Comme pour le Mediator, Servier aurait falsifié des documents relatifs à un autre médicament, le Protelos, qui serait, là encore, plus dangereux que ce que le laboratoire laissait entendre.
Comme l'a révélé mercredi Libération, l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a rédigé en 2010 un rapport sur le sujet, à la demande de l'Agence européenne des médicaments (Ema).
Ce rapport, dont l'AFP a pu consulter une copie, pointe les dysfonctionnements du laboratoire en matière de pharmacovigilance du Protelos, utilisé après la ménopause pour réduire le risque de fractures osseuses.
Il relève deux écarts "critiques", c'est-à-dire "posant un risque potentiel pour la santé ou représentant une violation grave de la législation" par rapport à la procédure légale, et huit écarts "majeurs", c'est-à-dire "pouvant potentiellement poser un risque pour la santé ou représentant une violation de la législation".
Une "procédure de restriction urgente de sécurité" avait alors été lancée visant à modifier le "résumé des caractéristiques du produit" (RCP) et l'étiquetage du conditionnement. Il fait toujours aujourd'hui l'objet d'une surveillance renforcée.
Le rapport relève une application déficiente des règles de "codage", c'est-à-dire de déclaration des effets secondaires. Il note aussi qu'"il n'existe aucune procédure structurée pour assurer une détection fiable des signaux de sécurité". En d'autres termes, le système mis en place empêche de relever tous les effets secondaires du médicament.
"culture d'entreprise perverse"
Interrogé par l'AFP, le directeur général de l'Afssaps, le Pr Dominique Maraninchi, a indiqué que le Protelos était toujours "sous surveillance très attentive".
"On attend des résultats complémentaires en croisant les données de la firme et les déclarations venant de médecins et de patients", a-t-il précisé.
Le comité technique de pharmacovigilance se réunira le 13 septembre et pourrait, si les données vont dans ce sens, déboucher sur "une suspension de l'autorisation de mise sur le marché du médicament, qui sera instruite à l'échelle européenne", a-t-il ajouté.
En mai dernier, la Haute autorité de santé avait recommandé de l'utiliser seulement en deuxième ligne et pas chez les femmes de plus de 80 ans. "Deux types de risque sont préoccupants", a souligné le Pr Maraninchi, "les risques thrombo-emboliques, et le syndrome cutané Drees, qui peut être sévère".
Le Pr Maraninchi a précisé qu'un autre médicament de Servier était "sous surveillance attentive": le Vastarel. Commercialisé en France depuis 1965 et utilisé contre les vertiges, les acouphènes, l'angine de poitrine, il présente nombre d'effets indésirables, sans "efficacité clinique tangible", selon la revue indépendante Prescrire.
Servier a démenti mercredi "fermement" les "accusations" de Libération, affirmant n'avoir "jamais dissimulé les effets secondaires d'un médicament".
Le groupe devrait, selon son avocat, être prochainement mis en examen dans l'affaire du Mediator, un antidiabétique largement prescrit comme coupe-faim qui a fait entre 500 et 2.000 morts, selon plusieurs études. Des centaines de plaintes ont déjà été déposées contre le laboratoire, et plus de 1.000 autres devraient l'être prochainement.
Le député PS Gérard Bapt, qui a présidé la mission parlementaire sur le Mediator, a estimé que cette affaire jetait "une nouvelle suspicion sur une culture d'entreprise particulièrement perverse, où tout est fait au profit du médicament et de sa commercialisation".
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