mercredi 10 juin 2020

Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique Covid-19 change complètement de stratégie !

2 points importants ressortent de cette ITW. Primo, on apprend que si on avait eu les moyens nécessaires, on eût évité un confinement désastreux pour l’économie ! Secundo, si une 2e vague survient, il ne sera pas appliqué de confinement, mais plutôt la stratégie adoptée par les pays asiatiques, comme Taïwan par exemple, qui ont obtenu d’excellents résultats avec une mortalité 1500 fois inférieure à celle de la France ! INTERVIEW – Le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, appelle l’exécutif à changer de stratégie. Jean-François Delfraissy était, fin avril, opposé à la réouverture des écoles en mai. Aujourd’hui, « à la lumière des connaissances actuelles », il estime que le protocole sanitaire pourrait être simplifié durant le temps périscolaire. Le président du Conseil scientifique annonce que son instance souhaite cesser ses travaux en juillet, quitte à reprendre si la situation l’exige. Interrogé sur une éventuelle deuxième vague à l’automne, Jean-François Delfraissy juge « pas pensable de revenir à un confinement généralisé » : « Il faudra probablement laisser tourner le Covid dans la population jeune et essayer de protéger, avec leur accord, les plus fragiles, malades, précaires ou âgés. » Où en est l’épidémie ? Le confinement a réduit la circulation du virus ; nous pouvons tester, tracer et isoler les personnes positives ; et en partie remonter la chaîne des cas contact. Il y a eu des changements culturels : les Français ont appris à se laver les mains régulièrement, à porter des masques. Bref, je suis relativement optimiste. Et pour les semaines qui viennent, je me mouille : la situation est sous contrôle. On pourrait, tout en conservant des mesures de distanciation sociale, alléger le protocole sanitaire Le virus serait en voie d’extinction ? Il continue de circuler. On recense environ de 1.000  à 2.000  nouvelles contaminations chaque jour en France. L’histoire des grandes pandémies à virus respiratoire enseigne que huit sur dix ont régressé pendant l’été. La moitié a repris à l’automne. Profitons de ce moment où la France souffle, où le citoyen retrouve une vie presque normale. Laissons les choses s’ouvrir ; les gens vivre, mais en respectant les mesures barrière. L’école ne devrait-elle pas rouvrir complètement dès juin? Nos connaissances sur le mode de transmission du virus et sur le rôle respectif des personnes qui le transmettent se sont précisées. On sait que les enfants peuvent être porteurs du virus en petite quantité, et que le plus souvent ce sont les adultes qui les contaminent et non l’inverse. On pourrait, tout en conservant des mesures de distanciation sociale, alléger le protocole sanitaire. Même en continuant à respecter des règles un peu lourdes, on pourrait les simplifier en périscolaire d’ici à la fin juin : pendant les repas, les récréations ou le sport. Pourquoi le protocole scolaire est-il sous le feu des critiques ? Il a été construit fin avril en fonction des connaissances de l’époque. Nous avons fait des préconisations au ministère de l’Éducation nationale, qui nous avait sollicités. Notre position initiale était d’attendre septembre pour effectuer la rentrée, mais le gouvernement a pris une autre position. Notre vision était sanitaire ; la sienne, plus sociétale. Il était sensible au fait que des enfants fragiles et démunis devaient retourner à l’école. Après, un petit livret, le fameux protocole, a été rédigé. Il donne lieu à différentes interprétations, selon les directeurs d’école ou les maires, responsables du temps périscolaire. Ce texte pourrait être un peu simplifié, fluidifié, à la lumière des connaissances actuelles. Nous y travaillerons courant juin, pour préparer la rentrée. Mais il ne faut pas oublier qu’au début les parents étaient anxieux ; ensuite, l’alerte sur des cas de maladie de Kawasaki chez des enfants a créé une bouffée d’angoisse. En cas de deuxième vague, il faudra probablement laisser tourner le Covid dans la population jeune et essayer de protéger les plus fragiles La population ne pousse-t‑elle pas le gouvernement à accélérer ? Je peux comprendre qu’une population jeune, active, qui a compris que le Covid est une maladie peu sévère dans la majorité des cas, sans conséquence majeure pour elle, avec laquelle elle peut vivre, pousse dans ce sens. Il n’est pas pensable de revenir à un confinement généralisé. En cas de deuxième vague, il faudra probablement laisser tourner le Covid dans la population jeune et essayer de protéger, avec leur accord, les plus fragiles, malades, précaires ou âgés. On change de paradigme ; une stratégie nouvelle pour nous. Il s’agira de gérer le risque, plus important chez les populations fragiles. Sans coercition mais en faisant appel à la responsabilité individuelle. C’est une autocritique ? Nous assumons le fait d’avoir proposé le confinement durant les trois journées très difficiles des 12, 13 et 14  mars. Ce n’était pas notre décision, car elle appartient au politique. Ce n’était pas une bonne décision mais la moins mauvaise, étant donné les outils que nous avions : 3.000  tests par jour, quand les Allemands en avaient plus de 50.000.   On a probablement fait des erreurs d’évaluation initiales Comment Ã©viter que ça se reproduise ? On a probablement fait des erreurs d’évaluation initiales. Ce qui est intéressant aujourd’hui, c’est que ça ne se reproduise pas. Nous proposons un plan Ehpad : tests réguliers du personnel ; au moindre cas, test de l’ensemble des pensionnaires, isolement des personnes positives dans l’Ehpad ou en dehors, etc. Il faudrait aussi un plan pour les populations précaires : SDF, migrants, personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté, assez largement touchées. Le Covid a mis au jour les inégalités sociales devant la maladie. Les expériences actuelles de dépistages ciblés sont pertinentes. Il ne peut y avoir de réponse nationale, univoque. Pourrons-nous ôter nos masques ? Nous recommandons une large utilisation dans les lieux publics et confinés –  transports, commerces  -, mais aussi dans les rues bondées. Le masque nous protège et protège les autres. Il n’est pas sain qu’une structure créée de toutes pièces pour répondre dans l’urgence perdure N’est-ce pas dérisoire ? Il y a une forme d’impuissance de la médecine classique face à ce virus. Aucun médicament n’a scientifiquement fait la preuve de son efficacité. Nous n’aurons pas de vaccin avant longtemps. Il appartient aux citoyens de se protéger et de protéger les autres. Ça ne peut pas venir d’en haut. Ce changement culturel nous aidera à affronter la grippe chaque hiver et d’autres pandémies. Les petites mesures peuvent avoir de grands effets. Le Conseil scientifique est-il en place pour toujours ? Nous souhaiterions arrêter nos travaux à partir de début juillet. Nous nous sommes mis au service de la nation, en donnant les grandes directions basées sur la science pour éclairer les décisions politiques difficiles. Mais, à présent, les services de l’État sont en ordre de marche. Il n’est pas sain qu’une structure créée de toutes pièces pour répondre dans l’urgence perdure. Après avoir préparé la rentrée et rendu un dernier avis sur tout ce qu’on sait et tout ce qu’on ne sait pas, des mécanismes de transmission à l’immunité en population, par exemple, nous retournerons à nos affaires, quitte à nous réunir de nouveau si la situation sanitaire l’exigeait. Photo d’illustration : le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy. (AFP) Anne-Laure Barret Le Journal du Dimanche [Le JDD] 7 juin 2020
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