vendredi 3 juin 2016

Une prof à Macron : « On aimerait que tu fermes ta gueule »

Une prof à Macron : « On aimerait que tu fermes ta gueule »

Source : Rue 89, Renée Greusard, 31/05/2016

Sur Facebook, le coup de gueule de cette jeune femme contre le ministre de l'Economie est devenu viral.

Elle est apparue devant un mur vert ou peut-être turquoise. Elle était très agacée par le point de vue d'Emmanuel Macron sur le shopping et le salariat ( « La meilleure façon de se payer un costard c'est de travailler »). Elle lui disait « tu » et nous disait « vous ».

« Donc, vous avez tous entendu ce qu'a dit Macron. Il paraît que si on ne peut pas se payer des costard, c'est parce qu'on ne bosse pas… Mais Macron, tes costards c'est des Lagonda, ça coûte 1 200 euros pièce…

Tu sais que 1 200 euros, c'est le salaire d'une caissière en un mois ? Tu crois qu'elle bosse pas, elle ? Tu crois qu'elle reste toute la journée sur un transat à rien foutre ? »

Elle déroule son argumentation :

« Si tu veux qu'on se paye des costards comme toi, il faudrait qu'on soit payés comme toi. Mais justement, toi, tu trouves que les ouvriers, les salariés, ils sont un peu trop payés. Il y a eu trop de hausses de salaires, d'après toi.

Par contre, quand c'est ton camarade du Parti socialiste le PDG de Cap Gemini qui s'augmente de 700 000 euros pour arriver à un salaire de 4,8 millions d'euros en 2015, là tu penses qu'il faut pas de loi pour plafonner le salaire des hauts dirigeants. »

« On aimerait bien que tu fermes ta gueule »

Quelques mots bien sentis plus tard, la vidéo se termine sur un sourire contraint et énervé.

« Alors Macron, on va te dire quelque chose, on aimerait bien que tu fermes ta gueule parce que sinon on va faire comme chez les syndicalistes de chez Air France. Et ton costard ? Eh bien on va te l'arracher. Et ton mouvement politique ce ne sera pas "En marche" mais "Je cours" ! »

Postée samedi sur Facebook, la vidéo s'est répandue comme une traînée de poudre : 16 000 likes, 55 000 partages, plus d'un million de vues, 1 300 commentaires. Macron se fait traiter de tous les noms.

« Bravo jeune fille ! »

Mais beaucoup lui parlent aussi à elle. On l'appelle « mademoiselle », « petite dame », « madame », « jeune fille ». On lui dit « merci ».

« Bravo petite tu m'as fait me régaler en écoutant ta lettre au petit proxénète (macron) qui veut faire bosser plus les Français pour un smig roumain »

« Bravo Mademoiselle 2017 c'est demain »

« Merci ma petite. »

« Bien dit ma petite dame il temps que ça s'arrête tout ça. Ce sont tous des voleurs »

« Bravo jeune fille. Allez mon con de macron, ferme donc ton claque-merde et retourne jouer dans ta cour. »

« Hé madame, j'ai vu votre vidéo ! »

Quelques ados s'invitent aussi dans les commentaires :

« C'est pas une de tes prof ça ? XD »

« Elle gère la prof »

Qui est-elle donc, celle qu'on fantasme « madame » ou « petite » dans les commentaires ? Elle s'appelle Hélène et ne préfère pas dire son nom. Elle a 29 ans. Elle est effectivement prof. Depuis la vidéo, ses élèves l'interpellent dans les couloirs de son établissement.

« Hé madame, j'ai vu votre vidéo ! »

« Madame ! Super ! Vous avez un million de vues ! »

« Faisons les Poches aux 500 Familles »

Elle évite les discussions car, dit-elle, elle préfère séparer sa vie professionnelle du reste. Le reste, c'est donc en partie cette page « anti-riches », « Faisons les Poches aux 500 Familles » sur laquelle la vidéo a été postée. Elle la gère avec Rudy, 31 ans, conseiller principal d'éducation. Il l'a créée en avril 2014 parce qu'il n'en pouvait plus « chaque mois, chaque année de voir des riches qui fraudent le fisc et que ça passe, sans problème ».

Rudy vient d'un milieu ouvrier. Il a « fait un bond social en devenant CPE » et il avait envie de porter cette parole invisible. Alors, il a milité. Mais ça l'a lassé.

« J'ai un copain qui dit que les militants, c'est des geeks, et c'est vrai. Nous, on n'hésite pas à reprendre les mots des gens. »

« Droit au but »

Samedi, après avoir découvert la réponse de Macron sur « le costard », leur sang à tous les deux n'a fait qu'un tour. Hélène :

« On a été indignés, ce mépris de classe, spontané envers des personnes qui ne sont pas de son milieu et qui constituent pourtant la majorité de ce pays. »

Avec « Faisons les Poches aux 500 Familles », ils espèrent justement faire émerger la voix de la majorité. Ils se réjouissent donc d'y voir plus de 70 000 personnes.

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Hélène et Rudy multiplient les « visuels » car ils savent qu'« ils se partagent bien » sur Facebook et permettent d'« aller droit au but », de parler simplement et à tout le monde.

« Bataille culturelle »

La charte graphique est toujours la même. Du jaune et du noir. Et toujours cette même proposition : « Partage ». L'objectif est clairement celui de la viralité, pour propager des idées. Hélène résume leurs ambitions en expliquant qu'ils veulent mener une « bataille culturelle ».

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Ils disent « nous » et « eux. » Car s'ils s'avouent de gauche, le clivage droite-gauche leur semble épuisé :

« Il y a l'oligarchie qui ne connait pas ce qu'on vit et puis nous, les catégories populaires, les classes moyennes qui connaissons à différents niveaux des difficultés financières. »

« Pas envie de discuter avec lui »

Les gens sont capables de s'organiser, de renverser la vapeur croit Rudy. Leur page Facebook est une tentative de le prouver.

Rudy se déclare assez enthousiasmé par cette période où l'on parle moins d'immigration et de foulard que de la loi El Khomri ou Nuit debout.

Quant à Hélène, attend-elle une réponse d'Emmanuel Macron ?

« Je m'adresse à lui mais je n'ai pas envie de discuter avec lui. Cette vidéo, c'était pas vraiment pour qu'il la voie, juste pour exprimer notre indignation. »

Source : Rue 89, Renée Greusard, 31/05/2016

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Polémique sur le «costard» : «On ne tutoie pas un ministre», dit Macron

Source : Le Parisien, 31-05_2016

Illustration. «Je n'ai ni mépris ni démagogie, mais j'attends aussi d'eux (ndlr: les militants) qu'ils respectent les représentants des pouvoirs publics : on ne tutoie pas un ministre, on ne l'invective pas», estime Emmanuel Macron. (AFP/NICOLAS TUCAT)

Illustration. «Je n’ai ni mépris ni démagogie, mais j’attends aussi d’eux (ndlr: les militants) qu’ils respectent les représentants des pouvoirs publics : on ne tutoie pas un ministre, on ne l’invective pas», estime Emmanuel Macron.
(AFP/NICOLAS TUCAT)

Après sa petite phrase diversement appréciée sur le «costard», Emmanuel Macron ressent le besoin de se justifier.

Le ministre de l’Économie, en visite ce mardi à Valenciennes (Nord) sur le thème de la réindustrialisation, s’est défendu de tout « mépris » après la diffusion d’une vidéo où il lâche à des militants opposés à la loi Travail : « Je n’ai pas de leçons à recevoir […] La meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler ».

« J’entends beaucoup de remarques et de réactions ces derniers jours, certaines sont blessantes, surtout car elles déforment des propos ou des situations. Moi, je considère que le vrai respect pour les salariés est d’aller au contact de leurs représentants, ce que je fais à chaque fois. (…) Comptez le nombre de responsables politiques qui font encore ce geste », s’est défendu Emmanuel Macron.

L’échange musclé entre le ministre et des militants hostiles à la loi Travail a eu lieu lors d’un déplacement à Lunel (Hérault) vendredi. La phrase polémique d’Emmanuel Macron a été prononcée alors que l’un des militants lui reprochait le recours au 49.3 à l’Assemblée nationale. L’««»»un des grévistes avait lancé : «Vous, avec votre pognon, vous achetez des costards».

« On n’invective pas un ministre »

«Le vrai respect est de les écouter et aussi de répondre ce que je pense. Je n’ai ni mépris ni démagogie, mais j’attends aussi d’eux qu’ils respectent les représentants des pouvoirs publics : on ne tutoie pas un ministre, on ne l’invective pas», a-t-il ajouté.

Le ministre de l’Économie a effectué mardi une visite à la sous-préfecture de Valenciennes sur le thème de la réindustrialisation, avec l’annonce de la nomination d’un commissaire spécial pour la région Hauts-de-France, l’ancien ministre de l’Agriculture Philippe Vasseur, actuellement président de la CCI du Nord.

Une convention a également été signée entre les groupes Vallourec, Safran et Air-France-KLM, avec le soutien des pouvoirs publics. Vallourec, qui a lancé un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), s’est engagé à accompagner financièrement Safran et Air-France-KLM dans l’embauche et le recrutement d’une soixantaine de ses employés, alors que Safran et Air France-KLM ont décidé de créer une usine commune de maintenance de moteurs d’avion dans les Hauts-de-France, devant créer 200 à 250 emplois d’ici à 2020.

 Source : Le Parisien, 31-05_2016
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