mercredi 27 juillet 2016

Protectionnisme, identité, élites : ce que dit Trump du climat politique

Protectionnisme, identité, élites : ce que dit Trump du climat politique

En 2015, personne ne s'attendait vraiment à ce que Donald Trump s'empare de la candidature républicaine. Certains y voient assez superficiellement un démagogue égocentrique. Et si, par ses choix de campagne, il signifiait beaucoup plus : un vrai et profond mouvement des plaques tectoniques politiques.



La réinvention des notions de droite et gauche ?

Le succès de Donald Trump est complexe à analyser, mais certains aspects sont indiscutables. D'abord, il s'agit d'un grand renversement social : là où le vote pour le parti républicain suivait le niveau de richesse, celui de Donald Trump est inversement corrélé. Et cela correspond à son positionnement volontairement anti-élites, qu'il accuse de soutenir Hillary Clinton. Quel renversement dans le paysage politique de voir le candidat des Républicains se présenter comme le candidat des petits, rôle traditionnellement tenu par les candidats du Parti Démocrate. En somme, les Démocrates sont devenus le parti des métropoles globalisées dont la population pense profiter de la mondialisation quand les Républicains se transforment, avec Trump, en parti plus populaire des déclassés de la globalisation.

Comme le note The Economist dans un dossier passionnant, une large majorité des Démocrates pensent que le libre-échange est une bonne chose, quand désormais, une proportion sensiblement plus importante des Républicains pensent le contraire, les soutiens de Donald Trump étant particulièrement critiques de ce libre-échange vanté par les élites. Assez logiquement, ceux qui s'opposent au libre-mouvement des biens sont assez enclins à s'opposer au libre-mouvement des personnes, et sont donc conquis par la promesse d'un mur pour séparer les Etats-Unis du Mexique. Se dessine en creux l'opposition entre élites de centre villes ultra-ouvertes, désindustrialisées et centrées sur les services et la nouvelle économie, gagnants de cette mondialisation et territoires périphériques.

Mais cette nouvelle opposition, qui rappelle un peu celle à l'œuvre chez nous, montre sans doute que les questions culturelles ont sans doute supplanté les questions économiques comme ligne de démarcation principale des clivages politiques. Car le discours de Donald Trump est plus patriotique et identitaire que progressiste. Il dénonce les délocalisations sans donner une vraie critique articulée de la mondialisation, constatant seulement ses dégâts et appelant à des mesures protectionnistes. D'où la cohérence de son positionnement qui comprend également une dénonciation plus que musclée des immigrés, « violeurs », dont il propose d'en renvoyer pas moins de 11 millions. En ce sens, même s'il perdait en novembre, The Economist se demande si cette évolution pourrait durer.

Parce qu'une partie de la gauche fait de l'internationalisme sa boussole, au-delà même du progressisme social, elle se coupe d'un peuple qu'elle finit parfois par mépriser, parce que, victime de cette anarchie, il demande à ses dirigeants de le protéger par des frontières moins ouvertes à tous les vents, la droite peut, comme le montre Donald Trump, se réinventer en réaction, d'autant plus que le terrorisme islamiste peut pousser les citoyens à vouloir des politiques plus autoritaires et refuser les excès du multiculturalisme relativiste. En somme, des messages que porte traditionnellement mieux la droite. Et l'on peut se dire que c'était la même logique qui a œuvré pour la victoire du Brexit le 23 juin, soutenu par les classes populaires contre les élites des villes globalisées. Bref, Hillary n'a pas gagné.


Comme le soutient The Economist, le succès de Donald Trump pourrait bien dépasser 2016, même s'il n'était pas élu. Il reflète peut-être une réinvention de ce que signifie la droite et la gauche dans nos pays éprouvés par tous les aspects de la globalisation.

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