Des victoires qui n'en sont pas
Bien sûr, on peut se réjouir de ces défaites judiciaires de Philip Morris, mais ces dernières posent plusieurs graves problèmes. Le célèbres cigarettier poursuivait l'Australier pour avoir introduit il y a 5 ans les paquets neutres, qui auraient provoqué une baisse de 10% de la consommation. Mais si les tribunaux d'arbitrage (ou ISDS en anglais) ont rejeté sa plainte, ce n'était pas alors pour des raisons de fond, refusant de statuer sur la légalité des paquets neutres, mais du fait des manœuvres légales du cigaretier, passé par arrangements artificiels pour poursuivre l'Etat en rattachant sa filiale locale à une entité de Hong-Kong, pays qui dispose d'un traité d'investissement avec l'Australie. Il y a quelques jours Philip Morris a été débouté d'une plainte contre l'Uruguay, au motif de l'interdiction des variantes mentholées et d'une augmentation de 80% de la taille des messages sanitaires sur les paquets de cigarettes.
Le cigarettier plaidait que cela violait l'accord d'investissement entre la Suisse et l'Uruguay, dont le président est un cancérologue qui a interdit la cigarette dans les lieux publics. L'ancien maire de New-York, Michael Bloomberg, s'est réjouit de l'annonce, qui montre, pour lui que les Etats peuvent « se mesurer à l'industrie du tabac et gagner ». Mais cela ne pose-t-il pas de gros problèmes ? Est-ce à dire que si ce « tribunal » avait donné raison à Philip Morris, alors, les Etats devraient lui payer des millions, ou même renoncer aux lois anti-tabac qu'ils ont pu passer ? N'est-il pas extrêmement problématique que des multinationales, qui vendent, comme ici, des produits très dangereux pour la santé, puissent ne serait-ce que poursuivre des Etats qui passent des lois pour réduire la consommation de tabac ?
Malheureusement pour nous, et heureusement pour les multinationales, les jugements contre Philip Morris les préservent sans doute d'une remise en cause du principe même des tribunaux d'abitrage. Mais le simple fait que cela puisse être jugé de la sorte n'en est pas moins fondamentalement révoltant. |
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