Nucléaire : EDF n'aurait pas les moyens de démanteler son parc
Un rapport parlementaire s’inquiète : le coût du démantèlement du parc nucléaire français serait sous-estimé et, malgré quinze ans d’études, la faisabilité technique ne serait pas assurée.
« Face aux difficultés qui s’annoncent, on peut s’étonner qu’on se soit intéressé au problème du démantèlement si tard », pointe la députée PS du Doubs Barbara Romagnan, rapporteure de la Mission d’information relative à la faisabilité technique et financière du démantèlement des installations nucléaires de base (voir notre interview en vidéo). Après six mois de travaux, 70 auditions et plusieurs visites, notamment aux États-Unis, les parlementaires ont publié un rapport plutôt inquiétant. Il y apparaît que la filière nucléaire n’avait pas anticipé le démantèlement du premier parc (neuf réacteurs de technologies diverses) et qu’implicitement elle s’appuie sur des hypothèses qui lui sont favorables comme la poursuite d’un programme nucléaire. « EDF inquiète lorsqu’elle annonce unilatéralement (il y a six mois) le report à l’horizon 2100 du démantèlement des réacteurs fonctionnant à l’uranium graphite gaz (UNGG) et qu’elle engage des travaux pour l’allongement de la durée de vie des centrales sans l’aval préalable de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) », souligne la députée. Ces orientations sont en contradiction avec la loi sur la transition énergétique qui modifie le code de l’énergie en prévoyant de “réduire la part du nucléaire dans la production de l’électricité de 50 % d’ici à 2025”. » Après avoir épluché les travaux de plusieurs pays engagés dans le démantèlement de leurs centrales (Allemagne, Belgique, Etats-Unis), les parlementaires estiment que leurs retours contredisent l’optimisme dont fait preuve EDF, tant sur les aspects techniques que financiers du démantèlement. « La faisabilité technique que beaucoup d’exploitants considèrent comme maîtrisée n’est pas entièrement assurée », regrette Barbara Romagnan.
Le coût de la décontamination des sols a été oublié
EDF est confrontée à des difficultés techniques pour démanteler les six réacteurs fonctionnant à l’UNGG qui ont constitué son premier parc, ainsi que Brennilis, dans le Finistère (réacteur à eau lourde) et Superphénix, à Creys-Malville, dans l'Isère (réacteur fonctionnant au sodium). Le démantèlement des derniers réacteurs UNGG a été reportée au début du 22e siècle, en raison de difficultés techniques qui prendront du temps à être surmontées.
Pour Superphénix, un réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium, l’opération est délicate car le liquide explose au contact de l’eau et s’enflamme au contact de l‘air ; l’ardoise pourrait ainsi s’élever à 2 milliards d’euros selon la Cour des comptes (2012). De son côté, le démantèlement de Brennilis, fermé en 1985 est interminable : il a été confié pour partie à une entreprise privée — Onet technologies — et EDF estime aujourd’hui qu’il ne pourra être achevé qu’en 2032. Soit 47 ans après sa mise en arrêt ! Entre-temps, la facture a été multipliée par 20 (482 millions d’euros selon la Cour des comptes, en 2005). Et à ce jour, les parlementaires n’ont pu obtenir une estimation des sommes déjà déboursées.
À ces difficultés, s’ajoute l’engorgement des lieux de stockage de déchets, de même qu’une absence de filière pour le graphite usagé. Il va falloir construire un site de stockage supplémentaire pour les déchets volumineux issus du démantèlement. Sur le plan financier, EDF pourrait avoir sous-estimé la facture, qu’elle chiffre à 75 milliards d’euros, regrettent les parlementaires. L’opérateur énergétique n’aurait notamment pas pris en compte le paiement des taxes et des assurances, ni la décontamination des sols. De fait, EDF semble se comporter comme si elle envisageait que de nouveaux réacteurs soient forcément construits sur les sites nucléaires en remplacement des centrales fermées.
Ce qui va à l’encontre de la loi sur la transition énergétique. "Tous les sites d'EDF ne vont pas devoir forcément connaître un retour à l'herbe, précise Julien Aubert, député LR du Vaucluse et président de la mission d’information. Certains sites pourraient accueillir des activités nucléaires, d'autres des activités industrielles. L'opérateur a besoin de savoir quelle sera l'utilisation des sites pour définir sa stratégie. " Le président de la mission n'exclut pas de mettre EDF en concurrence avec d'autres opérateurs de décontamination si le chantier s'annonçait compliqué. Après le parc des neufs premiers réacteurs, EDF devra en effet s'attaquer à un défi massif : le démantèlement des 58 réacteurs construits entre 1977 et 1987 et dont il espère que l'activité sera prolongée au-delà des 40 ans prévus initialement.
67 réacteurs et un EPR en construction. le principal exploitant français EDF compte 58 réacteurs à eau pressurisée (REP) en fonctionnement et neuf réacteurs à l'arrêt : Brennilis (eau lourde), Superphénix (réacteur au sodium), six réacteurs de 1re génération ayant fonctionnés au graphite gaz ainsi que le réacteur ChoozA, le plus ancien REP français. A Flammanville se construit enfin un EPR, réacteur à eau pressurisé dont le chantier connaît des difficultés.
La France n'aurait pas les moyens de démanteler son parc nucléaire
FILIÈRE. " Face aux difficultés qui s'annoncent, on peut s'étonner qu'on se soit intéressé au problème du démantèlement si tard ", pointe la députée PS du Doubs Barbara Romagnan, rapporte...
Source : Transition-energetique.org
Informations complémentaires :
Crashdebug.fr : Thorium, la face gâchée du nucléaire (Arte)
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