lundi 24 octobre 2016

Le programme du Parti républicain appelle à ranimer le Glass-Steagall Act, par Donna Borak

Le programme du Parti républicain appelle à ranimer le Glass-Steagall Act, par Donna Borak

Source : The Wall Street Journal, le 19/07/2016

Cette prise de position place le Parti républicain en phase avec les sénateurs libéraux, et s’accompagnerait d’une révocation du Dodd-Frank Act

Paul Manafort, directeur de campagne de Donald Trump. PHOTO: BLOOMBERG NEWS

Paul Manafort, directeur de campagne de Donald Trump. PHOTO: BLOOMBERG NEWS

Par DONNA BORAK

Le programme du Parti républicain appelle au rétablissement du Glass-Steagall Act qui avait contraint les entreprises de Wall Street à séparer leurs activités de banque de dépôt de celles de banque d’investissement. Un tel changement prudentiel, soutenu par les sénateurs libéraux Elizabeth Warren et Bernie Sanders, constitue une entorse inattendue à l’agenda des Républicains à la chambre.

Les députés des deux camps se sont montrés plutôt réfractaires à l’idée de rétablir cette loi. Pour les démocrates, ce nouvel élément du programme politique ne s’accorde pas aux politiques républicaines visant à l’établissement de garde-fous après la crise, alors que les républicains font du détricotage de la loi de restructuration financière Dodd-Frank de 2010 une priorité supérieure.

Dans une déclaration ce mardi, le sénateur de l’Ohio Sherrod Brown, chef de la représentation démocrate à la Commission bancaire du Sénat, affirmait que si le candidat républicain à la présidence Donald Trump « souhaitait vraiment protéger le travailleur américain des spéculations dangereuses de Wall Street qui ont failli détruire notre économie, il défendrait le Dodd-Frank Act, plutôt que d’appeler à son démantèlement. »

Un assistant de la sénatrice Warren confiait que la sénatrice du Massachusetts était « déconcertée par la manière dont les républicains peuvent concilier cette position avec les assauts de leur programme contre le Bureau de la Protection financière du consommateur, et l’engagement de M. Trump à se débarrasser du Dodd-Frank Act. »

Elle comme d’autres ont soutenu que l’abrogation du Glass-Steagall Act a contribué à la crise financière de 2008. Le sénateur Sanders du Vermont n’a pas répondu à une demande de commentaire.

Le président de la commission des Services Financiers à la chambre, Jeb Hensarling (républicain, Texas), qui participe à la convention à Cleveland, indiquait dans un communiqué ce lundi qu’il était « plutôt focalisé sur la fin du Dodd-Frank Act, source de stagnation économique, néfaste pour le consommateur, et favorisant le renflouement des banques, et son remplacement » par une mesure qu’il a dévoilée en juin. Le résultat, selon lui, serait « la croissance économique pour tous, et le renflouement des banques pour personne. »

Le plan ébauché par M. Hensarling reverrait à la baisse les réglementations financières adoptées depuis la crise financière de 2008 pour les institutions répondant à certaines normes.

Les délégués de la Convention Républicaine Nationale ont approuvé le programme du parti ce lundi. En plus de réinstaurer la loi datant de la grande dépression, ce programme préconise l’abrogation de la loi de 2010, ce qui impliquerait l’abolition du Bureau de la Protection Financière du Consommateur.

Le directeur de campagne de Trump, Paul Manafort, a mis la question en avant lors d’une conférence de presse ce lundi. Cette proposition n’apparaissait pas dans les précédentes ébauches du programme républicain, mais une simple phrase a été incluse dans le document final.

« Nous sommes en faveur du rétablissement du Glass-Steagall Act de 1933 qui interdit aux banques de dépôt de s’engager dans des activités spéculatives, » selon le programme. Cette loi fut abrogée à la fin des années 90 en vertu d’un projet de loi républicain signé par le président alors en fonction, Bill Clinton, l’époux de la candidate démocrate désignée à la présidence, Hillary Clinton.

« Nous sommes d’avis que les années Clinton-Obama ont vu passer des lois favorables aux grandes banques, ce qui est l’une des raisons de l’afflux d’argent de Wall Street pour financer » Mme Clinton, affirmait M. Manafort lors de cette conférence de presse.

La décision des républicains d’ajouter cette phrase vient juste après celle des démocrates, qui se réunissent la semaine prochaine à Philadelphie, de modifier leur programme pour y demander une « version revue et modernisée » du Glass-Steagall Act.

Les programmes de partis, s’ils sont non-contraignants, sont réputés refléter les valeurs communes du parti.

Mme Clinton a annoncé qu’élue, elle irait au-delà des prescriptions de la loi Dodd-Frank pour renforcer la règlementation dans les secteurs les moins régulés du milieu financier. A la différence de son opposant démocrate à l’investiture, M. Sanders, elle n’a pas été jusqu’à annoncer le rétablissement du Glass-Steagall Act.

L’inclusion du Glass-Steagall Act dans le programme du Parti républicain a été interprétée par certains comme une tentative du parti « de positionner la campagne de Trump à la gauche de Clinton sur la question des services financiers dans le but de promouvoir un discours selon lequel elle est de mèche avec Wall Street, et peut-être même d’attirer quelques supporters de Sanders, » indiquait dans une note à la clientèle Isaac Boltansky, un analyste pour la société de placement Compass Point Research & Trading LLC, spécialisée dans le secteur des services financiers.

La séparation obligatoire des plus grandes banques « pourrait être plus perturbante que beaucoup ne l’imaginent, » a déclaré Brian Gardner, analyste chez KBW Inc, dans une note à ses clients. Il a également remarqué que les programmes du Parti républicain comme du Parti démocrate soutenaient « le rétablissement d’une forme de Glass-Steagall, » suggérant « qu’il pourrait se former une coalition politique unitaire destinée à modifier la loi Dodd-Frank, tout en rétablissant l’ancienne séparation entre les banques de dépôt et d’investissement. »

Tony Fratto, fonctionnaire de l’administration de George W. Bush, maintenant chez Hamilton Place Strategies, a estimé que le rétablissement du Glass-Steagall Act est peu vraisemblable. « Il y a à boire et à manger dans ce programme, » a-t-il dit.

« Si les républicains pensent qu’ils peuvent déborder la sénatrice Warren, ils sont dans le délire, » a déclaré M. Fratto dans une déclaration écrite. « Le retour au Glass-Steagall Act serait destructeur et irréalisable. »

Au dernier point presse, M. Manafort a cherché à dépeindre Mme Clinton comme une amie de Wall Street et comme une candidate qui favoriserait les plus grandes banques du pays au détriment des plus petites, des banques communautaires et des activités ordinaires des États-Unis.

Mme Clinton s’est fréquemment retrouvée sur la défensive au sujet de ses liens étroits avec Wall Street. Les conférences rémunérées de l’ancienne secrétaire d’État pour le secteur financier, ainsi que les contributions de celui-ci à son budget de campagne, ont joué un rôle majeur dans les débats des présidentielles.

« Ils savent qu’elle est leur championne et ils l’ont appuyée sans réserve, » a déclaré M. Manafort. Il a cherché à positionner la campagne de M. Trump comme celle qui va défendre les « petites banques et les gens ordinaires. »

Une étude récente du Center for Responsive Politics a trouvé que la campagne de Mme Clinton dépend largement des contributions de Wall Street, mais que le nombre de cotisants est faible. En mai, 93% des dons et garanties provenaient de cinq donateurs, et la plus grande partie de l’argent est allée à des super PAC [Comité d’action politique, NdT], pas à la campagne officielle de Mme Clinton.

Source : The Wall Street Journal, le 19/07/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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