dimanche 2 octobre 2016

Dans un Venezuela en déroute, le « stress collectif » des habitants

Dans un Venezuela en déroute, le « stress collectif » des habitants

 
Des Vénézuéliens font la queue devant un supermarché pour acheter des produits de première nécessité,
le 28 septembre 2016 à Caracas, encadrés par des policiers pour maintenir l'ordre (AFP/FEDERICO PARRA)

Déprimés, angoissés ou tout simplement en colère : alors que le Venezuela est en plein naufrage économique et politique, ses habitants vivent un "stress collectif" qu'une équipe de psychologues a décidé de combattre pour les aider à affronter la crise.

"Comment ne pas avoir envie de pleurer ?", craque Marling Duran, femme au foyer de 27 ans. Enceinte de sept mois, elle vient de faire la queue pour rien face à un supermarché de Caracas, sous un soleil écrasant : il n'y a plus de couches en vente.

"Je suis ici depuis quatre heures du matin et ça m'enrage de faire des heures de queue puis d'acheter une chose ou deux, voire rien. Je suis fatiguée de tout ça, c'est de pire en pire", fulmine-t-elle.

Des Vénézuéliens font la queue devant un supermarché pour acheter des produits de première
nécessité, le 28 septembre 2016 à Caracas (AFP/FEDERICO PARRA)

Connus pour leur bonne humeur contagieuse et leur accueil amical, de nombreux Vénézuéliens ont perdu le sourire alors que le pays sud-américain a sombré dans une profonde crise économique et politique, liée à la chute des cours du pétrole et aux affrontements incessants entre gouvernement et opposition.

Leur "cocktail émotionnel" ? Un mélange de dépression, de panique, d'angoisse, de pessimisme et de colère, expliquent Liliana Castiglione et Stefania Aguzzi, qui ont lancé il y a 10 mois le projet "Psychologues à la rescousse", pour aider leurs compatriotes à surmonter ces émotions, via internet ou en cabinet.

"La crise a fait grimper le stress et diminuer la tolérance. Elle affecte les relations personnelles et la santé. Nous voyons des cas d'ulcères, d'infarctus, de suicides, de grande agressivité dans la rue", raconte Liliana Castiglione à l'AFP.

Des Vénézuéliens font la queue devant un supermarché pour acheter des produits de première
nécessité, le 28 septembre 2016 à Caracas (AFP/FEDERICO PARRA)

Difficile de rester de marbre dans un pays où il faut faire chaque jour la queue pendant des heures devant des supermarchés ou des pharmacies aux rayons quasi-vides, tout en supportant une inflation attendue à 720% cette année par le FMI et une criminalité parmi les pires au monde.

Dans la file réservée aux personnes âgées, Lidubina Calzadilla, retraitée de 70 ans du quartier de Petare, s'inquiète de ne pas trouver les médicaments dont elle a besoin pour soigner son hypertension et son ulcère variqueux.

"Ca me déprime et ça me provoque de la tachycardie rien que de penser que je vais peut-être mourir maintenant", confie-t-elle.

- 'Pas de sortie ' -

Des Vénézuéliens font la queue devant un supermarché pour acheter des produits de première
nécessité, le 28 septembre 2016 à Caracas (AFP/FEDERICO PARRA)

Quand elle reçoit en consultations dans son appartement - parfois même gratuitement -, Stefania Aguzzi entend ses patients confier leur "indignation" face au temps perdu dans les files d'attente ou leur "peur" face la délinquance, au manque d'argent, aux aliments et médicaments introuvables.

Assis dans un fauteuil noir, l'un d'eux, Omar Mendoza, avocat de 45 ans, raconte être tombé dans une grave dépression il y a quelques mois, fragilisé par la mort de sa mère, une rupture, trois tentatives d'agression et les difficultés économiques.

"J'ai dû chercher de l'aide. En plus tout le monde se plaint, dans la rue, à la maison, au travail, dans les files d'attente. On a l'impression qu'il n'y a pas de sortie, pas de possibilité de vrai changement", soupire ce père d'une fillette de sept ans et d'un fils de 17 ans qui veut quitter le pays.

Il y a aussi la souffrance de ces parents en deuil car "leurs enfants ont émigré, ils sont vivants mais ils ne sont pas là", indique Mme Aguzzi à l'AFP.

Certains de ses patients ne consultent que par vidéoconférence car ils ont peur de sortir dans la rue quand le soir tombe.

Le "stress collectif", selon les psychologues, est aussi alimenté par les rumeurs qui se propagent sur les réseaux sociaux ou dans la rue.

"Moi j'essaie d'être positif, mais je vais prendre ma douche et il n'y a pas d'eau ou pas de savon ou pas de déodorant, car on n'en trouve pas ou c'est très cher. Donc, c'est très dur d'être optimiste", témoigne Omar.

Face à la détresse populaire, l'existence d'un vice-ministère pour le Bonheur suprême a une saveur ironique. Le président socialiste Nicolas Maduro n'hésite pas à affirmer : "Nous aurons un Noël heureux", misant sur une amélioration économique dans les prochains mois.

 

Source(s) : Boursorama.com avec AFP via notre Contributeur anonyme

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