Lettre ouverte à Monsieur Rémi Ink, à propos d'une chronique sur l'euro
Monsieur Rémi Ink,
Suite à la diffusion de votre chronique sur l'euro, (Lundi 1er mai 2017 à 8h21 sur France Info) qui cherchait à décrypter les propos de Monsieur Nicols Bay, du Front National, je me suis posé plusieurs questions :
1) Avez-vous choisi de faire votre chronique sur un propos émanant du FN sachant que vous pensiez déjà qu'il avait dit faux, ce qui peut s'entendre, du moins, a priori ?
2) Ou bien, si vous l'avez découvert, sur quels économistes ou ouvrages vous êtes-vous appuyé pour en conclure que l'euro n'était pas responsable de l'aggravation de notre déficit commercial depuis 2002 ?
Si je vous pose ces questions, en toute ingénuité, c'est parce que je crois pour ma part, m'appuyant ce que j'ai appris durant mes études de sciences politiques et d'économie, ainsi que sur mes lectures ces dernières années de nombre d'économistes venus de divers horizons, que l'euro est bien responsable – en large partie (pas toute) de la dégradation de la compétitivité française depuis 2002, voire depuis le commencement de la politique du franc fort dans les années 80. (qui pose des problèmes du même ordre).
Je vous cite, dans votre explication sur le déficit commercial.
Si le début de votre raisonnement semble valider la perte de compétitivité de la France, les dernières lignes, en dépit de leur tonalité, ne démontrent pas l'inverse.
Au contraire.
Le fait de partager la même monnaie avec d'autres pays n'enlève en rien au fait que nous soyons en compétition économique.
Si la France a perdu de la compétitivité ces dernières années, c'est justement parce qu'elle ne peut plus suivre ses voisins (ou qu'elle a fait le choix de ne pas les suivre, ou qu'elle ne l'a pas encore fait) dans cette entreprise. Et donc qu'elle perd des marchés à l'export face à l'Allemagne, à l'Espagne, et à d'autres qui ont dévalué leurs SALAIRES. Ce qui en système de monnaies nationales eut été corrigé par une dévaluation MONÉTAIRE, ou une dépréciation. Ce qui revient naturellement à incriminer l'euro, dans la mesure ou nous faisons le choix de ne pas en sortir.
Vous concluez ainsi,
Un constat troublant, il me semble, tant il mélange de choses différentes.
En effet, la baisse des salaires en Allemagne a contribué à notre baisse de compétitivité prix, à laquelle nous n'avons pu répondre par une baisse de notre monnaie (lien monétaire évident). Aussi, si la production française ne peut répondre à toutes les demandes (mais ce n'est pas nouveau) c'est en partie parce que les coûts de productions sont trop élevés en France, notamment en raison d'un euro sur-évalué au regard de notre productivité. J'insiste : ce n'est pas une cause, mais bien une conséquence d'un manque de productivité.
Quant aux matières premières elles ont toujours été importées, il n'y a donc pas de lien avec la dégradation de la balance au début du millénaire.
Enfin, le tourisme et les mauvaises récoltes sont deux phénomènes résiduels qui n'expliquent pas le long terme de manière convaincante.
Au regard de cette analyse, il apparaît que votre chronique ne démontre absolument pas que l'euro n'est pas responsable de la perte de compétitivité du pays, et donc du creusement de son déficit commercial après 2002.
Veuillez croire que je ne partage pour autant en rien les idées de Madame Le Pen, et que ce message n'est en rien un soutien à Monsieur Bay que je ne connais pas et n'ai pas envie de connaître.
En revanche, j'estime qu'il faut questionner notre appartenance à l'euro en débattant sur la base de bons arguments.
Je ne dis pas non plus, je le répète, qu'une sortie de l'euro solutionnerait tous nos problèmes, car certains problèmes de compétitivité hors prix demeurent, entre autres choses. Elle en résoudrait certains toutefois, en même temps que d'autres viendraient naître, évidemment.
En attendant, montrer tel que vous le faites que l'euro n'est pas responsable de notre perte de compétitivité revient à accepter implicitement le cadre dans lequel nous évoluons, qui veut que toute amélioration de notre balance passera par une politique de l'offre (baisse des cotisations, de la protection sociale, des salaires les plus bas...). C'est peut-être votre vision ; peut-être aussi n'avez-vous pas d'avis sur la question... Ce n'est pas celle de tout le monde, ni celle de tous les économistes loin de là, des plus discrets jusqu'aux Nobel. Pourtant vous l'affirmez sans laisser planer de doute.
Je m'étonne que dans vos recherches, vous n'ayez trouvé personne pour vous contredire sur les points que j'ai mis en lumière, du moins les questionner.
Dans l'attente de votre réponse, je vous souhaite une bonne journée.
Antoine Lamnège
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