jeudi 24 janvier 2013

Pôle Emploi ne sert qu'à ceux qui y travaillent !



Pôle emploi, « infiltré » par France 2







Un joli coup Avec "Les Infiltrés", on ressent toujours un peu les mêmes sentiments ambivalents. L'émission sur Pôle emploi qui devrait être diffusée  vendredi soir 1er février sur France 2 ne déroge pas à la règle. A grand renfort d'images floutées et sous-titrées, les journalistes de l'agence Capa, qui produit le film, réalisent d'abord un joli coup.

Incapacité des agents à faire leur métier Ils montrent de manière éloquente ce que  nombre de rapports écrivent depuis longtemps, mais qu'on n'a jamais vu aussi concrètement : l'incapacité des agents de Pôle emploi à faire leur métier, l'accompagnement des chômeurs. En cela, leur reportage est particulièrement efficace.

Les journalistes, qui ont infiltré deux agences en mai et mi-novembre, montrent des agents écrasés par l'explosion du chômage et par les rigidités administratives de l'organisme. Ceux-ci n'arrivent pas à suivre les chômeurs au moins une fois par mois, contrairement à l'objectif officiel tel qu'il était formulé jusqu'à peu.
Une demi-journée pour recevoir certains des 160 chômeurs de son "porte-feuilles" Il faut voir comment lors de l'entretien d'embauche de la conseillère-journaliste, le responsable RH explique crûment que son job sera notamment "d'écraser" les projets de formation des chômeurs qui souhaiteraient s'orienter vers des secteurs peu porteurs. Il faut voir comment la journaliste découvre que dans son planning, elle n'aura qu'une demi-journée par semaine pour recevoir certains des 160 chômeurs de son "porte-feuilles". Pour remplir les objectifs, on essaye de multiplier les contacts par téléphone, qui seront décomptés même si le chômeur ne répond pas.
Un gâchis Dans une des agences filmées, 600 chômeurs n'ont même pas de conseiller attitré et atterrissent dans un mystérieux "porte-feuilles tampon", celui du responsable, qui n'a bien sûr jamais le temps de les recevoir. Et cela tombe plutôt bien, car il s'agit des chômeurs souvent "incasables", plaisante le responsable."Je ne pensais pas que Pôle emploi était dans cet état", confie la réalisatrice du reportage, avec qui on ne peut tomber que d'accord, face au gâchis qui transparaît de son film.

Une bonne image des conseillers Dans ce contexte, les conseillers des agences "infiltrées" (dont une à Marseille, à en croire la CGT, qui a écrit à la direction de France 2 pour dénoncer "un piège journalistique" et demandé de ne pas diffuser le reportage) semblent faire tout ce qu'ils peuvent. Contrairement aux craintes du syndicat, le reportage les montre plutôt sous une bonne image. Malgré le manque de moyens, ceux-ci semblent en effet toujours prendre le temps de chercher une solution de garde pour les enfants d'une chômeuse en larmes ou de réinscrire un chômeur qui dit n'avoir pas reçu sa convocation à un entretien. Et ce même si certains enchaînent les CDD depuis deux ans. Reste que la CGT estime que les salariés de l'agence pourraient être "mis en danger" par le reportage.
  Refus du service de presse de laisser Capa filmer Capa a pris le soin de multiplier les plans où l'on voit le service de presse refuser à la réalisatrice de venir faire un reportage dans une agence. Refus qui constitue la condition que Capa dit s'imposer pour justifier une infiltration. "S'ils avaient accepté de nous laisser filmer librement dans une agence, nous n'aurions pas fait une émission infiltrée", promet le rédacteur en chef de l'émission, Jean-Paul Billault.
"Nous n'avons pas pu recevoir la journaliste parce qu'elle avait des demandes trop fluctuantes et parce que Capa a toujours une histoire préécrite en tête avant de faire son reportage", assure-t-on en réponse à la direction de Pôle emploi."Les salariés des agences infiltrées sont morts d'inquiétude", glisse-t-on pour critiquer la méthode.  Ce à quoi répond, M. Billault, cinglant, "je ne vois aucune raison qui justifie qu'un service public ne permette pas à la presse de suivre son travail".
Fin du suivi mensuel personnalisé pour tous Les invités en plateau devraient permettre de prolonger utilement le reportage avec notamment la réaction de Michel Sapin, ministre du travail, ou de Jean Bassères, directeur de Pôle emploi, s'ils acceptent toutefois de venir s'exprimer. Les deux infiltrations ont en effet eu lieu en pleine période de transition pour le suivi des chômeurs. A partir de cet hiver, Pôle emploi a mis fin au suivi mensuel personnalisé pour tous, remplacé par un "suivi différencié" (lire à ce propos : "Les conseillers de Pôle emploi pourront suivre jusqu'à 350 chômeurs"), qui devrait permettre de concentrer les moyens sur les chômeurs qui en ont le plus besoin. Réalisé bien avant cette transition, le reportage de France 2 ne permet pas de savoir si cette réforme soulage un peu les agents.

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