dimanche 8 juillet 2012

La guerre contre l'Iran : le succés médiatique de la rentrée ?



Le problème des guerres, c’est qu’elles évoluent aussi vite que les écrans sur lesquels on les regarde. La question de celle-ci n’est pas de savoir quand elle commencera, mais jusqu’où elle ira. Chaque guerre a eu son média mais ce temps est révolu. Désormais tout le monde a Facebook et un écran plat pour suivre le cours des choses et surtout, chaque public a sa vérité. La guerre de 40 avait la radio et depuis le Vietnam, les images priment. La guerre du Vietnam fut la seule que perdirent les Américains sur deux fronts : sur le terrain et dans l’opinion.


Ils se sont rattrapés ensuite. La première guerre du Golfe a été télévisée mais particulièrement encadrée. Les images étaient fournies par l’armée, premières images d’une guerre propre, avec vues satellite d’explosions de bunkers. La deuxième guerre du Golfe est la première guerre post-Internet et depuis, tout dérape. L’information n’est plus tenue, tout juste peut-on la contraindre aux images au détriment de l’enquête. Faites du cinéma, mais pas du journalisme.


Avant, il n’y avait qu’une vérité, celle qu’on voyait ; maintenant, chacun peut lire sa vérité et en voir les mêmes images, mais commentées selon ses goûts. Les musulmans s’informent par al Jazeera, les juifs sur Guysen TV, on leur raconte à tous l’histoire qu’ils veulent entendre. Les juifs non israéliens adorent se faire peur, s’inquiéter plus que de raison, se raconter qu’Israël est un paradis en danger et qu’ils en détiennent chacun une action. Les musulmans se délectent des saillies antisionistes et antisémites des Palestiniens, d’Al-Qaïda et des Iraniens et tout le monde consomme un peu à la carte ce qu’on appelle “les conflits arabes”.


Ce genre d'images pendant un mois sur votre TV et vous aurez envie de guerre...garantie à 100%


C’est dans ce contexte qu’arrive la “guerre avec l’Iran”. La guerre qui vient a tout pour être un succès planétaire : c’est un film d’espionnage avec l’hypothèse d’un risque nucléaire, dans un contexte géopolitique lui-même explosif.


Le casting d’abord, particulièrement riche et soigné. Il y a plus de méchants que de gentils et ils ont tous un solide mobile. Ahmadinejad, l’Iznogoud iranien, Netanyahaou, l’Israélien qui n’inspire pas confiance, Poutine le revanchard, Obama le gentil qui veut surtout être réélu, les Frères musulmans égyptiens qui hésitent entre le radicalisme anti-israélien soft ou dur, les militaires égyptiens corrompus et sous perfusion du Pentagone, les fourbes pakistanais qui jouent triple jeu, les services secrets chinois aux pouvoirs insoupçonnés, les Nord-Coréens et leurs laboratoires secrets… Ne manquerait plus qu’Ariel Sharon décide de se réveiller de son coma. Mais ce n’est pas dans le scénario.


Un scénario catastrophe tordu mais vraisemblable : un pays de méchants barbus, l’Iran, menace Israël de l’atomiser. Pour contrer cette funeste perspective, Israéliens et Américains mènent depuis des années au joystick une guerre secrète avec l’Iran. Des scientifiques nucléaires iraniens ou pakistanais sont discrètement occis, des virus sont injectés dans les réseaux informatiques militaires et scientifiques iraniens, des sous-marins israéliens dernier cri achetés aux Allemands s’entraînent au fond des eaux internationales à la dissuasion nucléaire balistique, mais “Tsahal” a un problème : elle est en désaccord avec son Premier ministre.


Elle rechigne à attaquer l’Iran, d’abord parce qu’on ne lui désigne que des bunkers inatteignables, et ensuite parce que la suprématie militaire israélienne dans la région, grâce à sa légendaire domination aérienne, n’est plus si évidente. La Russie inonde la zone de batteries de missiles dernier cri fournies avec ingénieurs aux manettes. Ils en ont équipé avec succès la Syrie et l’Iran. La semaine dernière, la Syrie a ainsi abattu un appareil turc. A la manoeuvre : Poutine lui-même, redevenu tsar et qui rêve de réimposer la Russie au centre du jeu mondial. Il sait qu’il doit commencer par se redéployer dans cette région qui compte trop d’oléoducs et d’intérêts russes. De ses alliés d’antan, la Russie n’a plus guère que la Syrie, où elle compte 100 000 ressortissants, et l’Iran, à qui elle fournit tout ce qu’il veut.


On notera la subtilité du scénariste qui fait entrer Poutine dans le jeu au moment où Obama est obligé de se mettre en retrait pour cause de campagne électorale. 1956, 1968, 2008, les Russes ont souvent su profiter des élections américaines pour pousser leurs pions.


Dans cette guerre qu’on nous annonce comme imminente, il y a un méchant, Ahmadinejad, l’Iznogoud iranien qui rêve de satisfaire à la fatwa des ayathollahs de rayer Israël de la carte. Il sait qu’il n’a pas de bombe atomique à brandir à la face du monde et que le blocus international sur le pétrole, s’il dure, risque de retourner la rue contre lui. En Iran, patrie des chiites, le pouvoir est religieux et veut la guerre parce qu’elle est sainte, et la rue veut la paix, la démocratie et la consommation. Pour l’heure, le pays est tenu, mais les révolutions arrivent vite en ce moment.
Mais l’Iran n’est le méchant qu’aux yeux de la moitié du public. L’autre moitié veut voir Tel Aviv en cendres. C’est la suite de cette guerre qui est brandie comme une menace par Israël, les USA et l’Iran, pas son commencement.


Une suite qui aura plusieurs champs de bataille. Deux fronts au moins : un front invisible, une cyberguerre basée sur le renseignement, le hacking et les frappes chirurgicales, et un second front, inquiétant, qui se trouvera quelque part entre la Palestine, le Liban, Israël et la Syrie. Les Iraniens ont dans ce coin leurs alliés fidèles du Hezbollah qui ne demandent qu’à être fournis en armement pour attaquer. Hamas et Hezbollah ont fait reculer Israël tant sur le plan militaire que du renseignement ; de plus, ils mènent un conflit de guérilla avec un équipement puissant d’armée presque conventionnelle.


Les services secrets occidentaux ont passé ces dernières années à déjouer sur le papier les scénarios catastrophes d’attaques kamikazes avec des armes biologiques ou des bombes sales. Ils savent que l’hypothèse n’a rien de fictionnel.


Pas de bon film de guerre sans un solide volet espionnage. Les Israéliens du Mossad et les Américains de la CIA ont uni leurs efforts pour ralentir significativement l’Iran dans sa démarche en 2005 et ils n’ont jamais cessé depuis de le harceler.


En Israël, dirigé en ce moment par l’inquiétant Benyamin Netanyahou, on sent un certain tiraillement au sommet du pouvoir. D’un côté, le Premier ministre qui veut se faire une place dans l’Histoire entre Begin et Sharon, un va-t-en-guerre avide d’opérations d’espionnage, de l’autre, une partie de l’armée, inquiète des difficultés qu’elle aurait à affronter, et le Mossad, qui est devenu une voix politique qui compte via ses anciens dirigeants qui se montrent publiquement critiques. Meir Dagan, qui l’a dirigé ces dix dernières années, a jeté plus qu’un froid en déclarant que l’idée d’attaquer l’Iran était la plus stupide qu’il ait entendue. Ambiance.


Côté américain, Obama veut passer aux guerres propres. Drones, satellites et virus et pour le reste, sous- traitance. Le déploiement militaire hérité de Bush en Irak et en Afghanistan coûte la moitié des 800 milliards du budget de la Défense US. Un budget qui a triplé en cinq ans dans un dérapage incontrôlé et a rempli les poches d’un complexe militaro-pétrolo-industriel incestueux. Sous Clinton, l’état de la CIA était tel qu’il a ignoré ce puits de bureaucratie et d’alcoolisme incapable de déceler un éléphant dans un couloir pour mener sa politique étrangère et les meilleurs éléments de la CIA étaient partis dans les boîtes paramilitaires montées par les plus malins d’entre eux. Depuis Bush, les Blackwater et autres Halliburton prospèrent, propriété du clan ou de ses arrière-cours. Du grand art, Jack Bauer y aurait perdu le nord mais le clan Bush restera dans l’histoire pour avoir appliqué mieux que personne un précepte selon lequel plus c’est gros, mieux ça passe.


Voilà, grosso modo, la guerre qui vient ; elle démarrera d’un clic, un clic sur un détonateur d’un Palestinien, un clic sur un bouton lance-missile, un clic sur le bouton enter d’un ordinateur d’un hacker israélien du Mossad, un clic sur le bouton power de notre télévision.


Par Pierre-Louis Rozynès

1 commentaire:

plusd'Spoir du grand soir a dit…

Tant que Wall Street dirigera ce put.. de système, il y a aura :
bulles spéculatives —> Planche à billets ou monétisation des dettes —> Sur-liquidité (planche à billets) —> Endettement des Etats –> Désinformations –> Guerres pour éliminer la monnaie de singe –> Des millions de morts —> Des pays à reconstruire —> Bulles spéculatives sur Immobiliers ou autres poduits financiers ….
il suffit de lire l ‘Histoire depuis la chute de l’Etalon-OR..