mardi 1 novembre 2016

La menace d’al-Qaïda s’amplifie, par Thomas Joscelyn

La menace d'al-Qaïda s'amplifie, par Thomas Joscelyn

Source : The Weekly Standard, le 11/09/2016

Le 11 septembre 2016 | Par Thomas Joscelyn

Credit: Noofa2401

Credit: Noofa2401

Quinze ans après les détournements du 11 septembre 2001, la menace al-Qaïda s’amplifie. Al-Qaïda a aujourd’hui la capacité de tenter une attaque massive aux États-Unis et en Europe.

Beaucoup supposent qu’al-Qaïda n’a plus sa puissance d’antan, surtout après l’émergence de l’État islamique d’Abou Bakr al Baghdadi. Mais ils ont tort. Des années de déclarations erronées ont embrouillé notre vision d’un ennemi qui reste engagé dans sa cause anti-américaine.

L’administration Obama a prétendu à plusieurs reprises que les frappes par drones avaient paralysé le “cœur” d’al-Qaïda, qui n’est pas bien défini. Une grande partie des rapports sur al-Qaïda se focalisent sur les dirigeants haut placés, auxquels al-Qaïda se réfère comme son “commandement général”.

Toutefois al-Qaïda a fait en sorte de reconstituer ses forces dirigeantes, avec certains de ses acteurs principaux en toute sécurité en Iran. De plus, al-Qaïda compte probablement plus de membres aujourd’hui que jamais et son rayonnement géographique s’est largement étendu.

Des documents récupérés durant le raid d’Abbottabad révèlent que Ben Laden et ses lieutenants contrôlaient un réseau mondial cohérent. Au début de mai 2011, al-Qaïda a pris de l’ampleur en incluant des groupes allant de l’ouest de l’Afrique au sud de l’Asie. Malgré l’expansion de l’État islamique, dont al-Qaïda se sépara au début 2014, al-Qaïda a poursuivi son expansion sous la direction du successeur de Ben Laden, Ayman al Zawahiri.

La clé de cette expansion d’al-Qaïda se trouve dans ses branches régionales, qui sont animées par des djihadistes fidèles à Zawahiri. Ces filiales sont : al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQAP), al-Qaïda au Maghreb islamique (AQIM), al-Qaïda dans le sous-continent indien (AQIS), Jabhat Fatech al Sham (anciennement connu sous le nom de Front al-Nosra) et Shabaab en Somalie.

Chacune de ses branches régionales travaille à mettre en place des émirats islamiques, ou des États, dans leur propre zone géographique. Mais leurs membres pourraient être utilisés pour des attaques contre l’Ouest.

AQAP a été fondée début 2009 et a dynamisé une insurrection prolifique au cœur du Yémen. D’avril 2015 jusqu’à avril 2016, AQAP a contrôlé une large partie du territoire le long de la côte sud du Yémen, comprenant les principales villes. Al-Qaïda ne pouvait que rêver de contrôler toutes les cités arabes le 9 septembre. Mais AQAP le fit jusqu’à ce qu’une une coalition dirigée par des pays arabes ait refoulé la branche d’al-Qaïda hors de certains de ces lieux, au début de cette année. Mais AQAP a simplement disparu, en préservant la plupart de ses forces pour survivre et combattre plus tard. L’armée US a tué plusieurs importants dirigeants d’AQAP depuis début 2015, mais ils ont été remplacés. Un haut dirigeant actuel de l’AQAP est un ancien détenu de Guantanamo, dénommé Ibrahim al Qosi. AQAP a menacé les USA à plusieurs reprises, notamment avec la tentative d’attaque le jour de Noël 2009 et lors d’autres projets. Elle a également financé l’attaque en janvier 2015 des bureaux de Charlie Hebdo, à Paris.

AQIM, qui est devenue un élément officiel d’al-Qaïda en 2006, représente un ennemi dangereux en Afrique du Nord et de l’Ouest. Des organisations telles que Ansa al Sharia (d’ignoble réputation depuis les raids sur Benghazi le 9 septembre 2012), Ansar Dine et d’autres agissent dans l’orbite d’AQIM. A la fin de l’année passée, un fidèle vétéran d’al-Qaïda nommé Mokhtar Belmokhtar a rejoint les rangs d’AQIM. La nouvelle entité ainsi constituée a mené un certain nombre d’attaques importantes depuis.

Shabaab en Somalie est engagé au quotidien dans d’importants combats contre les forces africaines. Les hommes de Shabaab contrôlent un important territoire et sont une cible régulière pour les opérations spéciales américaines. Shabaab est tristement célèbre depuis ses massacres d’une rare cruauté au Kenya, tels ceux perpétrés en 2013 dans la galerie marchande de Westgate et l’an passé au Garrissa University College. Les documents de Ben Laden montrent que Shabaab est une branche d’al-Qaïda depuis déjà 2010, mais il n’a publiquement fait état de son allégeance qu’en 2012.

Jabhat Fateh al Sham (“La conquête du front du Levant”) est le nouveau nom adopté par le Front al-Nosra en Syrie. Al-Nosra a été ouvertement fidèle à Zawahiri pendant des années, mais al-Qaïda a récemment renouvelé l’image de l’organisation pour diverses raisons. Oussama ben Laden et Ayman al Zawahiri ont réalisé depuis longtemps que le nom d’al-Qaïda charriait une réputation désastreuse. Aussi, le leader d’al-Nosra, Abu Mohammed al Julani, a annoncé durant un discours télévisé fin juillet que lui et ses hommes n’avaient “aucune affiliation à une entité extérieure.”

Ceci a été mis en avant dans la presse comme la “rupture” de Nosra vis-à-vis d’al-Qaïda. Mais Julani, qui était vêtu comme Oussama ben Laden durant sa déclaration, a longuement loué le leadership d’al-Qaïda, et en fait n’a jamais dit qu’il n’était plus loyal envers Zawahiri. En fait, al-Qaïda elle-même n’est plus une “entité extérieure” en Syrie car certains des hauts dirigeants d’al-Qaïda, comprenant sans doute les deux plus hauts associés de Zawahiri, sont arrivés dans le pays. La déclaration de Julani fut purement une ruse, destinée à Zawahiri et ses lieutenants. Ils voulaient détourner l’attention des gens de l’expansion d’al-Qaïda au Levant.

Le 28 juin, Brett H. McGurk, qui a été envoyé spécial présidentiel au sein de la coalition internationale pour contrer l’ISIL, a témoigné devant le Sénat. McGurk a décrit en détail Nosra comme “la plus grande association de l’histoire” d’al-Qaïda. Le groupe pourrait compter 10 000 membres, voire plus, dans ses rangs. McGurk a également attiré l’attention sur le fait que Nosra “procure un refuge sûr à certains des terroristes les plus expérimentés d’al-Qaïda.”

Un cadre d’al-Qaïda connu sous le nom de Groupe Khorasan a été intégré à Nosra. Zawahiri a décidé de débuter des opérations contre l’Occident, mais des officiels américains affirment que Zawahiri ne leur a jamais donné le feu vert pour déclencher l’attaque. Al-Qaïda ne voulait pas que Nosra en profite pour planifier des attaques directes contre l’Occident. L’objectif du chef de Nosra était de renverser Assad puis de bâtir un État islamique radical sur les ruines du régime. C’est une des raisons expliquant que Nosra s’est renommée Jabhat Fateh al Sham. Mais des membres chevronnés d’al-Qaïda, opérant en tant qu’élément d’une autre entité, pourraient toujours utiliser la Syrie comme plate-forme pour lancer des attaques contre l’Occident.

AQIS est la nouvelle branche d’al-Qaïda. Zawahiri a annoncé sa création en septembre 2014, affirmant qu’elle regroupait différentes organisations djihadistes déjà existantes sous la bannière d’al-Qaïda. Depuis, AQIS a exporté le terrorisme à travers la région. AQIS a infiltré les forces armées du Pakistan et s’est alliée à de nombreux groupes djihadistes pakistanais. Des officiels pakistanais ont récemment précisé au Washington Post qu’ils suspectaient qu’AQIS compta quelques milliers de membres dans la seule ville de Karachi.

Al-Qaïda maintient une présence significative en Afghanistan. En octobre 2015, par exemple, les forces afghanes et américaines ont mené une opération majeure pour prendre deux importants camps d’entraînement d’al-Qaïda dans le sud du pays. L’un des camps faisait 77 km2. Le général John F. Campbell, qui supervisait à l’époque l’effort de guerre en Afghanistan, a expliqué que le camp était géré par AQIS et que c’était “probablement le camp d’entraînement le plus important observé durant les 14 années de guerre.”

Réfléchissez à ces deux points : le gouvernement américain reconnait que Nosra est “la plus importante filiale de l’histoire” d’al-Qaïda et les militaires américains ont pris l’an passé le contrôle du “plus important” camp d’entraînement de l’histoire de l’Afghanistan.

Al-Qaïda est loin d’être à l’article de la mort.

Contrairement au bons sens, al-Qaïda n’est pas focalisée sur le fait d’attaquer l’Occident. La plupart des ressources de l’organisation sont utilisées pour financer des insurrections majoritairement dans le monde musulman. Mais l’empreinte d’al-Qaïda a pris de l’ampleur, comme les menaces qui reposent sur les USA et l’Europe. Al-Qaïda pourrait facilement employer des membres d’une de ses branches régionales lors d’une attaque contre l’Occident.

Quelques jours avant le 15e anniversaire du 11-Septembre, Ayman al Zawahiri a diffusé une vidéo dans laquelle il menace une fois de plus les USA. Zawahiri affirme que les détournements du 11-Septembre ont mené au “réveil du djihad”. Il a également honoré ben Laden en tant qu’iman du renouveau, saluant son camarade disparu pour avoir aidé à allumer la révolution djihadiste.

Ce ne sont pas des mots creux. L’Amérique doit les prendre au sérieux. Al-Qaïda demeure une menace pour les Américains quinze ans après la pire attaque terroriste de l’histoire.

Source : The Weekly Standard, le 11/09/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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