BNP victime collatérale de l’affaire Alstom ?
L’annonce n’en finit pas de secouer les milieux financiers : le gouvernement américain pourrait infliger une amende de 10 milliards de dollars à la BNP pour avoir enfreint l’embargo avec l’Iran et Cuba.
En soi, l’affaire n’est pas complètement simple. Il se trouve que la BNP aurait, selon les autorités bancaires françaises, respecté les règles d’embargo imposées en Europe. Simplement, comme les transactions avec ces pays ont été effectuées en dollars, elles relèvent aussi de la législation américaine : elles sont en effet passées par une chambre de compensation relevant des règles fédérales. C’est à ce titre que les Etats-Unis peuvent poursuivre la BNP et la menacer de lui retirer son agrément sur le sol américain.
Ce qui frappe, toutefois, c’est le caractère extrêmement mouvant de la sanction envisagée. La BNP est en discussion depuis 2009 sur ce sujet avec les autorités américaines. La négociation porte sur des transactions bancaires d’un montant inférieur à 1 milliard de dollars. Il est donc assez curieux de voir une amende aussi importante infligée au bout de près de 5 ans de pourparlers. Jusqu’ici, les montants évoqués étaient bien moindres.
Une partie de la presse financière soutient que l’une des raisons qui expliqueraient cette inflation récente dans le montant de l’amende tient au poids de la BNP en Iran, qui ferait de l’ombre aux banques américaines en cas d’ouverture prochaine de ce marché. Les annonces de Barack Obama sur le nécessaire retour à une diplomatie pacifiste après plusieurs années de guerre constitueraient un signe avant-coureur de ce revirement américain vis-à-vis de l’Iran.
D’autres analystes sont tentés par une explication différente, encore plus géopolitique : l’amende que les Etats-Unis s’apprêteraient à infliger à une banque française se justifie aussi par le manque de docilité de la France, notamment en Afrique, et dans les relations économiques, notamment à l’occasion du dossier Alstom.
Ainsi, le refus obstiné du gouvernement français de voir General Electric racheter Alstom donnerait lieu à une surenchère entre les deux pays. La BNP en ferait les frais, avec des arrière-pensées évidentes de la part des Etats-Unis : la BNP a échappé à la débâcle en 2008. Les Américains ne voudraient pas laisser passer une bonne occasion de l’affaiblir, tout spécialement à l’approche des stress tests européens.
Dans cette diplomatie financière, les Américains disposent d’ailleurs d’une série d’arguments pour faire plier les Européens et les réduire à un silence obéissant. La BNP n’est en effet pas la seule banque visée par le ministère de la Justice à Washington : le Crédit Agricole, la Société Générale et la Deutsche Bank devraient également faire l’objet de poursuites, pour les mêmes raisons que la BNP. Des perspectives qui expliquent largement la discrétion de nos autorités sur la question.
Une fois de plus, l’inconsistance de l’Europe dans les relations internationales apparaît. Cette fois, elle se double d’une incapacité à défendre ses entreprises financières les plus sensibles et les plus systémiques face à la stratégie américaine. Une leçon à méditer longuement.
1 commentaire:
Faillite totale, pour une amende représentant moins de 10 % des réserves de la BNP ?
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