Il y a le feu dans la maison syndicale
Si CFDT et CGT consentent de nouveau à s'allier, alors qu'elles avaient refusé l'idée même de faire un 1er mai unitaire (le syndicat réformiste CFDT s'était estimé « insulté » lors du congrès de la CGT à Toulouse), c'est qu'il y a le feu dans la maison syndicale. Les jacqueries sociales et fiscales dignes des siècles passés secouent la France, la grande manifestation de Quimper qui a rassemblé plus de 20 000 personnes le 2 novembre a particulièrement marqué les esprits, entremêlant salariés licenciés et patrons au bord du dépot de bilan , elle a révélé combien les organisations syndicales étaient hors jeu, souvent incapables de canaliser ces colères atomisées, débordées par leurs bases.
Cette panique au sommet des confédérations syndicales n’a pas échappé au gouvernement. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles Jean-Marc Ayrault a réactivé la réforme fiscale promise par François Hollande pendant la campagne présidentielle. « Cette initiative politique (...) remet dans le jeu les partenaires sociaux », s’est félicité Ayrault dans le Journal du dimanche. « Il fallait réarmer le dialogue social, les partenaires sociaux ont besoin de débouchés », indique un interlocuteur fréquent de François Hollande.
L’échec de la mobilisation contre la réforme des retraites, véritable camouflet pour les syndicats qui y étaient opposés (CGT, Solidaires, FSU, FO etc.), ne peut d’ailleurs qu’encourager le gouvernement à poursuivre dans cette voie. « Le gouvernement enferme les syndicats dans le syndicalisme institutionnel. Il prône la concertation, la négociation mais au fond, c'est bidon, s’inquiète Annick Coupé, de Solidaires. Nous allons de réunions en réunions qui ne servent à rien. Et cela contribue à faire croire aux salariés que nous sommes d'accord avec tout ce qu'il décide. » la gestion erratique du pouvoir ces derniers mois a dérouté les syndicats. « Nos militants disent qu'ils ont fait les manifs contre l'accord emploi, contre la réforme des retraites, tout ça sans que le gouvernement cède. Par contre, 2 000 personnes qui s’en prennent à des portiques écotaxes, ça suffit à faire reculer l'exécutif ! Pas étonnant que certains se disent qu’ils n’ont qu’à casser pour faire entendre nos revendications... ou qu’ils choisissent de s’exprimer dans les urnes, y compris en votant pour le Front national », explique Stéphane Lardy de FO.
Dans l'histoire sociale, « les syndicats n'ont jamais sifflé le début d'une fronde populaire » et cite les exemples de « 1936, 1968, 1995 ». « Depuis la "Manif pour tous", la droite et l'extrême droite deviennent plus mobilisatrices que les syndicats », s'inquiète tout de même Annick Coupé, porte-parole de Solidaires. FO, qui a manifesté seule à Rennes samedi 23 novembre, boudera la réunion, préférant organiser (en solo) un meeting le 29 janvier prochain. « Nous ne sommes pas là pour aider la CFDT, courroie de transmission du gouvernement socialiste, à se refaire une virginité auprès des salariés. Et contrairement à la CGT, nous avons une cohérence dans notre positionnement », justifie Stéphane Lardy. Mais la centrale de Jean-Claude Mailly est elle aussi très tiraillée : certains de ses militants d’usines bretonnes en difficulté ont coiffé le fameux bonnet rouge et elle n’a désavoué le mouvement que très tardivement.
Débordés, les syndicats tentent de rebondir | Mediapart
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