jeudi 27 août 2020

Coronavirus : cette crise qui n’en finit pas

Par Paul Touboul. Nous vivons encore en ce mois d’août sous l’empire de ce coronavirus qui avait abordé nos rives en mars dernier et continue de faire la Une de l’actualité. On aurait pu penser que la phase de déconfinement nous amènerait tout naturellement vers une sortie de crise. Or, c’est un autre scénario qui se déroule sous nos yeux dont on peut lister sans peine les aspects les plus parlants. Des appels à la prudence n’ont cessé d’être lancés au prétexte que l’épidémie est loin d’être terminée et qu’une seconde vague est toujours à craindre. Une campagne de tests à tout va a été entreprise pour dépister les sujets contaminés et dessiner ainsi la cartographie d’une épidémie souterraine prête à s’embraser de nouveau. Dans le sillage d’une pensée aux abois, le port de masques dans les lieux clos a été imposé et des sanctions prévues en cas de non-respect. Les règles de distanciation physique continuent d’être prônées comme gestes-barrière déterminants. Relayant celui des morts, le comptage des contaminés détectés fait la Une des médias, participant à l’entretien d’un vécu de crise persistante. La survivance d’îlots épidémiques dans les pays voisins est complaisamment rapportée pour corroborer sans le dire la thèse d’une épidémie prête à resurgir. Les jeunes sont montrés du doigt comme de dangereux vecteurs de l’infection, laquelle, très souvent inapparente chez eux, n’en est que plus redoutable. Une peur sournoise a été instillée dans les esprits, visible dans l’espace public où nombre de comportements en témoigne. S’embrasser entre proches est désormais teinté de mauvaise conscience assumée. Force est de constater que nous ne sommes pas seuls à nous sentir en guerre permanente contre le virus. D’autre pays, en Europe ou ailleurs, sont dans le même état d’esprit. Des objections à l’alarmisme ambiant On ne peut s’empêcher de constater que l’attitude alarmiste actuelle rencontre en fait bien des objections. La courbe en cloche de l’épidémie dessinée par le nombre de contaminations en fonction du temps évolue vers un terme prochain sans montrer de nouveau rebond. Le nombre de décès attribué à la virose est ridiculement bas sans commune mesure avec les chiffres du mois d’avril. Des contaminés récemment détectés à la faveur du dépistage, rien n’indique l’ancienneté du comptage d’autant plus que les tests sont incapables de faire la distinction entre virus morts et vivants et seraient même en défaut dans 20 % des cas au bas mot. Or, aujourd’hui tout contaminé dépisté est comptabilisé nouveau malade. La persistance de clusters dans l’ouest du pays peut traduire l’invasion tardive de ces régions en lien avec la direction suivie par la nuée virale. Que le grand Paris, par son étendue et la densité de population connaisse encore des îlots actifs, la chose peut se concevoir, sans tomber pour autant dans le catastrophisme. Pourtant, les médias d’information ressassent à l’envi que les clusters ont toute chance d’être les avant-postes d’une nouvelle vague. Enfin, l’on sait maintenant que les enfants et adolescents, ayant pu rencontrer dans leur vie toutes sortes de coronavirus, sont pour la moitié d’entre eux au moins déjà immunisés contre l’actuel Covid-19. Pourquoi avoir choisi le scénario catastrophe ? Ce constat établi, restent les explications à proposer pour rendre compte de telles dérives. C’est certainement la pratique de l’exercice la plus délicate tant la dramatisation actuelle est proprement sidérante et son ampleur inédite. Et pour commencer, pourquoi avoir fait le choix du scénario catastrophe, et ce contre l’évidence des données épidémiologiques recueillies jusqu’à ce jour ? On peut comprendre que l’ampleur des chiffres de mortalité du mois d’avril en pleine phase d’invasion virale ait contribué à l’édification d’une vision tragique de l’évènement et conduit à redouter un nouveau débordement des structures hospitalières. Mais toute tragédie a une fin et l’on aurait pu s’acheminer avec soulagement vers une issue prochaine. Les services de réanimation s’étaient enfin vidés et la mortalité devenue insignifiante. Alors persister dans la guerre contre un ennemi sur le départ pose question. Car c’est bien dans cette voie que l’on s’est engagé, arguant que ce virus nouveau et par suite imprévisible, était capable de tout et donc d’évoluer selon des modes inattendus. Le principe de précaution, pourquoi ? Continuer de dévider un arsenal de mesures défensives contre toute logique apparente, sinon celle censée débusquer un mal qui court, tel est le fondement de l’action actuelle. Or, tout laisse à penser, sur le vu de l’expérience acquise un peu partout, que le confinement, considéré comme la mesure protectrice par excellence, n’est pas parvenu à influer significativement sur le profil de l’épidémie et les taux de mortalité. L’expérience suédoise jouerait même en faveur d’une politique laissant l’invasion virale se heurter in fine à la barrière d’une immunité collective. En dépit des apparences, le débat sur le sujet reste donc ouvert, ce qui rend d’autant plus incompréhensible la persistance de déclarations laissant planer la menace d’un re-confinement face à la résurgence de contaminations ici ou là. Et l’imposition de masques dans l’espace public se passe également de toute preuve scientifique. À l’évidence, dans l’incertitude, joue ici, semble-t-il, un principe de précaution. En faire trop, même si cela peut être en grande partie inutile, vaut mieux que courir le risque de pêcher par défaut. L’opinion sera toujours sensible à une débauche d’énergie face à un danger redoutable. À l’opposé, une apparence d’absentéisme est plus à risque d’être retournée à charge contre son auteur. Les agissements actuels peuvent aussi être le pendant des errements de départ où l’absence de tests de dépistage et aussi de masques en pleine phase d’invasion épidémique a fait cruellement défaut. Alors, autant se rattraper par la suite et même en rajouter pour renforcer une image d’extrême vigilance et d’autorité experte, cette dernière particulièrement mise à mal dans les premiers temps. Le maintien d’un état de crise tend à faire oublier les débuts. Nos gouvernants nous montrent, en cette période estivale, qu’ils sont toujours sur le pont, ôtant aux critiques toute opportunité de se manifester. Prolonger la situation actuelle en s’aidant de la traque de clusters viraux peut aider à revisiter positivement l’histoire de la pandémie. Une fois l’évènement passé, se maintiendra le souvenir d’un activisme de bon aloi et de dirigeants exemplaires. Pourquoi la peur domine ? Reste que le soubassement de la stratégie en cours demeure la peur. Et l’on doit d’interroger sur cette peur devenue manifeste jour après jour au point d’infiltrer la tonalité des informations, commentaires et débats et de diffuser tout naturellement vers le public. Le coronavirus fait peur à l’évidence. Pourtant son bilan ne le distingue pas particulièrement des virus respiratoires, notamment grippaux, ces derniers ayant pu frapper dans le passé avec une même violence sélectivement dirigée vers les personnes âgées ou malades. Certes on a encore à apprendre de ce Covid-19 et les données recensées en dessinent aujourd’hui une image plus claire. Il faut en outre compter sur les mutations spontanées du germe, lesquelles semblent en avoir réduit l’agressivité. Pourtant l’équation continue d’être : on ne connait pas notre ennemi, autant jouer la carte du pire. Par son ampleur, son excès même, ses éléments d’irrationalité, cette peur interroge sur notre monde soudain pris de panique face à un agent censé véhiculer la mort à tout instant, en tout lieu. Et qu’en fin de compte le risque ne s’avère guère différent de celui d’autres épidémies du passé, le fait est balayé d’un revers de main. La peur a ses propres lois, élabore un discours qui s’alimente de la même logique folle, concourt chaque jour à sa survie qui devient une fin en soi. Il y a en la matière des relents d’apocalypse. La fin de la vie humaine est en perspective. Cette vie il nous faut la défendre et chasser avec une rigueur impitoyable les semences de destruction. Pareille prise de conscience de la précarité du monde renvoie au rêve transhumaniste dans lequel versait il y a peu notre intelligence. Pourquoi faire passer la santé avant le contexte économique et social ? Ainsi, tout au long de l’épidémie, la préservation de la vie a été clamée comme objectif suprême des actions menées contre le coronavirus. Évènement unique en soi, ceux dont le métier a cette finalité, médecins et personnel soignant, ont été célébrés tels des héros engagés dans un combat titanesque. Et bien des voix, sans distinction d’appartenance, ont souligné l’aspect inédit de la décision politique qui a su mettre de côté les enjeux nationaux au seul profit de la santé des gens. Mais n’est-ce pas là une vision bornée des choses que celle de vouloir dissocier la vie en soi du contexte économique et social ? A l’évidence la pauvreté, le chômage sont associés à un risque accru de maladie et de mort prématurée. Or, le confinement a déjà eu son lot de tragédies que catalysait la misère physiologique et aussi sociale. Le suivi de pathologies chroniques a été gravement délaissé. Et le régime de contrainte persistant dans lequel nous vivons depuis plusieurs mois a enclenché une crise économique majeure dont les conséquences pourraient être désastreuses en termes de santé publique. Cette perspective, pourtant, ne semble pas émouvoir outre mesure nos décideurs toujours droits dans leurs bottes face à la crise sanitaire. Pourquoi la délation prend le dessus ? Chaque jour, les temps que nous vivons exhalent une ambiance délétère où se mêlent anxiété, incertitude face à l’avenir, peur diffuse, soupçon. Il faut y ajouter violence sourde, agressivité. Tout citoyen lambda peut aujourd’hui s’ériger en justicier pour faire respecter les gestes barrière par ceux, plus rétifs, qui se voient accusés de négligence coupable mettant en péril la vie des autres. Certains édiles ont été même jusqu’à encourager la délation. La traque des insoumis par les forces de police avec sanction financière à la clé témoigne du virage pris par le pouvoir, lequel arbore en la matière une tonalité autoritaire de plus en plus éloignée d’une gestion démocratique. Au nom de la santé la notion de débat tend à disparaitre. Nous voilà pris en charge sans avoir notre mot à dire. L’État agit pour notre bien. Toute opposition devient irrecevable. Une pensée totalitaire que l’on croyait pour longtemps bannie de l’Occident, refait surface soi-disant pour la bonne cause. Et les comportements se plient avec une docilité qui renvoie à des temps douloureux de notre histoire. Qu’en est-il de la course aux� vaccins ? Risquons-nous enfin à soulever des lièvres, que d’aucuns rangeraient dans la catégorie du complotisme. Ainsi alimenter la peur et maintenir vivant le spectre de l’épidémie ouvre forcément la voie à des solutions miracle lesquelles, il faut bien le dire, se parent aussi d’avantages financiers juteux. Big Pharma joue sa partition en coulisses. La course aux vaccins est lancée et leur fabrication prochaine annoncée comme la parade sans faille opposée dans l’avenir au virus. Peu importe que l’épidémie soit à bout de souffle et que la survenue de résurgences saisonnières reste hypothétique. Le vaccin continue d’être présenté comme l’arme radicale qui réglera tous nos problèmes. Et les États de se positionner dès maintenant auprès de grands groupes pharmaceutiques en vue de l’acquisition de doses par millions. Comprenne qui pourra ! Reste que la dramatisation actuelle de la situation montrerait là un visage fort peu ragoûtant. Des restrictions, jusqu’à quand ? Enfin le régime d’urgence sanitaire en cours a ouvert la voie à l’imposition de règles par décret, devant lesquelles chacun courbe l’échine, santé oblige. Dans ce sillage l’obéissance va de soi. Et tant pis pour les manifestations collectives de quelque nature que ce soit, qu’il s’agisse de fête ou de protestation, puisque tout regroupement d’humains véhicule un risque de propagation virale, information martelée ad nauseam. Alors la tentation peut se faire jour, à l’approche de la rentrée, de maintenir les mesures contraignantes le temps qu’il faut, ce qui permettrait d’annihiler, à cette période de l’année où s’expriment volontiers les crises sociales, toute tentation de manifestations de rue ou d’appel à la grève. Rien n’interdit de penser que nos gouvernants, au moment de fixer une date d’allègement ou de suspension des règles sanitaires actuelles, fasse plutôt le choix d’en retarder la fin, politique oblige. Force est de reconnaître que nous vivons des temps inédits où plus que jamais la manière qu’a l’Homme de régir sa relation au monde est posée. Face aux fléaux naturels, comme en bien d’autres circonstances, les connaissances acquises, passées au filtre de la prise de décision, se heurtent à la part d’inconnu qui fait de toute direction un choix parmi d’autres justifié par la lecture de l’évènement, le background scientifique, l’expérience, le pragmatisme, sans compter les facteurs subjectifs non négligeables. Il faudrait y ajouter des éléments en lien avec la société elle-même. Ce qui se passe aujourd’hui à propos de l’épidémie suscitera, à n’en pas douter, dans l’avenir des études dont le recul devrait permettre plus de pertinence. Et s’il fallait pour conclure caractériser en quelques mots le monde du coronavirus, viendraient, derrière une arrogance de façade, la fragilité et la peur de l’Homme privé de transcendance. Ces articles pourraient vous intéresser: Covid-19 : Saison 2, épisode 1 ? Retrouverons-nous un jour nos libertés perdues ? 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