lundi 18 avril 2016

Le Pentagone a gaspillé 500 millions de dollars pour l’entraînement de rebelles syriens. Et il est sur le point de recommencer. Par Paul Mc Leary

Le Pentagone a gaspillé 500 millions de dollars pour l'entraînement de rebelles syriens. Et il est sur le point de recommencer. Par Paul Mc Leary

Source : Foreign Policy, le 18/03/2016

18 mars 2016

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Le président Barack Obama a autorisé un nouveau plan d’entraînement des rebelles syriens pour combattre l’État islamique, une décision qui vient quelques mois après la fermeture par le Pentagone d’un programme d’entraînement et d’équipement encore plus ambitieux qui fit partir en fumée quelques centaines de millions de dollars, sans effets probants.

Cet effort fait partie d’une offensive du Pentagone afin de tirer profit du récent élan dans la longue campagne contre l’État islamique, qui a été malmené par la coalition et les frappes aériennes russes, par les attaques terrestres de l’armée syrienne réorganisée par Moscou, et par des assauts incessants des combattants kurdes, yazidis et sunnites armés par les États-Unis. Les partisans ont perdu à peu près 22% des terres qu’ils contrôlaient en Irak et Syrie ces derniers mois, et Washington souhaite manœuvrer le plus tôt possible en direction de Raqqa, la capitale du groupe. Et en l’absence d’envoi de troupes terrestres significatives par les États-Unis ou les alliés, les dirigeants du Pentagone pensent qu’entraîner les forces locales afin de prendre le relai est la meilleure option.

Le nouveau plan promet d’être plus ciblé que le précédent, qui avait embarrassé la Maison-Blanche en ne produisant pratiquement aucun combattant. Le programme d’entraînement initial à 500 millions de dollars débuta durant l’été 2015 par un projet de déploiement d’environ 5000 rebelles vers la fin de l’année, mais à la suite de désertions et à des attaques d’autres groupes rebelles, il n’a produit qu’environ cinq combattants entraînés avant d’être interrompu en octobre.

Informé de ce nombre pendant l’audition de la Commission des services armés du Sénat américain en septembre dernier, le républicain d’Arizona, John McCain, tempêta, disant que le programme du Pentagone était “déconnecté de la réalité” de l’urgence de la situation terrestre.

Cependant, les forces d’opérations spéciales étatsuniennes ont continué depuis à travailler individuellement avec des commandants arabes syriens, les emmenant en Turquie pour les entraîner avant de les infiltrer en Syrie avec de l’équipement américain. Il y a aussi environ 50 commandos américains sur le sol syrien, aidant à diriger le combat contre l’État islamique.

Le nouveau programme d’entraînement approuvé par Obama élargira ces contacts en emmenant des groupes restreints de combattants en dehors du pays pour les former aux tactiques de l’infanterie, bien que les dirigeants ne détailleront pas le plan d’entraînement, ni où il se déroulera, ni combien de combattants confirmés ils espèrent obtenir et renvoyer sur le champ de bataille.

“C’est une partie de nos ajustements au programme d’entraînement et d’équipement basé prioritairement sur les leçons apprises,” déclara le colonel Steve Warren, porte-parole de la coalition militaire des États-Unis à Bagdad. Le Pentagone souhaite “accélérer” le programme […], dit-il, mais “la disposition de notre soutien aux forces locales sera mesuré par rapport à leur performance” à combattre ISIS.

Les forces américaines et leurs intermédiaires sur le terrain ont rencontré des difficultés à recruter pour le programme en Syrie, étant donné que les Américains requièrent que toutes les troupes entraînées le soient seulement pour combattre l’État islamique et non le régime d’Assad.

Il n’y a aucun communiqué quant au lancement du nouveau programme ou quant à son coût, mais il a le soutien complet du nouveau commandant du Commandement central américain, le général Joseph Votel, qui a essayé de tromper les espérances et les intérêts du Congrès sur la taille et la portée du programme la semaine dernière. Attestant devant la Commission des services armés du Sénat, Votel le décrit comme une “accentuation de l’effort” conçu pour augmenter les compétences d’un nombre restreint de combattants qui pourront à leur tour enseigner ces leçons à d’autres rebelles.

“Je pense qu’il est utile d’avoir des personnes formées par nous, qui ont les techniques, les capacités de communication et les ressources afin d’établir un lien avec notre puissance de frappe,” annonça Votel, éludant la possibilité des rebelles de recourir à des frappes aériennes américaines.” Nous essayons d’éviter le problème que nous avons eu la dernière fois, c’est à dire lorsque nous ne savions pas à quel groupe ils appartenaient.”

Les dirigeants militaires resteront sûrement prudents par rapport au programme, après l’humiliante tentative de former une force syrienne l’année dernière. Cela a pris plusieurs mois en procédures pour que les dirigeants américains décident qui impliquer dans le programme, provoquant sur la colline du Capitole Hill [siège du Congrès américain, NdT] des hurlements devant la lenteur du recrutement de la force, alors que l’ÉI gagnait du terrain dans le nord de la Syrie. Et les choses n’ont fait qu’empirer. En juillet, le premier groupe d’environ 50 combattants entraînés revenant en Syrie s’est vu pris en embuscade par une filière d’al-Qaïda, le Front al-Nosra. Les combattants se sont pour la plupart dispersés et les militaires américains ont été incapables de savoir ce qu’ils sont devenus, de même que leur équipement.

Alors en septembre, environ 70 autres participants au stage ont été encore une fois forcés de donner la plupart de leurs matériels et munitions américains à al-Nosra, en échange d’un retour sain et sauf à travers le territoire ennemi dans le nord de la Syrie. En décembre, les responsables américains annoncèrent que moins de 100 des rebelles qui avaient été entraînés sont toujours actifs en Syrie.

Le dernier programme d’entraînement s’occupera probablement exclusivement des arabes syriens, déclara Warren, depuis que les combattants kurdes ont prouvé leur efficacité au nord de la Syrie. Les Kurdes ont aussi causé quelques soucis à Washington, cependant, en affirmant leur volonté de travailler avec les forces russes afin d’attaquer les autres groupes rebelles, dont ceux entraînés par la CIA.

Source : Foreign Policy, le 18/03/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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