lundi 2 juillet 2012
Comment Chypre a plongé avec la Grèce
La Grèce et la Chypre grecque : les destins liés de deux boulets parasitaires
Le petit État insulaire va bénéficier du secours financier de l'Europe et du FMI pour recapitaliser ses banques juste au moment où il prend, le 1er juillet, la présidence de l'Union européenne pour six mois.
Difficile de faire pire pour l'image. Chypre, la troisième plus petite économie de la zone euro (devant l'Estonie et Malte), prend ce dimanche la présidence tournante de l'Union européenne (UE). Alors même qu'elle est en pleines tractations pour son sauvetage financier! L'île pourrait recevoir jusqu'à 10 milliards d'euros, soit l'équivalent de plus de la moitié de son PIB.
Comment Chypre en est arrivé à devenir le cinquième État membre à faire appel à l'aide de l'UE? Première réponse: l'île a été contaminée par la crise grecque. «L'effacement partiel de la dette grecque (au mois de mars, NDLR) nous a coûté 73 % de nos créances», expose au Figaro Andreas Mavroyiannis, ministre délégué aux Affaires européennes. D'où la nécessité de recapitaliser les trois grandes banques du pays, dont la Laiki, passée sous le contrôle de l'État. «Mais l'exposition de nos banques va bien au-delà», poursuit le diplomate francophone, chef d'orchestre de la présidence chypriote de l'UE. En plus des obligations grecques passées par pertes et profits à hauteur de 3 milliards d'euros, les établissements financiers chypriotes détiennent 23 milliards de créances privées en Grèce. La Commission européenne estime d'ores et déjà que le taux de «prêts non performants», autrement dit les crédits qui subissent des difficultés de remboursement, atteint les niveaux dangereux de 10 à 14 % selon les établissements bancaires.
Les banques asséchées
«Le vrai problème aujourd'hui, analyse un banquier de Nicosie, c'est la liquidité. Il y a un gros problème de confiance, les banques ne prêtent plus.» Dans le monde de la finance chypriote, certains redoutaient, avant la demande d'aide, le «bank run» comme les professionnels désignent les retraits massifs d'argent. Pour retenir les capitaux, les banques de l'île offrent à leurs déposants des taux de rémunération 2,5 fois plus élevés que dans le reste de la zone euro.
La santé du secteur bancaire est, plus qu'ailleurs, vitale pour l'île. Pays agricole pauvre jusqu'à l'invasion du nord par l'armée turque en 1974, la petite république a développé son secteur de la finance grâce au régime fiscal favorable aux sociétés offshore et à son impôt sur les sociétés, le plus bas de l'UE (10 %). Résultat, les capitaux y transitent toujours, russes pour beaucoup, mais aussi grecs, depuis ces deux dernières années.
La dépendance de Chypre à l'égard de la Grèce n'explique pas, loin s'en faut, toute l'étendue du sinistre. Comme les autres grands malades de l'Europe, l'île a cédé aux sirènes du crédit facile. Ce règne de l'argent coulant à flots a coïncidé, rappelle Citigroup dans une note récente, avec l'accession à l'UE en 2004. «Les Chypriotes ont encore couramment trois ou quatre banques, il suffisait de pousser la porte pour obtenir un crédit afin de financer l'achat de sa maison, d'un appartement sur la côte ou d'une grosse voiture», remarque un financier.
Service public «trop gras»
Pour Andreas Theophanous, professeur d'économie sur le campus tout neuf de l'université de Nicosie, Chypre paie aussi la croissance continue de ses dépenses publiques. «Le secteur public est trop gras», résume-t-il. Les dépenses publiques représentent près de 48 % du PIB. Les fonctionnaires, qui terminent leur journée de travail à 14 h 30 (sauf le mercredi), touchaient encore récemment des retraites bien plus élevées que les employés du privé, pour des cotisations dérisoires.
Comment se manifeste cette crise bancaire dans ce pays au niveau de vie supérieur à celui de la Grèce? Le secteur le plus touché est l'immobilier. Les prix ont chuté, nombre de chantiers et de projets sont gelés, à la fois faute de demandes et de financements. Au cours des trois derniers trimestres, souligne Citigroup, le PIB a reculé. Les prévisions pour l'ensemble de 2012 oscillent, selon les sources, entre - 0,8 % et 1,1 %. Conséquence directe, le chômage, de 3,5 % avant la crise de 2008-2009, atteint 10 % de la population active, pourtant l'une des plus diplômées d'Europe.
Un rayon de soleil éclaire ce sombre tableau. Pour l'heure, le tourisme, 18 % du PIB et plus de 25 000 emplois, résiste. L'an dernier, se réjouit le ministre de l'Industrie et du Commerce Neoclis Sylikiotis, le nombre de visiteurs a augmenté de 10 % (49 % pour les Russes) et «ils ont dépensé davantage». La foule des plages ferait presque oublier, comme l'observe un banquier, l'avenue Makarios, la grande artère commerçante de Nicosie, où «les magasins ferment les uns après les autres».
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