industrie minière, dont Rio Tinto, furieux que la moitié de Simandou se soit retrouvée dans les mains d’un concurrent féroce. Les propos de Mo Ibrahim, un milliardaire des télécommunications africaines, ont largement été relayés. Lors d’une conférence à Dakar il a posé la question : « Est-ce que les Guinéens qui ont conclu cet accord sont idiots, criminels, ou les deux ? »

Le président guinéen Alpha Condé menaçait de révoquer les droits de Beny Steinmetz sur la moitié nord de Simandou, l’un des plus importants gisements inexploités de minerai de fer au sud-est du pays.

Dans une tentative manifeste d’aller au fond de l’une des opérations les plus controversées de l’histoire de l’activité minière africaine, Condé a ordonné une enquête gouvernementale de deux ans sur la transaction. BSGR faisait face à la réelle possibilité de perdre le restant de ses droits sur les dépôts gigantesques de minerai de fer de Simandou si l’enquête découvrait des preuves de corruption. C’est dans ces circonstances que Steinmetz s’est retrouvé face-à-face avec Combret.

Selon Steinmetz, un intermédiaire qu’il n’a pas nommé lui a présenté le français pour « étudier si une entente avec le président Condé était possible ». Steinmetz affirme qu’il aurait volontiers conseillé à BSGR de verser une commission à Combret si ses efforts « avaient permis de remettre le projet sur les rails ».

« Sa contribution aurait été très précieuse, » a-t-il ajouté. « Toutefois, rien n’a véritablement été discuté, encore moins approuvé. Nous avons convenu d’en discuter le jour éventuel où il y aurait une solution. »

Au final, aucune solution n’a été trouvée. L’enquête gouvernementale a déclaré que BSGR avait versé des pots-de-vin pour obtenir les droits sur Simandou et les avait rapidement révoqués. Steinmetz, qui nie les accusations de malversation, a répondu en lançant des poursuites judiciaires à l’encontre du gouvernement de Guinée, là où se trouve une déposition dans laquelle il témoigne de sa rencontre avec Combret.

Ce petit incident dans l’histoire sombre de Simandou aurait pu passer largement inaperçu si Rio Tinto n’avait pas pris la décision extraordinaire cette semaine de révéler qu’il avait informé les régulateurs d’Australie, de Grande-Bretagne et des États-Unis d’une enquête interne concernant un versement de 10,5 millions de dollars à Combret pour avoir aidé à apaiser ses relations avec le président Condé.

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L’enquête de Rio Tinto a été déclenchée par la fuite d’une conversation par e-mail qui s’est déroulée en 2011 entre le directeur général de Rio Tinto de l’époque, Tom Albanese, et son successeur, Sam Walsh (en photo), alors directeur du département minerai de fer. Bloomberg

L’expérience de Steinmetz laisse entendre que Rio Tinto n’était pas le mieux placé. Lorsque les compagnies minières étaient en conflit avec le gouvernement guinéen, c’est François Aldebert Gabriel Christian Polge de Combret qu’il fallait appeler.

Conseiller de l’ancien président français Valéry Giscard d’Estaing, Combret est ensuite devenu associé-gérant de la banque d’investissement Lazard, où il a travaillé sur un certain nombre de grosses opérations, dont la privatisation du constructeur automobile Renault. Il a ensuite fondé son propre cabinet de conseil basé à Paris, FC Finance, en 2004. Le résident Suisse de 75 ans a siégé aux conseils d’administration de certaines des plus grandes entreprises d’Europe dont le groupe de défense Safran et Bouygues Telecom.

Mais ce qui le rend réellement important aux yeux notamment de Rio Tinto, c’est qu’il est un ancien camarade de classe de Condé, avec qui il était au lycée et à l’université à Paris.

Une proximité avec le président préoccupante

Tom Albanese était PDG de Rio Tinto CEO en 2011.

Selon une analyse de la Banque mondiale du secteur minier guinéen, la proximité de Combret et du président était préoccupante. L’investisseur milliardaire George Soros, qui jouait le rôle de conseiller de Condé, « n’aime pas François de Combret et a tenté de le mettre sur le banc de touche pour qu’il n’influence pas le président sur les affaires de l'État ou sur l’activité minière », a relevé l’analyse.

Une source proche de Rio Tinto affirme que la bonne foi de Combret a été sujette à un examen interne avant son recrutement et que son contrat a été préparé par Phil Edmands, alors directeur juridique de Rio Tinto et qui travaille aujourd’hui dans les bureaux du cabinet juridique Gilbert + Tobin à Perth. Comparant son recrutement à la décision de Rio Tinto d’engager l’ancien secrétaire d'État des États-Unis Henry Kissinger comme conseiller sur le commerce avec la Chine et le Premier ministre britannique Tony Blair pour faciliter à une occasion les échanges avec le gouvernement de Mongolie, la source soutient que Combret a été choisi pour ses « connaissances de la région et ses contacts ».

Il semblerait que le cabinet juridique Kirkland & Ellis assiste l’enquête de Rio Tinto, qui sera le principal point de discussion d’une réunion du conseil d’administration de Rio Tinto ce lundi. Elle a été déclenchée par la fuite d’une conversation par e-mail qui s’est déroulée en 2011 entre le directeur général de Rio Tinto de l’époque, Tom Albanese, et son successeur, Sam Walsh, alors directeur du département minerai de fer, et Alan Davies, ancien directeur financier de Walsh qui avait été nommé président des opérations internationales de Rio Tinto pour le minerai de fer.

Davies a été suspendu après la révélation, et la directrice des affaires juridiques et reglementaires de Rio Tinto, Debra Valentine, s’est aussi retirée. Albanese et Walsh ne travaillent plus pour Rio Tinto.

Tom Albanese et Sam Walsh ont tous les deux reçu des e-mails liés au versement de 10,5 millions de dollars à un consultant à propos du gisement de minerai de fer de Simondou en Guinée.

Walsh, Combret et Davies n’ont pas répondu aux tentatives de les contacter. Albanese s’est refusé à tout commentaire. Diffusés brièvement sur un site web public de partage de fichiers et porté à l’attention de Rio Tinto en août, les e-mails montrent que Davies a demandé que le paiement soit fait à Combret quelques jours après que Rio Tinto a annoncé qu’il paierait 700 millions de dollars au gouvernement de Guinée pour résoudre un litige exceptionnel concernant la partie sud du projet de Simandou connus sous les noms de blocs 3 et 4. Dans son e-mail d’introduction à Walsh, Davies a écrit que « la contribution de François, ses services uniques et irremplaçables ainsi que sa proximité avec le président ont significativement amélioré le résultat auquel nous sommes parvenus ».

« Nous a aidé à nous rapprocher »

« Il s’est porté garant de notre intégrité quand il l’a fallu et il a aidé à nous rapprocher lorsque les choses s’annonçaient extrêmement difficiles, » a continué Davies.

« Ces services étaient de la nature la plus unique et nous ne serons jamais pleinement en mesure de juger de l’issue potentielle s’il ne nous avait pas assistés. »

Le directeur renvoyé de l’énergie et du minerai Alan Davies a promis de prendre « les actions légales les plus fortes possibles » contre Rio Tinto. Mathias Magg

Walsh avait aussi été averti qu’on n’avait laissé à Davies « absolument aucun doute sur le fait que François n’agirait pas en tant qu’ami de Rio Tinto » dans le cas où le versement ne serait pas effectué.

Dans le contexte actuel du marché des matières premières, qui se remet tout juste de sa pire chute depuis des dizaines d’années, le ton des e-mails est troublant.

Pourquoi trois des dirigeants les plus expérimentés de l’un des plus grands groupes miniers du monde se sont-ils empressés de faire un versement qui, au premier abord, ne semblait pas passer le test olfactif ? Pourquoi leur seule préoccupation concernait-elle la viabilité du projet plutôt que la pertinence de ces honoraires ? Et qu’est-ce que les « services uniques et irremplaçables et la proximité avec le président » de Combret avaient exactement qui le rendaient si important ?

Pour répondre à ces questions, il est important de se rappeler que l’industrie minière en était à un point très différent du cycle il y a cinq ans. Le minerai de fer, qui constitue le gros des gains de Rio Tinto, s’échangeait à un niveau proche du record de 177 $ la tonne, comparé avec les 74 $ la tonne d’aujourd’hui. Les producteurs bon marché comme Rio Tinto, BHP Billiton et le brésilien Vale n’ont pas pu en extraire assez vite et de nouveaux acteurs tels que la Fortescue Metals d’Andrew Forrest et la Roy Hill de Gina Rinehart entraient dans le Pilbara [NdT : région minière d’Australie].

Garder la cadence ne suffisait pas

Rio Tinto augmentait aussi sa production en Australie-Occidentale, mais pour une entreprise fière d’être le plus gros producteur de minerai de fer du monde, garder la cadence n’aurait jamais suffi.

Un mois seulement avant que Davies ne clique sur le bouton « envoyer » de son e-mail à Walsh, Rio Tinto avait élargi ses intérêts à travers l’acquisition pour un montant de 3,7 milliards de dollars de deux importants projets au Mozambique détenus par l’australien Riversdale Mining. Riversdale s’avérera être un désastre complet et coûtera son poste à Albanese, mais c’était bien avant que l’opération ne vienne symboliser les processus internationaux laxistes et les vérifications préalables inappropriées qui ont handicapé Rio Tinto pendant le boom minier.

Dans ce contexte, il est plus facile de comprendre pourquoi Davies était si désireux de garder Combret de son côté.

Les projets d’exploitation de la taille et de la qualité qui intéressent un leader tel que Rio Tinto sont rares, ce qui a rendu tout à fait attrayante la proposition de Simandou dans les hauteurs du sud de la Guinée. Non seulement Simandou avait suffisamment de réserves pour soutenir une mine pendant au moins 40 ans, mais le minerai était d’une « haute teneur » suffisante pour alimenter des hauts fourneaux avec peu de transformation.

Pour Davies, Simandou était toute sa vie professionnelle et il avait fait de nombreux déplacements depuis sa base à Londres jusqu’à la capitale guinéenne de Conakry pour négocier avec les représentants du gouvernement.

Pourtant, Davies avait peu de raisons de croire que les discussions se passeraient sans heurt. La décision de dépouiller Rio Tinto de ses blocs du nord en 2008 et de les transmettre à Beny Steinmetz Group Resources a déstabilisé la direction de Rio Tinto. Et en plus l’entreprise payait 700 millions de dollars pour sécuriser ses intérêts restants à Simandou – des actifs que Rio Tinto pensait déjà posséder en totalité. Entre les lignes de ses e-mails, Davies s’inquiétait de perdre le projet pour de bon. Ce n’est pas étonnant qu’il ait comparé Combret à une « assurance ».

Paiement de facilitation

Le souci évident au sein de la direction actuelle de Rio Tinto est que les frais représentent un paiement de facilitation pour lequel le représentant d’un gouvernement (ou un intermédiaire) reçoit de l’argent pour mener (ou accélérer) une mission existante. Les paiements de facilitation sont considérés comme une forme de pot-de-vin. Les règles au Royaume-Uni sont particulièrement strictes.

Étant donné que les régulateurs sur trois continents commencent tout juste à mordre à pleines dents dans les opérations avec Combret, les prochains mois promettent d’être gênants pour Albanese, Walsh, Davies et Valentine. Il est probable que les e-mails qui ont trouvé leur chemin jusqu’à la sphère publique ne racontent pas toute l’histoire.

Des sources proches de Rio Tinto affirment que le recrutement de Combret a été fait de manière convenable et que son contrat de consultant contenait une obligation pour Combret de suivre le code de conduite de Rio Tinto, « notre façon de travailler ». D’autres défendent l’idée que l’entreprise n’aurait pas révélé l’existence d’une enquête interne cette semaine à moins que l’examen par Kirkland & Ellis ait soulevé des raisons valables d’inquiétude.

La direction de Rio Tinto essaie aussi de comprendre comment les e-mails ont pu fuiter avant toute chose. Parmi les théories qui circulent au siège londonien de l’entreprise, il y a le soupçon que des pirates chinois aient accédé aux serveurs d’e-mails de Rio Tinto, ou que les e-mails aient atterri dans les mains de personnes hostiles au cours d’un processus de découverte lié aux nombreuses actions légales concernant Simandou.

Plus tôt cette année, le nouveau directeur général de Rio Tinto Jean-Sébastien Jacques a reconnu la défaite en Guinée en annonçant la vente de ses intérêts à Simandou au chinois Chinalco à hauteur de 1,3 milliards de dollars.

Rio Tinto a justifié sa décision par les coûts énormes de développement du projet dans un environnement plus faible des matières premières. Mais il y a aussi le sentiment que des problèmes légaux et politiques répétés ont simplement rendu le projet trop difficile.

Source : The Australian Financial Review Magazine, 11/11/2016 (c’est le plus important quotidien économique d’Australie)

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La réaction officielle du gouvernement de Guinée :

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La réaction des médias français (elle dort l’AFP ?) : rien…

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Ils se bougent plus en Guinée :

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