Education nationale : les démissions d'enseignants bondissent
Le nombre de stagiaires démissionnaires dans le premier degré a triplé depuis 2012, selon des chiffres publiés dans un rapport du Sénat.
Les démissions d'enseignants sont en forte hausse depuis 2012. Les chiffres, glissés dans le rapport budgétaire des sénateurs Jean-Claude Carle (LR) et Françoise Férat (UDI), et repérés par le site spécialisé du « Café pédagogique », interpellent. Ils révèlent, selon les parlementaires, « une progression inquiétante du phénomène auprès des enseignants stagiaires, particulièrement dans le premier degré ». Leur taux de démission est ainsi passé de 1% en 2012-2013 à 3,18% en 2015-2016. Soit un triplement sur la période.
Cette augmentation des démissions d'enseignants stagiaires est visible aussi dans le second degré, même si elle est moindre : de 1,14 % à 2,48 % depuis 2012. La tendance n'épargne pas les enseignants titulaires. Ils étaient 539 démissionnaires dans le premier degré l'an dernier (contre 299 en 2012-2013) et 641 dans le second degré (contre 416 en 2012-2013). Le nombre global de titulaires démissionnaires a ainsi doublé en sept ans, passant de 638 pour l'année scolaire 2009-2010 à 1.180 pour 2015-2016.
Le ministère relativise
« Globalement, les démissions sont toujours variables d'une année à l'autre mais, sur la masse globale, elles restent extrêmement faibles, de l'ordre de 0,1 % », relativise le ministère de l'Education nationale. Où l'on précise que, de fait, « la comparaison d'une année sur l'autre n'a pas grand sens » et que « le choix de la comparaison entre 2012, année avec assez peu de démissions, et 2016, année avec un peu plus de démissions, est un non-sens ».
Les chiffres, rendus publics pour la première fois, sont pourtant « significatifs » concernant les démissions de stagiaires dans le premier degré, estime Christian Chevalier, secrétaire général du SE-UNSA. Même s'ils n'ont, selon lui, rien de dramatique, bien au contraire : « Mieux vaut, pour les élèves, qu'il y ait des professeurs qui aient envie de travailler, c'est plutôt sain de démissionner lorsqu'on se rend compte qu'on n'est pas fait pour ce métier. »
Plusieurs hypothèses
Au SNUipp-FSU, les chiffres n'inquiètent pas non plus. Pour sa secrétaire générale, Francette Popineau, « il y a eu davantage de recrutements, et mécaniquement une proportion plus importante de démissionnaires ». Pour le second degré, où la hausse du nombre de démissionnaires est moindre, la secrétaire générale du SNES-FSU Frédérique Rolet n'est pas non plus alarmiste : « Globalement, on reste dans des proportions assez faibles, on n'est pas dans une explosion. »
Reste à savoir pourquoi le nombre de démissions a augmenté. « Le ministère n'a pas fourni d'explication », regrettent les sénateurs dans leur rapport qui s'en remettent, de fait, à l'hypothèse émise par certains syndicats sur le « caractère éprouvant de l'année de stage, pendant laquelle les stagiaires doivent assurer un service d'enseignement à mi-temps, suivre leur formation et mener un travail de recherche ». Christian Chevalier y croit peu : « L'année de stagiaire est, certes, lourde, mais la plupart la surmontent. Ce n'est pas pire qu'une classe préparatoire de grande école. »
Brutale confrontation avec le réel
Le secrétaire général du SE-UNSA évoque une autre explication possible, avec la création des 60.000 postes qui a pu créer « un véritable appel d'air pour ceux qui ne se destinaient pas à ce métier, étaient au chômage ou avaient envie de se reconvertir, qui ont réussi le concours avec une représentation idéalisée du métier » et pour lesquels « la confrontation avec le réel a peut-être été brutale ». Frédérique Rolet évoque aussi cet appel d'air : « Certains ont tenté l'expérience et ont dû faire face à une forme de déconvenue. » D'autant que, selon Francette Popineau, c'est un métier pour lequel « le décalage entre la représentation que l'on s'en fait et la réalité est encore plus fort qu'ailleurs parce qu'on a tous en tête notre représentation d'enfant, et l'impression de bien connaître la classe, alors que c'est totalement différent quand on devient enseignant. »
Le SNUipp-FSU évoque aussi « le sentiment d'envahissement des jeunes débutants », relevé par une enquête Harris du syndicat de juin 2015. « L'impact de la vie professionnelle des enseignants sur leur vie privée est tel, en termes d'amplitude du temps de travail, de temps de transport que, pour les débutants, que cela peut donner envie de quitter ce métier », ajoute Francette Popineau. La hausse du nombre de candidats devenus enseignants par la voie du troisième concours, qui permet d'exercer sans condition de diplôme après avoir exercé cinq ans dans le secteur privé, est une autre explication possible, selon Frédérique Rolet. Leur nombre est passé de 62 à 385 entre 2012 et 2017.
« Totale défaillance en termes de gestion des ressources humaines »
Même si les chiffres de démissions n'ont rien d'une explosion, comme le soulignent les syndicats, ils posent néanmoins de vraies questions à l'Education nationale. D'abord parce que les démissionnaires devront être remplacés à la rentrée prochaine par des contractuels. Ensuite, parce c'est un enjeu majeur pour le ministère que de connaître les raisons qui conduisent des enseignants à démissionner. « Si les démissions de stagiaires sont motivées par une défaillance de la formation initiale, c'est qu'il y a des choses à revoir. C'est différent si elles sont par des enjeux personnels liés à chaque enseignant », précise Christian Chevalier qui y voit « une totale défaillance du ministère en termes de gestion des ressources humaines » que le (la) successeur(e) de l'actuelle ministre, Najat Vallaud-Belkacem, devrait « traiter »
Il faut notamment « distinguer les démissions pendant l'année de stage des démissions ultérieures », confie Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du Sgen-CFDT. « Certains enseignants quittent leur métier non pas par répulsion mais parce qu'ils ont un autre projet professionnel et qu'être enseignant n'est pour eux qu'un moment dans leur carrière professionnelle », prévient-elle.
@mccorbie
Source(s) : Les Echos.fr via Contributeur anonyme
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