Le troisième age est au Portugal la première victime de la crise . Difficultés pour se nourrir, se chauffer et se soigner : il n'en faut pas plus pour décéder quand on frise ou dépasse les soixante dix ans.
Au Portugal, le taux de mortalité a augmenté d’une manière alarmante pendant l’hiver. En première ligne, les personnes âgées. Au-delà de la vague de froid, les experts y voient les effets collatéraux des mesures d’austérité adoptées dans le domaine de la santé
Près de 11 600 personnes sont mortes en février dernier, selon la Direction générale de la santé portugaise (DGS), soit 10% de plus qu’à la même période l’année passée. La plupart des victimes avaient plus de 75 ans. Pour la DGS, cette hausse résulte des conditions météorologiques inhabituellement froides et des maladies saisonnières comme la grippe. Une explication lacunaire pour de nombreux médecins qui dénoncent surtout l’incapacité croissante des gens à s’offrir un régime alimentaire adéquat et des soins de santé appropriés.
«Je doute fort que la vague de froid et l’épidémie de grippe soient responsables de l’augmentation de la mortalité constatée en février», affirme le docteur Jaime Teixeira Mendes, membre du conseil d’administration de l’hôpital Santa Maria, le plus grand hôpital public de Lisbonne.
Manger ou se soigner
Pour lui, ce sont les mesures d’austérité mises en œuvre «qui sont responsables du déficit nutritionnel, causé par la hausse du prix des produits alimentaires, les mauvaises conditions de logement, et l’absence de chauffage en raison du prix de l’électricité plus élevé». Des mesures qui mettent aussi à mal la gratuité des soins, l’une des réussites majeures de la révolution des Œillets qui avait mis fin à un demi-siècle de dictature en 1974. Le plan de sauvetage du Portugal de 78 milliards d’euros par la troïka – le Fonds monétaire international (FMI), l’Union européenne (UE) et la Banque centrale européenne (BCE) – implique de lourdes économies pour Lisbonne, notamment dans le domaine de la santé. Cette année, le budget de ce secteur devrait être encore raboté d’au moins 5%.
Dans son édition du 3 mars, le quotidien portugais O Correio da Manhã cite des personnes âgées qui résument ainsi le dilemme auquel elles doivent désormais faire face: «Nous pouvons acheter soit de la nourriture, soit des médicaments, mais pas les deux.»
Economies sur le chauffage
Récemment, le journal lisbonnais Publico a consacré plusieurs pages à une enquête sur la situation précaire des personnes défavorisées, qui représentent un quart de la population. Tous les experts médicaux interrogés ont établi un lien entre la hausse du taux de mortalité, la crise et les réductions des dépenses publiques. Mario Jorge Santos, directeur de l’Association portugaise des médecins de la santé publique (AMSP), abonde également dans ce sens. Selon lui, de nombreuses personnes âgées, qui sont les premières victimes d’hypothermie, ont tenté de tirer sur leur maigre pension en réduisant leur consommation de chauffage. Un choix fatal pour nombre d’entre elles.
Pour Ana Filgueiras, directrice de l’ONG Cidadãos do Mundo, l’explication du gouvernement, qui met cette vague de décès sur le compte de la grippe, ne tient pas. «Cette année il y a eu moins de cas de grippe, notamment de souches virales agressives telles que la grippe A(H1N1) (grippe porcine), que ce que nous avons connu les années précédentes.» Tout indique donc pour la coordinatrice du programme d’Assistance mutuelle pour les plus jeunes et les plus âgés que «c’est en raison des difficultés causées par la crise actuelle que les personnes âgées pauvres ne peuvent plus se payer les transports, les frais d’hôpitaux et les médicaments pour se soigner.»
letemps.ch/
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