Il y a 3 ans, Mario Soarès, déclarait « L'austérité conduit l'Europe vers la dictature » « La révolution est inévitable en Europe »
Mario Soares vient de disparaître à l’âge de 92 ans. Un deuil de trois jours est déclaré au Portugal. L’ancien président et leader du Parti socialiste dans la révolution portugaise des années 1974, 1975, 1976, était venu en France présenter son dernier livre il y a trois ans. D&S avait rendu compte de cela. Nous le replions ici. Dans la tradition du livre publié en 1984 « Printemps portugais » (Ed. Action, 600 p.) qui est une analyse exhaustive de la révolution des Œillets.
Par Gérard Filoche
« Etat d’urgence » du Portugal à l’Europe, un livre de Mario Soares
Mario Soares, 88 ans, ex- premier ministre (1976-78 et 1983-1985) et ancien président socialiste de la République portugaise (1986 à 1996), vient de publier aux « Editions de la Différence » un petit livre de 140 pages, qui devrait faire événement par la vigueur de sa dénonciation de « l’austérité libérale qui conduit l’Europe à la dictature ».
Politique d’austérité criminelle
« La crise de la zone euro – provoquées par l’idéologie néolibérale et par la politique d’austérité imposée principalement par l’Allemagne de la chancelière Merkel – a mené le Portugal et presque tous les autres pays de la monnaie unique à la ruine ».
« Il faut en finir avec cette crise maintenant », reprend Mario Soares avec le prix Nobel Paul Krugman. Il faut réduire drastiquement cette « maudite » politique d’austérité (qu’il qualifie même de « criminelle » – p. 97) pour faire reculer la récession dans les pays en proie aux marchés spéculatifs et faire baisser le fléau du chômage. »
« Le Portugal vit ses pires moments depuis 1974 », s’exclame Mario Soares, qui demande carrément au Parti socialiste de ne pas « rester entre deux » et de voter avec le PCP la condamnation du gouvernement de droite PDS CDS-PP de Pedro Passos Coelho. « Il est en train de tuer le pays, à cause de sa politique néolibérale qui exige la stabilité et le paiement à la troïka (formée par le FMI, la BCE, et la commission européenne), elle-même vassale des marchés, qui ne pensent qu’à gagner de l’argent. »
Dette : « nous ne paierons pas »
« On nous oblige à payer des intérêts exorbitants en échange de leur prêt. Je suis partisan de la méthode de l’Argentine et du Brésil qui, lorsqu’ils se sont trouvés dans cette situation, ont dit : « nous ne paierons pas ». Il n’ont pas payé et personne n’est mort, bien au contraire ».
Paralysé, le gouvernement de droite a dû reculer, et s’embourbe. Et en attendant il enfonce le pays dans la misère, proposant de supprimer 208.000 emplois en 2014, avec les plus grandes coupes jamais réalisées dans les dépenses sociales… Comme partout la droite imbécile veut vendre, ici la TAP (transports aériens portugais) et les CTT (Correios de Portugal, créée en 1520) qui dégagent pourtant 74 millions d’euros de bénéfice, et veut fermer 200 bureaux de Poste. Mais quand ils ont voulu, sur ordre de la Commisssion européenne, baisser les cotisations sociales patronales de 22,5 à 18, 5 % et hausser les cotisations salariales de 11,5 % à 18,5 %, il y a eu 1,5 million de manifestants en mars 2013 (l’équivalent de 11 millions en France) et le sale projet a été annulé.
Unité de toute la gauche
Mario Soares pousse le PS à son congrès de Santa Maria da Feira à « donner un nouveau souffle à la gauche » (contre l’austérité, pour le plein emploi, et l’Etat social) par un dialogue avec le Bloc et le PCP lui-même, et les syndicats UGT et CGTP. Il s’est fait acteur pour que les alliances entre ces forces de gauche progressent. Il appelle le nouveau leader du PS, Antonio José Seguro, à pousser les feux en ce sens ; ce serait le premier gouvernement de coalition de toute la gauche au Portugal surmontant les divisions des années révolutionnaires de 1974-76.
En septembre 2012 et mars 2013, le refus des mesures de la troïka, a donné d’énormes mobilisations de masse sans précédent depuis la révolution des Œillets. Elles poussèrent aux « rencontres de toute la gauche » : le 30 mai 2013 dans un grand amphithéâtre de l’Université de Lisbonne, archi-bondé, devant 2300 personnes, PS, PS PCP, Bloc de gauche, ont engagé la voie pour « libérer le Portugal de l’austérité ». Et, de fait, le Portugal est le pays le plus mobilisé d’Europe.
Révolution au Portugal et en Europe : inévitable
Mario Soares, appelle au départ de ce gouvernement qui détruit l’Etat social et la démocratie : « J’espère que le jour de son départ pour notre bien à tous, est proche, et que retentira une explosion de joie pacifique semblable à celle de la révolution des Œillets »
« Un jour viendra – plutôt proche que lointain – où tout changera dans la politique, dans les finances et surtout dans l’éthique, pour le bien du Portugal et des Portugais. Parce que c’est toute l’Europe qui est en crise et qu’elle ne va pas se laisser entraîner dans le gouffre. »
« il est aujourd’hui prouvé que l’austérité ne profite qu’aux marchés spéculatifs et à ceux qui les commandent. Mais elle ravage les Etats et les peuples. Et pas seulement les Etats dits périphériques ou du sud, comme on l’a prétendu un peu vite. Voyez la Hollande, la France et l’Allemagne. «
Soares serait à la gauche socialiste aujourd’hui en France : « Le dilemme est simple : ou on lutte contre le chômage, la pauvreté généralisée, la récession et on garantit l’état social, dans tous ses aspects, tant qu’il est encore temps, ou l’Union européenne sombre dans le chaos. » (p. 93)
Il rappelle les souvenirs du 25 avril 1974, il y a 40 ans et de Grandola Vila Morena la chanson de la révolution qui est a nouveau entonnée partout. « Quant à une révolution (pacifique !) en Europe, pour mettre un terme à la crise, elle arrivera en son temps. C’est inévitable. J’espère que le Portugal y contribuera par son exemple. »
Source : Filoche.net
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