Les travailleurs de la centrale nucléaire de Fukushima , appelés aussi " liquidateurs " sont soumis à un stress et à un surmenage constant, subissent de mauvaises conditions de travail, et beaucoup d'entre eux ont perdu leurs proches et leurs biens dans le séisme et le tsunami.
Quand vous avez perdu tout ce qui compte dans la vie (biens et famille), alors devenir liquidateur est une forme de "suicide altruiste" : mourir oui, mais pas pour rien !
Ils ne se bousculent pas les employés de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi à parler de leur quotidien radioactif. l'un d'entre eux, plus courageux que les autres, s'est finalement décidé.
Un liquidateur kamikaze pret à aller jusqu'au bout pour sauver des vies, y compris en sacrifiant la sienne. « le boss nous a vu ! faut pas rester là. » Shikori mashuto – il a tenu à ce que l'on change son identité – est envahi par le stress alors quez nous sommes dans une grande surface à moins de cinquante kilomètres de la centrale nucléaire qui continue à cracher ses rayons de la mort (invisibles).
Ce Japonais à presque 50 ans vient juste de repérer le dirigeant de l'entreprise qui l'emploie. « S’il me voit avec un journaliste, c'est fini pour moi ! »
Non, n’est pas autorisé à révéler quoi que ce soit aux médias. Pourtant, il risque son nouveau « job » pour témoigner de ce qui se passe là bas, où le rayonnement tue à petit feu, lui ainsi que les 3 000 liquidateurs kamikazes.
Le risque au quotidien est devenu habituel pour Shikori mashuto. Il participe à la "liquidation" du site contaminé de la centrale nucléaire frappée par le tsunami du 11 mars 2011. Vous l' aurez compris, cet homme est un liquidateur, apellation douteuse employée depuis l' accident de Tchernobyl pour qualifier ceux qe l'on envoie au casse-pipe après une contamination nucléaire.
Ils sont déja plus de 3 000 à risquer leur vie quotidiennement pour décontaminer la centrale et refroidir les réacteurs.
"Depuis la fusion des réacteurs, on construit des cuves à eau : près de 1 000 d’entre elles contiennent déjà 100 millions de litres d’eau ultra-radioactive. Cette eau est réinjectée dans les réacteurs pour les maintenir au froid.
L’employé ne s'atarde pas sur les détails, mais il tient à préciser qu’il travaille en dehors de la structure de la centrale.
«je préfèrerai largement être employé à l’intérieur. On y est plus utile.
"Ca, c'est mon coté "rique tout" ironise t il.
Shikori mashuto veut être le plus "dans l'action" possible.
Réalise t-il que le milieu où il travaille est contaminé jusqu’à 15 microsieverts par heure (µSv/h), soit 130 millisieverts par an (mSv/an) – quand même cent fois la dose annuelle de radioactivité toléré pour la population humaine ?
« Je me doute bien que c’est très radioactif. Parfois, j’en ai des frissons. Surtout la première semaine sur le site. Je n'y pense plus à présent. Dans quelques années, j'en paierait sûrement le prix...»
Bientôt, il devra quitter la centrale. Un liquidateur ne s'attarde par sur un site aussi radioactif. Le propriétaire de Fukushima Daiichi, a relevé la dose limite admissible pour un travailleur en zone irradiée de 20 mSv/an à 250 mSv/an afin d' "utiliser" plus longtemps les liquidateurs. Shikori mashuto n'en a même pas entendu parler !
« Je suis employé par un sous-traitant de Tepco. ils m'ont dit que le maximum est de 30 mSv. Au-delà, il faut rester chez soi. »
Il a encaissé pour l’instant 20mSv en moins d’un an, donc il est toujours bon pour le service.
Shikori mashuto est à rude épreuve. depuis un an, il travaille tous les jours sans congés. Pas de RTT quand on lutte contre la mort .
Toutefois, depuis six mois, il a droit à six jours de repos par mois, soit deux jours en plus des dimanches.
Les congés sont une vue de l' esprit, son contrat de travail n'a rien prévu à ce sujet.
Les conditions de travail peuvent devenir infernales en particulier en été, quand la température atteint les 40°C.
« La combinaison nous fait transpirer au dela du raisonnable. Il y en a même qui s’évanouissent. C’est la pire période de l' année. »
Boire ou se nourrir pendant les heures de travail est exclu et prohibé par le règlement intérieur. Mais Shikori mashuto en a cure : « Parfois je fume une clope ou je bois une bouteille d’eau vite fait. Ca me contamine forcément, mais c'est impossible d' attendre la fin du service. Si Tepco l' apprend, je serai licencié »
C'est l'ocean Pacifique qui trinque !
Des manquements graves à la sécurité, Shikori mashuto n'y fait même plus attention. Même quand de l’eau radioactive qui peut tuer un ètre humain en dix minutes s’échappe d’une cuve et fuit dans le Pacifique.
« Je me souvient, quand un véritable mini jeyser d’eau ultra radioactive a surgit du réservoir. Heureusement qu'il n'y avait personne à coté. Bien sur il y a un avertisseur sonore. Mais une fois sur deux ça ne marche pas».
Depuis le début de la tragédie, déjà 20 000 liquidateurs sont intervenus sur le site, plus de 150 sont gravement irradiés à plus de 100 mSv.
Il y a déjà six morts à déplorer, mais Tepco essaye maladroitement de rassurer en assurant que ces décès ne sont pas causés par la radioactivité (sic!).
« Il y a des travailleurs dont le nombre de globules blanc s'effondre », ajoute t il inquiet.
Il garde toutefois un courage à toute épreuve. Il est payé 20 000 yens par jour ( soit presque 180 euros). La prime de risque est comprise dans le salaire. Ceux qui n'ont pas de qualifications sont payés 10 000 yens (90 euros).
« C'est pas pour l’argent que je fait ça. Je sauve mon pays »
C'est dur d'ètre un héro
Carte russe de la contamination qui montre que les USA vont ètre dûrement touchés
Shikori mashuto tient à nous rapeller, pour la deux ou troisième fois, qu' il est VOLONTAIRE pour ce travail limite suicidaire.
Il avait un travail tranquille de chauffeur poids lourds au sud de l’archipel nippon.
Et puis, ce tsunami, cette centrale qui explose devant le monde entier.
« Aussitôt après le choc des images à la télévision, j'ai eu peur que le Japon glisse vers un désordre irréversible. Le Japon a besoin de moi. C’est le devoir de notre génération. les jeunes ont assez de problèmes avec la crise économique. »
« Je suis prêt à mourir pour que le japon vive. A Fukushima c’est la guerre.
La centrale c’est le front de la bataille, pas question de reculer."