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C'était quasiment hier et pourtant le souffle manque déjà. Pas l'impopularité qui s'est installée en un temps record. Il faut se rendre à l'évidence. Nous avons un président de gauche dans un pays dominé par des idées de droite.
Pour être caricatural jusqu'au bout, l'Elysée aujourd'hui c'est un peu un château de sable en bord de plage avec une marée montante. Et ce n'est pas vraiment une surprise. A aucun moment, le candidat de la gauche lors de la présidentielle n'a su transformer le rejet de Nicolas Sarkozy en une adhésion sur un projet. Et pour cause. Il n'en a pas car la gauche est bien en panne d'idées, victime de son dilettantisme.
Il y a belle lurette que le PS, pour ne parler que de lui, brasse les ambitions personnelles et plus les idées. Philippe Corcuff tel un médecin au chevet de son patient a posé dans son livre un diagnostic terrible : la Gauche serait en état de mort cérébrale.
Le sociologue relève un paradoxe. C’est au moment où la gauche était en état de décomposition intellectuelle qu’elle a gagné électoralement. Les formules publicitaires ont été la lisière qui a caché le désert. Le slogan "le changement c'est maintenant" colle désormais aux doigts de François Hollande comme le sparadrap au capitaine Haddocck.
Car le changement ne peut se limiter à la "normalitude", à un style de gouvernance feutré marqué par la retenue et la modération, dans les canons de la pompe et le cérémonial républicain. Dès lors que faire ? Ouvrir des chantiers sociétaux (mariage pour tous, droit de vote aux étrangers, fin de vie …) ça n'occupe pas tout un mandat et surtout ça ne répond pas aux attentes de fond des concitoyens.
Le dur, c'est l'économie. Et de ce côté-là, rien. Rien d'innovant en tous cas. Le PS aurait sombré lentement dans le social-libéralisme, voie médiane entre la social-démocratie qui défend l’Etat social et le néolibéralisme Thatchérien qui remet en cause l’Etat social. C'est la thèse de Philippe Corcuff qui reprend ainsi la théorie du britannique Anthony Giddens.
Les faits semblent hélas lui donner raison. Avec le rapport Gallois, l'illisible politique économique gouvernementale semble avoir trouvé un cadre. Sauf qu'à lire Mediapart, Gallois, c'est un patron de gauche avec des idées de droite. Pire, son rapport aurait été écrit par des officines patronales. Ce qui en revanche est acquis c'est que l'un des deux rapporteurs adjoints est présenté comme suit sur le site du Point : "Pierre-Emmanuel Thiard est haut fonctionnaire et enseigne à Sciences-Po. Ancien président de l’UMP Sciences-Po entre 2004 et 2005, il a été co-rapporteur des groupes ayant travaillé sur les questions économiques, les finances publiques et la politique industrielle dans le cadre de la préparation du programme présidentiel de Nicolas Sarkozy".
Il serait stupide de considérer que parce que certaines propositions du rapport émanent du patronat ou de l'UMP elles seraient irrecevables. Les bonnes idées ne sont ni de droite ni de gauche, ce sont avant tout de bonnes idées. Pour autant, la construction d'une politique économique de gauche sur des idées de droite interpelle.
Le plus inquiétant, au-delà de cette nouvelle boulette, c'est la démonstration de l'incapacité de la gauche à disposer d'une vision globale. C'est cette situation ubuesque qui consisterait pour la gauche de mener une politique de droite uniquement doublonnée par un accompagnement thérapeutique afin de la rendre moins douloureuse.
Ce n'est donc pas tout à fait un hasard si des observateurs et des opposants, parfois les deux, ont très tôt accusé François Hollande d'être un hypnotiseur, un anesthésiste. Un charmeur de serpent dont Jean-Marc Ayrault ne serait que la flûte.
Le quinquennat de Nicolas Sarkozy a pourtant profondément modifié l'attente des français à l'égard de leur Chef de l'Etat. L'immobilisme à la Chirac n'est plus toléré. Tout l'enjeu est aujourd'hui de démontrer une capacité à réformer profondément le pays, à faire sauter les carcans, à le remettre en mouvement. Façon Churchill. Avec des larmes peut être, mais sans le sang.
A suivre donc ...
Hollande ou le paradoxe français, par Henry Moreigne
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