jeudi 24 mars 2022

En 2021 l’État a dépensé un milliard d’euros en conseils privés

À l’initiative du groupe Communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE), le Sénat a investigué pendant 4 mois sur l’influence des cabinets de conseil sur les politiques publiques, en utilisant les moyens de contrôle renforcés des commissions d’enquête parlementaires1. Le résultat de ces investigations, ce sont les deux forts volumes du Rapport d’information n°578 remis au Président du Sénat le 16 mars 2022. Le tome 1 de 361 pages constitue le rapport proprement dit, le tome 2 de 417 pages étant le recueil des auditions qui ont permis de l’établir. Un phénomène tentaculaire Les travaux de la commission d’enquête révèlent un phénomène tentaculaire. Les cabinets de conseil interviennent au cœur des politiques publiques, ce qui soulève deux principales questions : notre vision de l’État et de sa souveraineté face à des cabinets privés, d’une part, et la bonne utilisation des deniers publics, d’autre part. Autrement dit le Président Arnaud Bazin, Sénateur Les Républicains, et Éliane Assassi, la Rapporteure (sic), Sénatrice CRCE, de ladite commission d’enquête se soucient surtout que des cabinets privés s’immiscent dans les affaires publiques et que les deniers publics soient mal utilisés. Un milliard de dépenses en conseils privés en 2021 En 2021, les dépenses de conseil de l’État au sens large ont dépassé le milliard d’euros, dont 893,9 millions pour les ministères et 171,9 millions pour un échantillon de 44 opérateurs. Il s’agit d’une estimation minimale car les dépenses des opérateurs sont plus élevées : […] l’échantillon ne représente que 10 % du total des opérateurs. C’est un milliard d’euros qui s’ajoute aux plusieurs centaines de milliards d’euros de dépenses de l’État au sens large pour la même année, lesquels milliards ne semblent pas émouvoir outre mesure les membres de la commission sénatoriale… Si le recours à des cabinets privés n’est pas chose nouvelle, ce qui les interpelle c’est l’évolution desdites dépenses de conseil entre 2018 et 2021, c’est-à-dire pendant la présidence d’Emmanuel Macron : Les dépenses de conseil des ministères ont plus que doublé, avec une forte accélération en 2021 (+45 %). Ce qui ne correspond heureusement pas à l’évolution sur la même période de la totalité des dépenses publiques, qui sont de toute façon phénoménales (60,7 % du PIB en 2021). Le réflexe du recours à des consultants La commission attribue cette évolution au réflexe que serait devenu ce recours à des consultants, même lorsque l’État dispose déjà de compétences en interne. Mais l’État dispose-t-il vraiment de compétences en interne ? Telle est la question… Il faut croire que non puisque les consultants sont intervenus sur la plupart des grandes réformes du quinquennat et qu’ils sont également appelés à la rescousse lorsque le gouvernement est mis en difficulté sur un sujet. Externaliser n’est-il pas l’aveu qu’en dépit de la pléthore de fonctionnaires – cinq millions et demi – l’État échoue à trouver en son sein les compétences lui permettant de conduire les affaires publiques ? Encore faut-il cependant que les cabinets choisis soient compétents. Des résultats « inégaux » On peut en douter, vu les piètres résultats obtenus. Par exemple, la gestion de la crise dite sanitaire de la Covid-19, où trois cabinets, McKinsey (37,9 %), Citwell (20,50 %) et Accenture (16,10 %), ont concentré trois quarts des dépenses de conseil n’a-t-elle pas été un fiasco économique et social ? On retiendra, par exemple, du rapport sénatorial que c’est McKinsey qui s’est occupé de la campagne vaccinale, et qu’il a, par exemple, facturé 957 674,20 euros (sic) pour préparer la réforme (avortée) des retraites et 496 800 euros pour la préparation  d’un colloque à l’UNESCO, finalement annulé… Conflits d’intérêts Dans ses conclusions, la commission a évidemment raison d’exiger que les cabinets de conseil, les consultants et sous-traitants, fassent des déclarations d’intérêts. Si cela avait été le cas, on aurait peut-être évité que le cabinet McKinsey joue un rôle prépondérant auprès de l’administration Macron… En effet, n’est-il pas fortuit que le directeur en France de McKinsey est Victor Fabius, le fils de Laurent Fabius, Président du Conseil constitutionnel, lequel, comme on sait, a mis beaucoup de bâtons dans les roues de la République en marche ? À propos d’intérêts, le rapport n°578, page 219, révèle que le cabinet McKinsey défend bien les siens : [Il] est bien assujetti à l’impôt sur les sociétés en France mais ses versements s’établissent à zéro euro depuis au moins 10 ans, alors que son chiffre d’affaires sur le territoire national atteint 329 millions d’euros en 2020, dont environ 5 % dans le secteur public, et qu’il y emploie 600 salariés. Une compétence de McKinsey : l’optimisation fiscale N’est-ce pas là un autre aveu ? En France, la fiscalité – il faut bien financer les dépenses toujours plus grandes de l’État obèse : le quoi qu’il en coûte macronien est à ce sujet emblématique – est tellement confiscatoire qu’il conduit les entreprises qui veulent survivre, à optimiser au maximum. L’optimisation fiscale est au moins une des compétences qu’il faut reconnaître à McKinsey. Évidemment ça la fiche mal pour l’État qui, jusque-là, se gardait bien de mots dire, tout en lui accordant sa manne… — Sur le web * Toutes les citations sont extraites de la synthèse du rapport n°578, sauf indication contraire. ↩
http://dlvr.it/SMHSgf

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