lundi 8 octobre 2012
TSCG : le but n'est pas tant de maîtriser la dette que de finir gérés par la Troïka
Une débilité utile !
Les textes ne disent peut-être pas comment parvenir à l’équilibre budgétaire mais ils le considèrent comme une fin en soi : voilà ce qui est critiquable et que contestent aussi bien Mélenchon et ses amis que de nombreux économistes. Le TSCG impose noir sur blanc aux Etats qui y sont soumis un déficit structurel inférieur à 0,5 % du PIB. Ce qui est une ânerie et une négation même de toute politique macro-économique. L’endettement est nécessaire quand il sert l’intérêt général et quand il permet d’investir pour l’avenir. Aujourd’hui, il serait par exemple nécessaire aux Etats de s’endetter pour financer la transition écologique. Si le déficit des Etats apparait particulièrement énorme c’est que, contrairement aux entreprises ou aux ménages, les règles de la comptabilité publique exigent l’inscription au budget de toutes les dépenses de l’Etat dans l’année. Bref, faire de l’équilibre budgétaire une règle gravée dans le marbre est, d’un point de vue strictement économique, une débilité.
Moins de recettes = plus de dettes
Recettes et dépenses d’un Etat sont intimement liées. Et ça l’est d’autant plus en période de crise. Ce qui a aggravé la crise dans les années 30 et ce qui a plongé les économies dans une dépression profonde, ce qui aujourd’hui aggrave les déficits de la Grèce, de l’Espagne, du Portugal (et bientôt d’autres pays), ce sont précisément les politiques de rigueur qui prétendent réduire la dette. Justement, elles l’aggravent. Pour une raison simple : la réduction des dépenses publiques d’un Etat déjà asphyxié provoque in fine une baisse drastique de ses recettes (car dépression de l’activité économique, chômage, etc...). Si on rajoute à cela la possibilité qu’on donne aux agents financiers de spéculer sur les dettes des Etats, on aboutit au désastre que l’on est en train de vivre actuellement. Et donc si l’Etat est soumis à cette règle stupide des 0,5 %, il fait comment pour relancer l’activité en période de crise ? Je vous engage à relire Keynes, il donne quand même de nombreuses clefs qui plaident en faveur des déficits publics en période de crise. Et de toute manière, que l’on soit keynésien ou non, une politique économique doit pouvoir être discutée, débattue et il faut qu’un Etat puisse avoir tous les leviers de commande pour agir sur sa politique budgétaire, notamment en période de crise. Avec la règle des 0,5 %, ça devient quasiment impossible.
L'indécence des neo cons
Il est d’ailleurs assez comique de voir tous les néo et socio-libéraux s’insurger contre la dette publique et plaider pour des règles strictes d’équilibre budgétaire, alors que le principal responsable de cette situation est précisément le système économique qu’ils défendent . Pour faire court : ce n’est pas tant la dette publique qui est un problème, ce sont tous les mécanismes qui contribuent à la créer de façon artificielle qui le sont. La dette publique n’est pas un problème quand elle est le fait d’un Etat qui investit raisonnablement pour l’avenir, qui investit dans les infrastructures, dans l’éducation, dans la recherche, dans la santé, dans la transition énergétique, etc...Mais elle devient un problème quand elle explose de façon artificielle. D’où vient l’explosion des dettes publiques européennes ? D’abord d’une politique fiscale laxiste envers les hauts revenus qui ont contracté les recettes des Etats (il est quand même nécessaire de le rappeler). Mais c’est surtout la conséquence directe de la crise de la finance privée de 2007. Or cette crise n’est pas tombée du ciel. Elle fait suite à de nombreux autres crises (crise asiatique, crise de la bulle Internet et j’en passe) et trouve ses origines dans les fondements mêmes du système néo-libéral. Nous sommes actuellement dans une configuration du capitalisme souvent qualifiée de « capitalisme à basse pression salariale ». Les salaires étant tirés à la baisse par les deux mamelles du capitalisme financiarisé que sont la contrainte libre-échangiste et la contrainte actionnariale, ils ne peuvent plus être le moteur de la demande.
Endettement privé !
Ce qui devient le moteur de la demande, en économie néo-libérale, c’est l’endettement des ménages. Donc si on veut s’attaquer à la dette, il faut s’attaquer au libre-échange et au capitalisme actionnarial. C’est ainsi qu’il faut comprendre la critique de la gauche radicale et de nombreux économistes à ce TSCG : ils s’attaquent à la maladie (qui est le néo-libéralisme) pas seulement aux symptômes qu’elle crée (la dette). Les néo-socio-libéraux, dans une grande hypocrisie, font exactement le contraire. Ils cachent soigneusement les raisons véritables de l’explosion de la dette qui remettraient en cause toute l’idéologie qu’ils défendent depuis tant d’années et poussent de cris d’orfraie sur les symptômes. Pour une seule raison : la dette est une excuse parfaite pour justifier des réformes qui mettent à bas l’Etat social (destruction des services publics, des acquis sociaux, etc...). Il suffit de voir ce qui se passe en Grèce pour s’en convaincre.
Mais ce TSCG va bien au-delà de l’imposture économique. Il pose également un problème démocratique majeur en validant la surveillance des budgets des Etats par une instance non élue. Ceci est d’ailleurs dans la droite lignée de toutes les attaques à la souveraineté des peuples que les européistes néo-libéraux mènent depuis des années. Rappelons-nous quand même du Traité de Lisbonne qui piétinait magistralement l’avis du peuple français consulté quelques mois plus tôt par réferendum. Ce n’est pas seulement un scandale, c’est de l’aveuglement. Comment peut-on penser un seul instant pouvoir construire une Union Européenne au chausse-pieds en imposant traités et réformes au mépris de l’avis du peuple ? C’est absurde.
L' Euro sème la violence
Le résultat politique est d’ailleurs consternant. L’objectif premier de la construction européenne était d’assurer la paix entre les peuples sur le continent. 25 ans de néo-libéralisme auront eu raison de ce voeu pieux. En ne cessant d’accentuer la concurrence des économies européennes au mépris de toute solidarité, en accentuant traité après traité la déréglementation des marchés, la dépendance aux marchés de capitaux, on aboutit au tableau effrayant d’aujourd’hui : des économies plongés dans la crise, des peuples qui se remettent à se détester, des néo-fascismes qui progressent partout. Bref, un échec total.
Alors voilà, faudrait-il continuer à avancer dans la mauvaise direction sous prétexte qu’on avance dans la mauvaise direction depuis des années ?
Parce que l’unique argument des pro-européens (qui soit dit en passant ne sont pas « plus » européens que ceux qui votent contre les traités néo-libéraux) est toujours celui des « petits pas » : en clair, il faut voter pour le traité car il faut approfondir « l’Europe » petit à petit. Sinon « ce sera pire ». Mais si on fait le bilan des 25 dernières années, ce ne sont pas de petits pas qui ont été réalisés, ce sont de gigantesques pas en arrière.
Régression et répression
L’histoire de l’Union Européenne est d’abord celle d’une immense régression : une régression démocratique, une régression politique, une régression économique, une régression sociale et une régression humaine. Cet argument, une nouvelle fois utilisé à propos de ce traité par la droite et la « gauche de droite », est par conséquent aujourd’hui purement et simplement indéfendable. Ce que l’économiste Frédéric Lordon résumait non sans un certain humour dans son dernier papier :
« Il faut engranger tous les progrès même quand ils sont modérés pour construire les conditions des grandes avancées de demain » serinent aussi bien le PS que Cohn-Bendit qui, lorsqu’il est question d’Europe, feront toujours passer pour des progrès les pires régressions, comme celui du TSCG – on se demande jusqu’où, sous couleur « d’avancée », il faudrait que l’Union européenne aille dans l’ignoble pour que "Dany le rouge" finisse par dire « ah non là tout de même, stop ».
A l’Europe de la Sécu privatisée et du travail des enfants, tu t’arrêtes Dany, ou on continue ? »
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