Après l'attentat de Jérusalem,
Droite, PS et FN à l'unisson !
Par Bruno Guigue
Hôtel de Ville de Paris aux couleurs d'Israël le 10 janvier 2017
Hôtel de Ville aux couleurs d'Israël : Paris commémore les victimes de l'attentat de Jérusalem© Capture d'écran Twitter, @Le_CRIF Le drapeau israélien projeté sur l'hôtel de ville de Paris, dans la nuit du 10 janvier
Après l'attentat de Jérusalem,
Droite, PS et FN à l'unisson !
Le 8 janvier 2017, une opération de la résistance palestinienne a coûté la vie à quatre soldats de l'armée d'occupation israélienne, dont trois jeunes femmes. Quatre morts de trop dans ce terrible conflit, bien sûr. Mais cette action n'est pas la première que mènent des Palestiniens réduits à se battre contre l'occupant avec leurs faibles moyens. Utilisant un camion-bélier, cette opération meurtrière, à la différence des actions précédentes, n'a frappé que des militaires. Et elle s'est déroulée sur la « promenade de Talpiot », un nouveau quartier juif de Jérusalem érigé sur des terres arrachées aux Palestiniens durant la guerre de juin 1967.
Ni le mode d'action, ni le lieu choisi n'étaient donc indifférents. A Jérusalem-Est annexée, plus qu'ailleurs, le peuple palestinien est soumis, sur son propre sol, à une occupation et à une colonisation condamnée par le droit international. Dans l'indifférence générale, il subit les humiliations infligées par un occupant surarmé qui bénéficie de la complicité des puissances occidentales et de la passivité des régimes arabes. L'opération du 8 janvier, par conséquent, est le fruit amer de cette cruelle dépossession du peuple palestinien, de la négation de ses droits les plus élémentaires. C'est bien la violence de l'occupation qui génère celle de la résistance, et cette résistance est légitime.
Les forces politiques françaises ont-elles pris la mesure d'un tel événement et de ce qu'il signifie ? Après cet attentat, considéré par de nombreux observateurs comme le plus grave depuis le déclenchement de « l'Intifada des couteaux », ont-elles médité la phrase célèbre du général de Gaulle accusant Israël, le 27 novembre 1967, d'organiser « sur les territoires qu'il a pris une occupation qui ne peut aller sans oppression, répression et expulsions » et prophétisant la naissance d'une « résistance qu'Israël, à son tour, qualifiera de terrorisme » ?
Loin de là. Au lieu de susciter une analyse objective, l'événement a provoqué une épidémie de mauvaise foi. Championne hors catégorie du soutien à Tel Aviv, Anne Hidalgo a organisé un rassemblement silencieux et illuminé l'Hôtel de Ville de Paris aux couleurs d'Israël. « Ce soir nous sommes face à l'Hôtel de Ville de Paris illuminé en mémoire des victimes de l'attentat de Jérusalem #TousUnisContreLeTerrorisme », a tweeté de son côté le Conseil représentatif des institutions juives de France. Chef de la diplomatie française, Jean-Marc Ayrault ne pouvait demeurer en reste. Il a dénoncé un « acte ignoble » et exprimé la « solidarité de la France avec Israël ».
A cette belle harmonie entre le PS et le CRIF, la droite n'a pas manqué d'apporter sa contribution. Son chef de file, François Fillon, a immédiatement réagi : « Solidarité avec le peuple israélien après l'attentat de Jérusalem. Soyons unis contre le terrorisme ». Visiblement frappé d'amnésie gaulliste, le candidat des Républicains à l'élection présidentielle a perdu de vue la distinction entre le terrorisme et la résistance à une occupation illégale. Celui que l'on créditait un peu vite d'un certain courage sur les questions internationales vient aussi de déclarer, sur Bfm/Tv, que « Bachar Al-Assad est un dictateur et un manipulateur ». Pour peu, on aurait presque oublié qu'il fut le premier ministre de Nicolas Sarkozy, passé à la postérité comme le fossoyeur de l'héritage gaulliste.
Au Front national, enfin, même son de cloche. « Soutien au peuple israélien après le terrible attentat islamiste de Jérusalem », a twitté le 9 janvier la présidente du Front national. Une fois de plus, l'opération du 8 janvier est qualifiée dans des termes qui en interdisent toute intelligibilité. L'islamisme supposé de cette action armée agit comme un mot-écran, qui dispense de toute analyse politique sur l'oppression coloniale en Palestine. Il est vrai que la famille Le Pen n'a jamais été très ardente dans la lutte contre le colonialisme. Et si l'on est, en principe, pour l'indépendance de la France, on sait aussi faire des exceptions. Tous ceux qui s'imaginent que la présidente du FN s'affranchit de tous les communautarismes, et pas seulement de celui qu'elle prête aux musulmans, en seront pour leurs frais.
Bruno Guigue
11 janvier 2017
Bruno Guigue, ancien élève de l'École Normale Supérieure et de l'ENA, Haut fonctionnaire d'Etat français, essayiste et politologue, professeur de philosophie dans l'enseignement secondaire, chargé de cours en relations internationales à l'Université de La Réunion. Il est l'auteur de cinq ouvrages, dont Aux origines du conflit israélo-arabe, L'invisible remords de l'Occident, L'Harmattan, 2002, et de centaines d'articles. |
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