jeudi 11 juin 2020

Budget européen : Bruxelles présente la facture à la France

La présentation de la proposition de budget de la commission européenne a suscité l’enthousiasme des plus fédéralistes, Pierre Haski parlant d’un moment hamiltonien. Mais ce qui frappe quand on examine ces propositions, qui occasionneront une rude négociation, c’est à quel point la France perd sur tous les tableaux: demande d’un nouveau chèque colossal et attaque de la PAC. L’UE réclame 92 milliards de plus à Paris Londres a bien fait de partir de l’UE. Nul doute que si la Grande-Bretagne n’était pas partie, la présentation d’Ursula von der Leyenaurait déclenché un tir de barrage de la presse britannique, qui aurait dénoncé le racket européen et mis en avant la contribution financière exorbitante du pays. Il faut dire que la commission ne doute de rien : après l’échec des négociations de février portant sur un budget de près de 1100 milliards sur 7 ans, considéré trop élevé par une partie des pays, elle en propose 1850 ! Pour l’instant, et avant de longues négociations, Ursula von der Layen propose bien une rallonge de 750 milliards aux 27 en utilisant la proposition franco-allemande de la semaine dernière. D’abord, il faut relativiser ce chiffre, à rapporter au PIB sur 7 ans de tous les pays. La rallonge représente seulement 0,7% du PIB de l’UE sur la période. Berlin seule a mobilisé 1000 milliards en 2020 pour relancer son économie… Mais il est effarant que certains détails n’émergent pas plus dans le débat public, même si les chiffres ne sont pas très clairs dans le magma du plan européen. Un document de travail mis en ligne sur le site de la commission évoquait ainsi pour la France une contribution de 130 milliards aux 750 du plan additionnel, pour 78 de crédits, laissant une contribution nette supplémentaire de 52 milliards pour notre pays ! Depuis, la note est montée puisque la commission rapporte que la France ne toucherait que 38,8 milliards de crédits additionnels contre 172,7 à l’Italie et 140,4 à l’Espagne. Ce qui signifie qu’avec 130 milliards de contribution sur les 750 additionnels demandés par la commission, notre pays se voit réclamer la bagatelle d’une ralonge de 92 milliards par Bruxelles ! Bien sûr, la commission en demande encore plus à Berlin mais la France est devenue le deuxième contributeur net au budget… Autre point trop éclipsé dans les compte-rendus de la présentation d’Ursula von der Leyen : les nouveaux chiffres de sa proposition de budget pour 2021-2027. Si la commission propose une envolée du budget, qui double presque par rapport à 2014-2020, le budget de la PAC à 56,2 milliards en 2021, subit une coupe de 2 milliards dès 2022 ! Autant dire que si dans cette proposition, qui sera forcément revue à la baisse, le budget de la PAC s’inscrit déjà en recul, il y a fort à parier que les tours de négociation à 27 risquent d’amplifier le recul. Un choix contradictoire et révoltant face la souffrance du monde agricole, que l’UE abandonne toujours davantage à la concurrence inhumaine des marchés globalisés, renforcée par les différents accords de libre-échange qu’elle continue de signer, même confinée. Bien sûr, cette proposition sera probablement considérablement amendée dans les prochaines semaines. En effet, il est assez peu probable que les pays du Nord acceptent une telle expansion budgétaire de l’UE. Mais il est tout de même effarant que Bruno Le Maire « appelle tous les Etats européens sans exception, y compris les quatre frugaux, à soutenir ce plan Â», en ignorant les menaces sur la PAC ou l’augmentation considérable de la contribution de notre pays. Le fait que la commission demande près de 100 milliards d’euros de plus à la France ne pose pas de problème à notre gouvernement, officiellement. Il est donc à craindre que le plan final soit encore plus salé pour notre pays, puisque, contrairement à d’autres, nous ne semblons pas voir de problèmes à donner toujours plus à cette UE. Bien sûr, l’Allemagne serait amenée à payer plus, mais, en utilisant les quatre frugaux, elle peut limiter sa contribution et limiter la mutualisation des dettes. Et au final, les montants sont faibles par rapport aux excédents dégagés avec l’UE, contrairement à la France, en déficit. Il est donc encore plus aberrant que le coût de cette nouvelle proposition de budget ne soit pas davantage évoqué.
http://dlvr.it/RYP8r2

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