Et si on mettait Uber hors d'état de nuire ?
Voilà presque trois ans que que je rapporte les travers de l'uberisation, cette invasion de barbares, de coucous, de sangsues à la recherche de rente, financés par des marchés pour lesquels elles jouent le rôle d'Attila de leur marché. Mais ce modèle d'affaires révoltant est de plus en plus remis en question, par les autorités du monde entier, comme par ses chauffeurs, avec les grèves en cours chez nous.
Un modèle d'affaires absolument révoltant
La seule chose que l'on peut reconnaître aux champions de cette nouvelle économie, c'est leur côté habile. Uber, c'est un modèle d'affaires où ce sont des travailleurs indépendants qui n'ont aucun droit vis-à-vis de celui qui est bien leur employeur, qui font le gros des investissements en achetant eux-mêmes leurs voitures qui doivent répondre aux exigences d'Uber. Parce que les marchés pensent qu'Uber peut demain acquérir une position dominante sur le marché, ils financent des pertes abyssales, qui ont permis à l'entreprise de se développer à perte, dans une concurrence déloyale aux conséquences ravageuses pour les chauffeurs de taxis, dans un effet auto-réalisateur, tristement prévisible.
Pour parachever le tout, comme bien des multinationales, Uber utilise toutes les pires ficelles comptables et juridiques pour minimiser les taxes qu'elles paient à la collectivité qui lui permet de vivre. Et une fois atteinte une position dominante, l'entreprise gagne alors la possibilité de faire ce qu'elle veut, comme proposer des courses à 200 euros pour le réveillon, réduire du jour au lendemain de 20% la rémunération des chauffeurs pour baisser le prix des courses et essayer de couler ses concurrents, et plus dernièrement, augmenter ses commissions de 40%, ce dont j'avais parlé il y a quinze jours, ce qui a déclenché la révolte des chauffeurs et provoqué les blocages et les violences de la semaine dernière.
L'argent des marchés lui permet de financer sa campagne de relations publiques par des études à sens unique, rapportées de manière bien complaisante. L'objectif : des dirigeants riches comme Crésus et des actionnaires qui s'engraissent à coup de dividendes et rachats d'actions par la rente ainsi dégagée, comme le fait aujourd'hui Facebook. Peu importe les conséquences pour la société, les chauffeurs ultra-précarisés qui ont remplacé des taxis appauvris. Comme le dit Philippe Vion-Dury, « le visage de la Silicon Valley, c'est celui du capitalisme prédateur », un capitalisme de l'espèce la plus brutale, où une petite minorité essore la grande majorité pour accumuler toujours plus d'argent…
Heureusement, les citoyens et les Etats commencent à se révolter. En France, les niches fiscales ont été imparfaitement et très légèrement réduites. Mais ce sont les pays anglo-saxons qui semblent les plus avancés : en Californie, un juge a refusé l'accord à l'amiable passé par Uber avec ses chauffeurs pour éviter les contraintes du droit du travail et le Royaume-Uni met en place des règles plus contraignantes. Et dernièrement, Uber a été condamné pour non respect du droit du travail. Mais l'entreprise est suffisamment sûre d'elle-même pour défier l'Etat Californien et déployer une flotte de voitures sans conducteur, sans avoir effecté les démarches nécessaires auprès des autorités.
Cette nouvelle économie, ce sont de sales gosses qui ne croient qu'au pouvoir d'un argent prêt à tout détruire pour créer de juteuses rentes au mépris des règles de nos sociétés. Rien de cool derrière ces requins avides qui prospèrent quand les Etats reculent et laissent faire la loi de la jungle. Malheureusement, nos dirigeants semblent toujours agir trop tard et timidement. Jusqu'à quand ?
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