mardi 28 février 2012

Ces immigrés polonais d'Angleterre qui repartent chez eux


Mario Draghi nous a promis la fin du modèle social en Europe , la situation des polonais au Royaume-Uni donne un avant gout de ce qui pourrait attendre beaucoup d'entre nous dans la future Europe Thatchérisée sur l'autel de la rigueur budgétaire.

L'Image d'Epinal polonaise, idéalise la vieille Angleterre comme un pays de cocagne. Quand un enfant du pays rentre chez lui après un séjour prolongé, tous l'imaginent revenant conduisant un véhicule hors de prix, une malle pleine de Livres Sterling dans le coffre. 

Pour certains, comme Michal Novak, 30 ans, le retour a été triomphal. Après quatorze ans en Grande-Bretagne, il est revenu avec de quoi s’acheter un appartement à Varsovie et la perspective d’un emploi aussi bien payé qu’à Londres.

Le retour de Lukasz Z., 24  ans, et d’Adam B., 22 ans, sera moins triomphal. Ils vont prochainement rentrer en car, grâce à un billet payé par Barka, organisation caritative polonaise qui cherche les Polonais survivant dans les rues de Londres et les persuade d’abandonner tout espoir de réussir leur vie à Londres. Ils reçoivent des billets pour rentrer en Pologne et un point de chute sur place.

 Pas heureux pour autant Depuis qu’il a perdu son travail à l’usine, Adam a passé six mois à dormir dans des parcs, des gares et des squats, tout en volant pour survivre. Quant à Lukasz, il a fait quelques séjours à la prison de Pentonville, l’année dernière, pour vol et port d’un couteau, après avoir perdu son travail de peintre-décorateur. Les deux jeunes gens n’avaient jamais eu de pro- blèmes avec la police en Pologne.

Ces histoires illustrent bien les aléas et les déboires de l’immigration polonaise au Royaume-Uni, un phénomène qui a pris des proportions inattendues avec l’adhésion de la Pologne à l’UE, en 2004. Ni Varsovie ni Londres n’avaient prévu cette ruée vers la Grande-Bretagne, mais les données manquent pour la quantifier précisément. Pas plus que la Pologne, le Royaume-Uni ne dispose d’un système permettant d’avoir une trace de ceux qui arrivent ou repartent. 

D’après l’ambassade polonaise à Londres, les arrivées ont substantiellement décru après un pic en 2006, et de plus en plus de Polo- nais rentrent au pays, particulièrement depuis la crise économique. 

Mais l’ampleur de ce reflux est difficile à évaluer. Même si la plupart des immigrés polonais trouvent du travail dans le bâtiment, la restauration, comme employés de maison ou personnel d’entretien, tous ne sont pas heureux pour autant. Des avocats expérimentés se retrouvent à travailler comme barmen  ; les plus âgés, formés à l’ère communiste et ne parlant pas anglais, ont bien des difficultés à s’adapter, d’autres souffrent simplement du mal du pays.
“Ce n’est pas la vie dont j’avais rêvé. Le temps passé ici ne m’a rien apporté. Pour être honnête, je suis malheureux depuis le début”, confie Adam. 

En juin 2010, Adam a quitté l’appartement exigu qu’il partageait à Varsovie avec sept autres membres de sa famille. Il a voyagé jusqu’à Burton-on Trent [dans le centre de l’Angleterre] où un voisin de Varsovie lui avait trouvé un travail payé au minimum légal. Il s’agissait d’empaqueter des compléments alimentaires pour sportifs. Adam était ravi de partir. 

Ayant quitté l’école à 16 ans sans diplôme, il n’arrivait pas à trouver du travail à Varsovie. Avant lui, personne dans sa famille n’avait voyagé à l’étranger. Tout le monde était excité et espérait profiter des retombées de la chance d’Adam.

Le travail était correct. Il devait scanner des codes barres et vérifier que chaque boîte était bien remplie. Il travaillait douze heures par jour, sept jours sur sept, pour un salaire horaire de 6,80 euros. Il ne parlait pas anglais mais, pour les directeurs de l’usine, cela n’avait pas d’importance. Il y avait très peu d’ouvriers anglais dans l’usine. On lui montrait comment faire par gestes, en faisant parfois appel à un Polonais pour traduire.


Il dépensait 32 euros par semaine pour le loyer (un appartement partagé avec trois autres personnes), 55 euros pour la nourriture, et il envoyait le reste à sa mère. “Ma mère était très reconnaissante.
L’argent que je lui envoyais était bien utile, explique-t-il. J’étais content de travailler. J’y étais préparé. Je voulais travailler, je n’étais pas venu pour m’amuser.”

Même lorsque les choses allaient bien, le choc culturel était pourtant rude. Bien qu’Adam ait l’air de connaître la rue, comme l’atteste le tatouage qui court sur son bras, “Respect pour les gens des rues”, il trouvait Burton-on-Trent dangereux. Il se sentait vulnérable à cause de son faible niveau d’anglais. “Je ne connaissais personne, c’était un environnement inamical.
Je ne pouvais parler à personne, ni expliquer mes problèmes. Mon pays me manquait. Dès que j’avais de l’argent, j’appelais chez moi.”

Après six mois, Adam a été licencié à la suite d’une baisse de rentabilité de l’usine. Sa mauvaise connaissance de la langue l’a condamné à partir parmi les premiers. Il a essayé de trouver un autre emploi, mais sans parler anglais, c’était impossible. Il est alors parti pour Londres, espérant que les choses seraient plus simples dans la capitale. Mais les travailleurs polonais y faisaient la queue pour une poignée d’emplois.


Petit à petit, il a perdu tout espoir de trouver un travail. Il volait, car cela lui semblait moins humiliant que de mendier, mais il détestait sa nouvelle vie. “Je ne peux pas continuer à vivre comme ça. Je ne veux pas finir en prison. Ce n’est pas pour ça que je suis venu ici. Je n’ai pas eu l’expérience que j’espérais. Je n’arrive pas à trouver un travail, je ne peux pas envoyer d’argent à ma famille”, confie-t-il, les yeux baissés.

Un ami lui a trouvé un emploi sur un chantier en Pologne. Son retour ne sera pas triomphal et il devra passer sous silence les détails de sa vie londonienne.
“Je n’ai rien dit à ma mère, je ne voulais pas l’inquiéter”, avoue-t-il.
Beaucoup s’attendent à une vague d’immigration similaire en Allemagne plus tard dans l’année, et prévoient des problèmes analogues. Barka a d’ores et déjà ouvert des bureaux en Allemagne pour aider tous ceux qui viennent de Pologne ainsi que d’autres pays d’Europe de l’Est et qui seront les les perdants de la prochaine vague migratoire.


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