Par Claude Robert.
Alors qu’avec Macron, l’économie, la sécurité et la santé des Français prennent l’eau de toutes parts, l’un des ténors de LR (Les Républicains) propose de s’allier avec lui pour 2022! Christian Estrosi nâ™est dâ™ailleurs pas le seul à soutenir lâ™héritier de Hollande. Que se passe-t-il donc qui justifie de telles postures ?
Donner les clés à un rival politique est un acte de bravoure lorsque ce rival vous est supérieurement efficace pour servir votre pays. A lâ™inverse, abdiquer devant un homme politique en situation dâ™Ã©chec généralisé apparaît complètement paradoxal. Mais pire encore, ce sont les motifs invoqués par Estrosi qui laissent pantois :
« Pour ne pas gâcher tous les talents de la droite, passons un accord avec Emmanuel Macron pour quâ™il soit notre candidat commun à la présidentielle et que ceux-ci puissent participer au redressement de notre pays », lance-t-il (France Info 31/08/20).
Plus cruel encore : « Il existe beaucoup de talents chez nous mais, soyons honnêtes, aucun dâ™entre nous ne sâ™impose pour concourir à la présidentielle ».
« Bien évidemment, il y a des conditions et cela doit se faire sur la base dâ™un projet commun » ajoute-t-il pour faire bonne mesure. Sauf que ces conditions invoquées, lorsquâ™il les détaille, se résument au seul domaine sécuritaire : « Agir avec force pour établir lâ™autorité et lâ™ordre » !
Tout juste fait-il une allusion à la décentralisation nécessaire de la santé dans son interview (Le Figaro 1/09/20) mais rien de plus. On croit rêver.
Le maire LR de Nice1 sâ™intéresse-t-il à lâ™Ã©conomie ? Sait-t-il quâ™avec Macron, la France qui truste la première place de lâ™OCDE en matière de prélèvements obligatoires voit ceux-ci poursuivre leur infernale progression ? Sait-t-il que malgré cette hausse des taxes, les chiffres du chômage, de la croissance et de la dette sont systématiquement moins bons que la moyenne européenne ?
Sait-t-il que la gestion crapoteuse de la pandémie a fait de la France lâ™un des pays les plus endeuillés au monde2 ? Il est évident que les difficultés de lâ™hexagone sont très loin de se résumer à lâ™insécurité.
Parce quâ™incompréhensibles, totalement déconnectées de la réalité, on se doute quâ™il existe derrière ces justifications des motifs autrement plus importants, parmi lesquels il est aisé de deviner :
* une personnalisation historique du pouvoir politique ;
* une irrésistible dépendance aux idées de gauche ;
* un désintérêt pour les réalités et les solutions quâ™elles requièrent ;
* des calculs claniques et personnels récurrents.
Personnalisation historique du pouvoir politique
Avec Balladur, Chirac puis Sarkozy, la droite républicaine a certainement pris lâ™habitude de se laisser guider par un leader naturel. Aujourdâ™hui, en lâ™absence dâ™un tel rassembleur qui porte lâ™identité du parti, LR semble incapable de sâ™adapter.
Pourtant, deux ans avant lâ™Ã©chéance de la présidentielle, cette absence nâ™a vraiment rien de catastrophique. Ceci pour deux raisons évidentes :
Dâ™abord, personne nâ™aurait prédit la victoire de Macron en 2017, véritable concours de circonstances, ne serait-ce que trois mois plus tôt ! Ni même celle de Hollande ! En réalité, les évènements combinés aux attentes des électeurs font très vite émerger lâ™homme ou la femme de la situation. Encore faut-il effectivement que celui-ci ou celle-ci ait la possibilité de se faire entendreâ¦
Ensuite, la dégradation de la situation économique et sociale sâ™est considérablement accélérée depuis les politiques socialistes laxistes et délétères de Hollande et de son héritier Macron3. Les Français sont peu nombreux à connaître lâ™Ã©tat économique réel de lâ™Hexagone mais tous ressentent concrètement la façon dont le déclin se matérialise chaque jour.
Dans un pays qui a besoin dâ™une libéralisation rapide de son économie et dâ™une réconciliation autour de ses valeurs sociétales, la droite républicaine semble politiquement bien placée pour élaborer le programme ad-hoc et le valoriser auprès de ses électeurs4. Encore faut-il concevoir ledit programme, et faire confiance en lâ™intelligence de ces derniers⦠Les Républicains et leur irrésistible dépendance aux idées de gauche
Les aveux anti-libéraux de Chirac remontent à loin mais nâ™Ã©taient pas une tocade. Répétés, et parfaitement clarifiés, ils ne font aucun doute quant à la conviction profonde de lâ™ancien président :
« Je suis convaincu que le libéralisme est voué au même échec que le communisme, et quâ™il conduira aux mêmes excès. Lâ™un comme lâ™autre sont des perversions de la pensée humaine »5.
Juppé ne sâ™Ã©tait pas privé dâ™Ã©mettre des doutes sur les propositions de réformes libérales du candidat Fillon. Nâ™avait-il pas perdu la primaire de la droite pour avoir sauté les étapes et préparé une stratégie de reconquête des électeurs de gauche au second tour de la présidentielle ? Piètre consolation, de nombreux électeurs socialistes sâ™Ã©taient déplacés à cette primaire pour voter Juppé, unique candidat fréquentable à droite pour les belles âmes de gauche.
Au moins, lâ™ancien maire de Bordeaux a fait preuve de cohérence en ne renouvelant pas son adhésion aux Républicains. Tandis que câ™est de lâ™intérieur même du parti que Sarkozy a distillé dans les médias une splendide bienveillance à lâ™Ã©gard de Macron fin 2017 (Le Point 30/10/17), pris sa défense contre les Gilets jaunes lâ™année suivante (Orange Info 19/12/18), et sâ™est même affiché plusieurs fois avec lui.
Câ™est encore Sarkozy qui aurait convaincu Macron de recruter Jean Castex, lâ™un de ses proches, comme Premier ministre (Challenges 3/07/20), fonction pourtant en charge dâ™exécuter le dirigisme étatique croissant de lâ™actuel président. Et accessoirement, de lui servir de nouveau fusible en cas de nouvel échec !
à cela sâ™ajoutent les propos tenus par dâ™anciens conseillers de Sarkozy, tels quâ™Emmanuelle Mignon, Frédéric Lefebvre⦠Désintérêt pour les réalités et les solutions quâ™elles requièrent
Combien de partis dâ™opposition rêveraient dâ™une situation aussi propice à un renversement de majorité lors de la prochaine présidentielle ? Que faudrait-il de plus en effet quâ™un bilan catastrophique dâ™un président sortant abhorré ?
Câ™est pourtant la situation actuelle qui sâ™offre à la droite républicaine, et qui lui fournit une occasion historique de casser tout espoir de réélection du président Macron.
Certes, lâ™individu est un orateur particulièrement roué, un acteur de première catégorie. Mais lâ™insécurité, la mortalité pandémique et les mensonges qui lâ™accompagnent, le chômage, lâ™accroissement des prélèvements obligatoires, les provocations vis-à -vis de la France séculaire, les gaspillages budgétaires ostentatoires, tout cela a un prix que nâ™importe quel parti dâ™opposition se débrouillerait dâ™exploiter jusquâ™Ã plus soif.
Visiblement pas Les Républicains qui, à lâ™exception de certains caciques encore réveillés comme Woerth, Jacob et Retailleau, se gardent bien de critiquer quoi que ce soit ! Calculs claniques et personnels récurrents
La facilité avec laquelle il est possible de dresser une cartographie des alliances de personnes à lâ™intérieur de LR fournit la preuve irréfutable de lâ™existence de véritables clans. Ces clans sont dâ™ailleurs cimentés par des relations interpersonnelles qui durent bien au-delà des changements de premier secrétaire ou de logo.
Il existe autour de Chirac toute une constellation dâ™individus qui eux-mêmes ont généré des sous-constellations dont on perçoit encore, dâ™Ã©chéance en échéance, la solidité. Ce clanisme qui aujourdâ™hui sâ™Ã©tend jusquâ™Ã la gauche (mais surtout pas au RN), sâ™est développé au mépris des urgences du pays.
Il se nourrit bien évidemment des intérêts personnels des ex-leaders au pouvoir symbolique encore important. Ce clanisme est même capable de saborder son propre camp, en attestent les belles peaux de bananes glissées pendant les déboires du candidat Fillon.
à moins dâ™un sursaut, dans cette histoire, le grand perdant sera la France, dont lâ™une des formations politiques majeures préfère se saborder plutôt que de tirer parti du chaos généré par le camp quâ™elle devrait considérer comme adverse mais quâ™elle ne cesse de courtiser !
* Et président de lâ™agglomération Nice-Côte dâ™Azur. ↩
* 13ème à ce jour en nombre de morts par millions dâ™habitants, avec plus de 4 fois plus de morts que les Allemands pour ne citer quâ™eux. Selon le professeur Perronne, 25 000 morts auraient pu être évités si une campagne de prévention avait été mise en place (dépistage, isolation des porteurs, soins immédiats, port du masque). ↩
* Les politiques de Chirac et de Sarkozy (sur la seconde partie de son mandat) étaient elles aussi dâ™essence socialiste, et la dégradation était déjà bien engagée. Mais le bilan dâ™Hollande, comparativement au reste de lâ™Europe, constitue un échec remarquable dont de nombreux Français ne sont pas conscients. ↩
* Câ™est simple : le libéralisme économique est détesté à gauche et encore plus à lâ™extrême gauche. Quant à lâ™extrême droite, elle sâ™assimile à lâ™extrême gauche sur ce plan-là . ↩
* Cf. livre de Pierre Péan notamment. ↩
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